Les principes de bonne gouvernance institutionnelle européenne tels qu'énoncés dans un libre blanc de la Commission

 

 

La Commission des communautés européennes présente dans ce fascicule son « livre blanc » sur la gouvernance européenne. Ce document contient une série de recommandations sur les moyens de renforcer la démocratie en Europe et d’accroître la légitimité des institutions. Les recommandations principales sont fondées sur douze rapports, deux études et diverses consultations d’acteurs européens, nationaux ou régionaux et universitaires. Ce livre blanc met en lumière les nécessités de réformer la « gouvernance » européenne, c’est à dire la manière dont l’UE utilise les pouvoirs qui lui sont confiés par les citoyens, et sur la façon dont les fonctions pourraient et devraient être exercées.

 Ce livre blanc a été émis le 25 juillet 2001, au début de la présidence belge assurée par Guy Verhofstat et dans la perspective du sommet de Laeken.

Rappelant que l’UE a permis d’obtenir des résultats qui auraient été hors de portée des d’Etats agissant chacun de manière isolée,  le Livre blanc insiste sur le fait que de nombreux Européens se sentent coupés de son action. L’Union a tendance à être le reflet de tensions spécifiques et de l’incertitude quant à la nature et au projet de l’avenir de l’Union , de ses limites géographiques et de ses objectifs politiques. Le taux décroissant de participation aux élections européennes et le « non » irlandais au traité de Nice en 2001 expriment le sentiment que l’Union est perçue comme incapable d’agir efficacement là où le besoin s’en fait sentir. De plus, les Etats membres ne savent pas exprimer auprès de leur opinion les réalisations l’Union. Pour instaurer une nouvelle « gouvernance », l’Union doit mieux combiner divers instruments de politique publique tels que la législation, le dialogue social, le financement structurel et les programmes d’action. Ceci contribuerait ainsi à renforcer la méthode communautaire qui garantit à la fois la diversité et l’efficacité de l’Union. Le livre blanc propose un premier ensemble de mesures, dont certaines opèrent un recentrage de la Commission sur ses missions essentielles.

Après avoir rappelé les principes de la bonne gouvernance ce livre propose des mesures pour accroître la participation des acteurs, pour définir de nouvelles politiques en vue de meilleurs résultats et pour recentrer les politiques et les institutions sur leur mission fondamentale.

 

 

I. Les principes de la bonne gouvernance.

 

                     Il est nécessaire de rappeler les cinq principes de la bonne gouvernance. En premier chef l’Ouverture qui édicte que les institutions devraient fonctionner de manière plus transparente et pratiquer une communication active avec les Etats membres au sujet de ce que fait l’Union et des décisions qu’elle prend. Le principe de Participation veut que la qualité, la pertinence et l’efficacité des politiques de l’Union dépendent d’une large participation des citoyens à tous les stades, de la conception à la mise en œuvre des politiques. Cette participation renforcée aurait pour conséquence d’accroître la confiance des citoyens dans les institutions de l’UE. Le principe de Responsabilité stipule qu’il convient de clarifier le rôle de chaque institution dans les processus législatifs et exécutifs. Toute institution doit pouvoir expliquer son action et en assumer la Responsabilité. Ensuite le principe d’efficacité prévoit que les mesures doivent être efficaces et intervenir au bon moment pour produire les résultats requis. L’efficacité demande également que les politiques de l’Union européenne soient appliquées de façon proportionnée et que les décisions soient prises au niveau le plus approprié. Enfin le principe de cohérence passe avant tout par la capacité d’imprimer une direction politique et  une prise de responsabilité des institutions. Les actions de l’Union doivent être cohérentes et compréhensibles dans la mesure où les nouveaux défis à relever dépassent les limites des politiques sectorielles sur lesquelles l’Union a été bâtie.

                 Chacun de ces principes est important en soi, mais ils doivent être mis en œuvre par des manières plus participatives. L’application de ces cinq principes renforce les principes de proportionnalité et de subsidiarité. Il convient de déterminer le niveau pertinent d’intervention et des instruments proportionnés aux objectifs visés. Le modèle linéaire consistant à décider des politiques au sommet doit être remplacé par un cercle vertueux fondé sur l’interaction, les réseaux et une participation à tous les niveaux.

