Une Constitution pour l'Europe, Robert Badinter

 

 

 

Introduction de Marc olivier Padis

 

« Le moment de vérité » actuel met à jour la divergence des points de vue sur la vision de l’Europe comme entité politique. En effet, les questions politiques sont à présent les premières préoccupations de l’Europe. Se pose la question de la forme, ou les options vont de la zone de regroupement économique, dont la Grande Bretagne se veut le porte-parole, jusqu’à l’ensemble politique prôné plutôt par l’Allemagne. Se pose également la question des frontières ravivée par la candidature de la Turquie. Par conséquent, les problèmes institutionnels autrefois remis à plus tard, sont aujourd’hui inéluctables. Cependant, arriver à cette position cruciale était sans doute souhaitable, voire nécessaire pour pouvoir trancher entre des positions antagonistes et décider de la stratégie globale à adopter de l’Europe.

Un changement de repères est à noter et peut être imputable à 4 éléments :

- L’échec de l’Europe face à la désintégration de la Yougoslavie fait de cette dernière un élément peu crédible sur la scène internationale.

- L’achèvement de la mise en place de la monnaie unique oriente désormais le débat en dehors de l’économie

- L’affaiblissement de la commission européenne, due au personnel dirigeant.

- Le nouveau rôle de l’Allemagne en tant que puissance européenne depuis sa réunification et qui a la perspective d’une réelle fédération d’états nations

 

Si Jacques Delors évoque l’idéal d’une «fédération d’états nations », Robert Badinter développe le principe de double souveraineté. Ce qui est en soi une nouveauté et constitue un dépassement de l’opposition entre deux modèles extrêmes(une Europe d’états pleinement souverains ou des Etats unis d’Europe). Robert Badinter réussit à parler de constitution sans pour autant que cela n’entraîne une vision de l’Europe sur le modèle américain, car pour lui constitution européenne ne rime pas avec fédération européenne, l’Europe ne pouvant utiliser des modèles institutionnels préexistants de par son caractère particulier, doit donc élaborer une «invention institutionnelle et un projet historique ».

           

Olivier Ferrand évoque trois scénarios pour l’Europe :

- Une Europe fédérale sur le mode stato-national.

- Une intégration régionale (sorte de «suisse » à l ‘échelle continentale)

- Une zone de libre échange à géométrie variable

 

(l’entrevue faite avec Robert Badinter est sous forme de questions- réponses, ce qui suit en est une synthèse)

 

Une constitution pour l’Europe

 

 

            Il existe une réelle difficulté de mobiliser l’opinion publique sur les questions institutionnelles européennes. L’ouvrage débat «une constitution européenne » a justement pour but d’éveiller l’intérêt public au moins autour des questions majeures.

            Le succès prévisible de la convention européenne, du essentiellement à la volonté des participants d’avancer, aura sûrement pour résultat l’élaboration d’un texte repris par le conseil en  Décembre 2003  et mis en application dès 2004. Mais la méthode adoptée, ayant pour but de réaliser un consensus est proprement insatisfaisante. En effet, le vote n’est pas utilisé au sein de la convention, par conséquent, il n’y a pas de cristallisation des opinions, excepté pour ce qui concerne les droits fondamentaux ou le vote a été nécessaire. Cependant les institutions ont plus de «densité » politique que les valeurs, et la méthode consistant à adopter un projet parce qu’il n’a pas suscité d’opposition majeure ne peut être appliquée dans  cas des institutions.

            Malgré le coté directif de la convention qui consiste à former des groupes de travail au fur et à mesure que les questions sont posées, des acquis sont incontestables

*L’unanimité autour de la constitution comme finalité de la convention.

*La reconnaissance de la personne juridique de l’UE.

*L’inclusion de la charte des droits fondamentaux dans la constitution.

 

 

Les deux souverainetés

 

 

            L’histoire témoigne qu’une constitution est en général la forme suprême de souveraineté. En effet, les révolutions ou les mouvements de décolonisation débouchent le plus souvent sur une souveraineté nationale reposant sur la constitution. L’originalité (et le problème !) de l’Union Européenne vient du fait qu’elle procède de deux souverainetés :

 

- La première source de souveraineté : celle des états qui demeurent souverains et qui délèguent certaines compétences à l’Union. Cela ne peut donner lieu à la constitution d’un état fédéral qui nécessiterait une deuxième chambre représentative- menaçant la souveraineté des états. Le terme d’Etat nation n’est pas utilisé puisqu’il n’est pas vraiment applicable à des états comme la Belgique ou la Hongrie bientôt. Le modèle découlant de cette première source de souveraineté est une fédération d’états avec des délégations qui sont gérées de façon fédérale.