 

 

II. Accroître la participation des acteurs.

 

Pour accroître la participation des acteurs, il faut commencer par rendre le mode de fonctionnement de l’Union plus transparent. Les institutions et les Etats membres doivent donc informer plus activement qu’elles le font le grand public sur les questions européennes. La politique de communication  de la Commission et des autres institutions est donc essentielle puisque l’on ne peut faire naître un sentiment d’appartenance à l’Europe qu’en informant et en communiquant davantage. Les décideurs politiques devraient ainsi pouvoir rester en contact avec l’opinion publique européenne.

Pour ce faire il faut pouvoir atteindre le  citoyen par la démocratie régionale et locale. L’expansion des activités de l’Union l’a rapprochée des régions et des collectivités locales qui sont désormais chargées de mettre en œuvre des politiques de l’U-E allant des fonds structurels aux normes environnementales. Ceci implique donc un engagement plus important des citoyens et des organisations de base dans la démocratie locale. En conséquence chaque Etat membre doit prévoir des mécanismes adéquats pour organiser de larges consultations lors de l’examen et de la mise en œuvre de politiques et de décisions européennes ayant une dimension territoriale.

Une action complémentaire sur le plan communautaire s’impose dans trois domaines. Le premier est la participation à l’élaboration des Politiques, la Commission doit veiller à prendre en considération les réalités et l’expérience régionale et locale lorsqu’elle conçoit des propositions politiques. Deuxième domaine :il faut s’ouvrir à une plus grande flexibilité, les législations à fort impact territoriales et les programmes doivent être mis en œuvre avec une plus grande souplesse. D’autre part certaines politiques communautaires pourraient être améliorées grâce à des contrats d’objectif tripartites qui seraient conclus entre les Etats membres, les régions et collectivités locales et la commission. Le dernier domaine est la cohérence générale de la politique.

La Commission a donc lancé des contrats par objectif pilote. Le Comité des régions doit jouer un rôle plus « proactif », c'est-à-dire de plus ample anticipation, lors de l’examen de l’action communautaire, et stimuler la participation des autorités locales dès la phase préparatoire du processus de décision européen. Les Etats membres devraient promouvoir le recours à des accords contractuels avec leurs régions et collectivités locales.

L’Europe doit davantage impliquer la société civile, notamment les organisations syndicales et patronales, car le traité CE impose à la commission de consulter les partenaires sociaux lors de la préparation des propositions. Comme le Comité des régions, le Comité économique et social devrait être plus actif en préparant des avis et des rapports préliminaires. IL faut donc promouvoir une culture renforcée de consultation et de dialogue. La Commission doit donc adopter des normes minimales de consultation et élaborer des accords de partenariat plus étendus dans certains secteurs. Le Comité économique et social doit jouer un rôle plus prononcé lors de l’examen des politiques. Quant au Conseil et au Parlement européen, ils doivent réexaminer leur relation avec la société civile et contribuer à la mise en place d’un cadre général de référence pour les consultations d’ici 2004.

Enfin, un grand nombre de réseaux profondément enracinés dans la société, se sentent étrangers au processus politique de l’UE alors qu’ils contribuent  efficacement à la réussite des politiques communautaires. La Commission se propose donc de collaborer avec les réseaux clés afin de leur permettre de participer à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques.

 

 

 

 

 

III. De meilleures politiques et de meilleurs résultats

 

            La réticence du Conseil et du Parlement européen à laisser plus de latitude à la Commission pour exécuter les politiques fait que la législation comporte souvent un degré de détails superflus. Il en résulte un manque de flexibilité peu propice à l’efficacité, ce  d’autant plus qu’à cette lenteur du processus législatif s’ajoute celle de la mise en œuvre. A titre d’exemple, l’Union doit inspirer une confiance accrue dans les avis d’experts sur lesquels se fondent son action afin d’éviter  la répétition des récentes crises alimentaires mal gérées qui ont ébranlé la confiance du public. Dans ces domaines l’Union est de plus en plus appelée à appliquer le principe de précaution et à jouer son rôle d’évaluation et de gestion des risques. La Commission publiera des lignes directrices pour l’obtention et l’utilisation de l’expertise  a fin d’en assurer la responsabilité, le pluralisme et l’intégrité.

            L’Union doit constamment veiller à améliorer la qualité, l’efficacité et la simplicité des actes réglementaire, pour cela elle doit combiner divers instruments de politique publique. Ainsi  une bonne consultation en amont de la décision peut permettre de produire une législation  plus rapidement adoptée, plus facile de mettre en œuvre et à faire respecter.

Une amélioration à cet égard dépend de sept facteurs.

Premièrement, les propositions doivent être élaborées sur la base d’une analyse effective de l’intérêt  d’une intervention au niveau de l’Union et de la nécessité d’une action réglementaire, l’analyse doit donc envisager l’incidence économique, sociale et environnementale d’une approche retenue.

Deuxièmement, la voie législative doit être cohérente avec les divers instruments utilisés comme les règles formelles.

Troisièmement, le bon type d’instrument doit être utilisé lorsqu’il s’avère nécessaire de légiférer pour atteindre les objectifs. L’usage accru des règlements doit être réduit au profit  des directives-cadres qui offrent une plus grande flexibilité et peuvent être adoptées plus rapidement par le Conseil ou le Parlement européen. En clair, il faut davantage de législation primaire qui laisse à l’Exécutif le soin de veiller aux modalités techniques.

Quatrièmement, les mesures d’application, peuvent, dans certains cas, être élaborées dans le cadre de la corégulation. La corégulation signifie qu’un cadre d’objectifs globaux, de droits fondamentaux, de mécanismes d’application et de recours, ainsi que des conditions de contrôle de l’exécution est prévu par la législation. Elle ne doit pas être appliquée dans les situations ou les règles doivent être appliquées uniformément dans tous les Etats membres ou lorsque des choix politiques importants sont mis en jeu. La corégulation permet de faire participer à leur élaboration et au contrôle de leur exécution ceux qui sont concernés au premier chef par les mesures d’application.

Cinquièmement, l’action communautaire peut être renforcée par l’emploi de la méthode dite « méthode ouverte de coordination ». Cette méthode doit servir à atteindre des objectifs déterminés du traité et la Commission doit y être étroitement associée. Ceci offre un moyen d’encourager la coopération pour que les Etats membres puissent comparer leurs efforts et s’enrichir de leurs expériences mutuelles.

Sixièmement, une culture renforcée d’évaluation et de rétro-information doit être créée afin de tirer les enseignements des succès et des erreurs du passé.

Septièmement, la Commission s’est engagée à retirer ses propositions lorsque la négociation interinstitutionnelle sape les principes de subsidiarité ou de proportionnalité consacrés par le traité. Le Conseil et le Parlement doivent veiller à ne pas compliquer inutilement les propositions et à accélérer les processus législatifs par le recours à la majorité qualifiée pour voter.

 

            Il y a lieu de mettre en œuvre un vaste programme de simplification des règles existantes. Pour cela la Commission doit encourager un usage accru de différents instruments de politique publique, limiter ses propositions de législation primaires aux éléments essentiels et lancer un programme ambitieux de révision et de simplification de la législation communautaire. Les Etats membres devraient se garder, lorsqu’ils transposent la législation communautaire, d’aboutir à un niveau disproportionné de détails ou d’exigences administratives complexes.

Les agences de régulation sont un autre moyen d’améliorer la façon dont les règles sont mises en œuvre et appliquées dans l’Union. Il faudrait conférer à ces agences le pouvoir de prendre des décisions individuelles en application de mesures réglementaires, d’autant que cela constitue pour la Commission un moyen de recentrer ses ressources sur ses missions essentielles. Les traités autorisent un tel procédé dans la mesure où les agences ne peuvent se voir conférer le pouvoir d’adopter des mesures réglementaires générales. La Commission doit donc définir les critères de création de nouvelles agences de régulation et les responsabilités de la Communauté en ce qui concerne la surveillance de ces agences.

Enfin, puisque le droit communautaire fait partie intégrante de l’ordre juridique national et doit être appliqué en tant que tel, il faut que les règles communautaires cessent d être perçues comme des « lois étrangères». Le rôle et l’efficacité du médiateur européen doivent être complétés par la création de réseaux d’organismes similaires existant dans les Etats membres qui puissent statuer sur les litiges faisant intervenir des citoyens et des questions d’ordre communautaire.

Pour faire respecter l’Etat de droit, la Commission doit aussi poursuivre avec intransigeance les infractions au droit communautaire. La Commission se doit de recentrer ses efforts sur la vérification de la réalité et de la transposition des directives, elle doit veiller aux situations qui mettent en jeu la compatibilité du droit national avec les principes fondamentaux du droit communautaire. Elle doit aussi porter son attention sur les cas dans lesquels un instrument particulier de droit européen crée des problèmes constants de mise en œuvre dans un Etat membre. La Commission doit par conséquent mettre en place des dispositifs de jumelage entre administrations nationales afin de favoriser le partage des meilleures pratiques en matière d’application des mesures. Les Etats membres doivent intensifier leurs efforts pour améliorer la qualité de la transposition et de l’application, ils doivent améliorer la connaissance du droit communautaire et accroître leur capacité de règlement des litiges au moyen de réseaux d’ »ombudsmen ».