- La deuxième source de souveraineté : la souveraineté des citoyens européens, qui doit trouver son expression dans l’élection d’une assemblée au Suffrage Universel. Le dépositaire actuel de la volonté générale du peuple européen en voie de constitution est le parlement européen.

 

Mais la complexité inhérente à ce modèle réside dans la complexité à concilier ces deux souverainetés. Le problème se pose avec autant plus d’acuité que l’Europe est en voie de regrouper 25 états et 480 Millions de citoyens !

 

            Le modèle proposé, accusé de contenir un embryon de bicaméralisme à l’américaine a pour principaux détracteurs les parlementaires nationaux qui voient leur pouvoir s’amenuiser de deux cotés, d’une part par un exécutif de plus en plus puissant car plus médiatisé, et l’Union Européenne qui gagne des compétences à leurs dépens. Mais le bicaméralisme est inutile, puisque la voix des états est déjà entendue à tous les niveaux de l’Union Européenne. Au niveau du conseil européen s’expriment les  chefs de gouvernement, au niveau des conseils sont représentés les intérets des états, et au niveau du parlement  les parlementaires représentent un état.

            Il est donc nécessaire de respecter un ensemble de principes : le principe de respect des compétences, complété par les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Ces principes prennent une valeur constitutionnelle, que la cour de justice européenne est chargée de faire respecter pour empêcher un empiètement sur les compétences de parlements nationaux.

            Néanmoins, une inquiétude est suscitée par le fait que les parlementaires nationaux, qui n’ont pas de personne juridique internationale, puissent saisir la cour de justice pour un litige interne. Ce qui constitue un danger d’éclatement de la représentation de l’Etat. On pourrait assister à la confrontation du gouvernement français et du parlement français !

            En outre, les divergences entre les parlementaires nationaux montre la nécessité d’une instance juridictionnelle, d’une institution représentant les parlements nationaux  qui puisse saisir la cour de justice (équivalent  de la cour suprême américaine) en cas de violation des règles de compétence. Cette formule est jugée préférable à celle d’un congrès, qui serait l’instance suprême, idée qui rencontrerait à coup sur l’opposition des parlementaires soucieux de garder une marge  de manœuvre suffisamment importante.

 

La citoyenneté européenne  

 

            L’idée de citoyenneté européenne soulève l’idée du peuple européen. La citoyenneté européenne est indissociable de l’idée de souveraineté nationale. En effet, l’idée d’une citoyenneté européenne détachée d’une citoyenneté nationale, soulevée par la gauche italienne en corrélation avec le problème des réfugiés politiques n’est pas vraiment envisageable.

            Quant à la question de l’existence d’une culture européenne commune, il existe indubitablement en tous cas un passé commun douloureux donnant naissance à cette volonté commune d’établir la paix, fondatrice de l’Union européenne, et qui laisse un réel avenir européen.

            Mais des institutions sont nécessaires «pour donner corps au peuple européen ». A ce sujet, les limites de la présidence tournante sont tout de suite visibles. En effet, au vu du jeu des relations internationales, et de la nécessité de représenter l’Union européenne sur la scène internationale, une présidence européenne symbolique est requise. Ce poste reviendrait à des personnes ayant  particulièrement bien servi la cause européenne, tels que Jacques Delors, Mario Suarez. L’idée est d’une double présidence effective du conseil européen  et du conseil des ministres face à la présidence de la commission. Mais cela risque de générer un  éclatement de l’exécutif, source évidente de conflits.

            Dans un souci de parité, l’abandon de  l’unanimité qui mettait à égalité des pays démographiquement déséquilibrés est nécessaire. Reste le problème de concilier l’action du Conseil des ministres et de la Commission dans un souci d’assurer une bonne gouvernance. C’est justement dans cette optique qu ‘est envisagée une unité de direction pour empêcher le blocage de l’exécutif, assurée par  le Premier ministre qui  présidera le conseil des ministres et dirigera la commission.

Reste le problème de la politique étrangère qui est traditionnellement un domaine de souveraineté exclusive. Mais la coopération en vue éventuellement d’interventions militaires est inéluctable, ce qui pose le problème des pays à tradition  neutraliste. La solution proposée est que l’abstention est  possible mais pas l’opposition à une décision européenne commune. Ce problème est loin d’être négligeable étant donné le passé soviétique de certains pays et le refus de retomber sous le joug de puissances, européenne cette fois-ci. Mais une politique étrangère cohérente et soucieuse des intérêts européens est plus que nécessaire. En vue de cela, il est possible d’envisager  un seul siège européen au conseil de sécurité de l’ONU.

La constitution de régions européennes est inéluctable, mais il est trop tôt pour les institutionnaliser.

 

La présente réflexion sur la constitution européenne est à la fois un projet institutionnel et une réflexion stratégique, car  la vision prospective est fondatrice de l’avenir institutionnel de l’Europe   

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