 IV. Recentrage des politiques et des institutions.

 

            Pour que le courant passe entre l’Europe et ses citoyens, il faut clairement définir les politiques et les objectifs dans le cadre d’une conception globale du devenir de l’Union. Les institutions et les Etats membres doivent œuvrer de concert pour définir une stratégie politique globale. Le recentrage des politiques signifie que l’Union doit identifier plus clairement ses objectifs à long terme. Ce recentrage est nécessaire pour éviter que les politiques de l’Union ne soient affaiblies par l’élargissement. La Commission a défini d’importantes mesures pour renforcer sa capacité de planification stratégique et d’élaboration des politiques. La stratégie politique de la Commission s’attache à déterminer des priorités stratégiques à un horizon de 2 à 3 ans. Elle permet d’adopter une approche à moyen terme , plus cohérente, et comporte un test essentiel de faisabilité pour s’assurer que les ressources nécessaires sont disponibles. Dans son discours devant le Parlement, le président de la Commission dresse un bilan des progrès accomplis et signale les nouveaux défis qui se profilent à l’horizon.

Ces efforts de structuration du débat ayant trait à  la cohérence politique doivent cependant reposer sur un dialogue entre les institutions ; le Conseil européen devrait jouer à cet égard un rôle plus important en partenariat avec la Commission pour déterminer l’orientation stratégique de l’Union.

           Pour recentrer les institutions, l’Union doit rendre vigueur à la méthode communautaire. Chacun doit se concentrer sur ses tâches essentielles : la Commission initie et exécute les décisions ; le Conseil et le parlement adoptent les décisions et le budget-le conseil européen fixe les orientations politiques et le Parlement devrait renforcer son contrôle sur l’exécution des politiques de l’Union. Les domaines soumis à la procédure de codécision doivent être  réexaminés de manière à renforcer son rôle. La Commission doit se recentrer sur les tâches qui lui sont conférées par le traité. Elle doit par exemple fixer le cadre des missions d’agence d’exécution placées sous son contrôle. Ses responsabilités exécutives doivent aussi être plus clairement établies. La Commission se propose de présenter des propositions en vue de recentrer sa responsabilité exécutive, tout en rationalisant le contrôle qu’exercent le Conseil et le Parlement européen sur la manière dont elle exerce ses compétences d’exécution. Quant au Conseil, il doit améliorer la coordination entre ses diverses formations.

En fin de compte, cela devrait mener à une situation dans laquelle la législation définit les conditions et les limites dans lesquelles la Commission remplit sa mission exécutive ; un mécanisme juridique simple permet au Conseil et au Parlement, en tant que pouvoirs législatifs, d’assurer le suivi et le contrôle de l’action de la Commission au regard des principes politiques adoptés dans la législation.

Ceci devrait aboutir à la modification de l’article 202 du traité qui permet au seul Conseil de soumettre à certaines modalités l’exercice des compétences d’exécution de la Commission, article rendu obsolète par la procédure de codécision qui place Conseil et Parlement sur un pied d’égalité.

 

                       Ce livre blanc engage un processus destiné à répondre au désenchantement de nombreux citoyens de l’Union qui doit pour cela recourir à des partenariats très divers. Sur la base de certains principes, les propositions du livre blanc structureront la relation entre l’UE et la société civile, renforceront la confiance et la participation des acteurs régionaux et locaux et contribueront à une définition plus claire des objectifs de l’UE. Cette ambition est avant tout une affaire de volonté politique, en réformant la gouvernance au niveau interne, l’Union se trouve en meilleure position pour contribuer à de nouvelles formes de gouvernance mondiale. Un recentrage des institutions de l’Union se destine à ramener la législation à ses principes essentiels. L’ambition de ce document est de préparer une méthode communautaire rénovée reprenant le modèle des démocraties nationales qui admettent des pouvoirs exécutif et législatif séparés.

Néanmoins des critiques portant sur la pertinence de ce livre blanc peuvent être adressées. D’abord, ce document ressemble beaucoup à un recueil de déclarations d’intentions et les modalités de mise en oeuvre des politiques paraissent le plus souvent incomplètes. Enfin, ce livre blanc demeure assez partial, élaboré par les services de la Commission il épargne trop souvent celle-ci alors qu’elle reste le symbole des insuffisances de l’UE. 

 

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