Les Etat sociaux en Europe au XXème siècle

 

5 raisons pour l’étudier ici :

- c’est une invention de l’Europe occidentale, mais qui n’a rien d’évident. C’est évident aujourd’hui pour les syndicats et les manifestants : l’Europe a tjs été dans le social. C’est une fausse idée, une tradition qui marque tellement qu’on la prend pour une évidence. Cette invention n’a rien de linéaire

- cet Etat peut être considéré comme un aspect du processus de modernisation des Etats et des sociétés. On peut se demander si cet aspect relève encore de la modernité, mais historiquement, c’est lié.

- l’Etat social a été une partie du processus de légitimation de l’Etat : il a été l’initiateur d’une politique sociale et parfois d’une politique économique. L’Etat a accru sa légitimité auprès des citoyens européens.

- L’Etat social a transformé les représentations des européens. Avec l’Etat social, l’individualisme des européens s’est accomodé de l’idée que l’épanouissement de l’individu est aussi fonction d’une organisation collective, il ne peut se faire sans une organisation des intérêts collectifs. Une autre représentation, c’est que dans les pays où il y avait une méfiance à l’égard de l’Etat, il y a dorénavant un courant d’attente et d’espérance à l’égard de l’Etat.

- l’Etat social a participé de la construction des identités nationales, on se définit par rapport à une nation aussi par rapport à ses politiques sociales. Aujourd’hui, l’Etat social peut peut être définir une de ces facettes de l’identité européennes. Il y a attente en matière sociale, même si cette attente n’est pas tjs comblée.

 

Hésitation en français entre Etat social et Etat providence. Au 19ème siècle, les détracteurs de l’Etat social employaient le terme de l’Etat providence afin de railler cet état païen. C’est ce qu’avance Castel quand il refuse d’employer le terme Etat-Providence.

Cela repose sur le principe d’une égalité qui préserve la propriété (à part du côté communiste de l’Europe, et encore). Il n’y a pas eu une généralisation d’une politique sociale qui aurait voulu supprimer systématiquement la propriété. On entend promouvoir le statut des travailleurs par le travail et non par la propriété (idée propre au 19ème siècle). Cela montre bien que la politique sociale est concomittante à l’extension du salariat. L’Etat-social est donc une cohabitation d’individualisme et de structures collectives, et sur le plan politique, un compromis proprement européen entre les tenants du libéralisme et ceux de la social-démocratie.

L’Etat social affirme une idée forte : la citoyenneté est aussi citoyenneté sociale.

 

I. L’origine de l’Etat providence

II. Les interprétations de l’Etat providence

 

I. Les origines de l’Etat-providence

 

1. Des aspects communs

 

a. La question sociale

Fin XIXème, début XXème, quand on pense « question sociale » en Allemagne, on pense « question ouvrière ». En Angleterre, on pense « question ouvrière et question de la pauvreté ». En France, on pense « pauvreté + natalité ». L’obsession du déclin français parcourt tout le siècle, à cause de la faible natalité.

 

La question sociale, les contemporains ne s’y attendaient pas à la fin du 19ème. Pendant le siècle, tout le monde pense qu’avec l’industrialisation, la prospérité est à portée de main. Or le paupérisme, une nouvelle pauvreté, apparaît. Beaucoup d’individus sont sans protection, hors de la sphère du travail.

La question sociale revêt 4 aspects :

- on pense d’abord à une question de pauvreté

- elle désigne aussi les conséquences d’un processus lié à de nouvelles formes de travail, un certain nombre de gens n’arrivent pas à s’y adapter.

- C’est également la hantise des élites de l’époque, d’une certaine catégorie sociale. Il y a des dégradations de matériel, mais aussi des dégradations morales. On parle encore aujourd’hui dans les rapports sur les nouveaux pauvres des incivilités, de l’autorité qui disparaît… Ca fait penser à cela

- La question sociale ne se cantonne pas à des catégories bien ciblées de populations au 19ème siècle, elle témoigne d’une question plus large quant à la cohésion de la société. Si il y a de la marginalité, de la pauvreté aux périphéries de la société, qui ne nous garantit que cela ne va pas arriver au centre de la société ? N’y a-t-il pas un danger sur tout le corps social ? D’où la nécessité de la prophylaxie sociale : les menaces sont lourdes sur tout le reste. Les pauvres menacent ce qu’il y a au centre, ils menacent la valeur-travail.

 

La pauvreté menace l’équilibre de la société, c’est pourquoi les formes traditionnelles d’aide aux questions sociales apparaissent comme limitées. Quelles sont ces formes ?

- tout d’abord le patronage, la philanthropie, qui essaie de s’adresser aux pauvres. On appelle ça en France le SAMU social.

- Les politiques mutualistes ne suffisent plus non plus.

 

Il reste 2 logiques :

- le mouvement ouvrier : syndicalisme et partis de gauche

- l’intervention des Etats

Ces logiques s’affronteront où se complèteront.

 

On oublie une autre dimension, indissociablement liée à la question sociale : la question de l’Etat-Nation

 

b. la question nationale

On pense la question sociale dans le cadre de la nation car :

- au fur et à mesure que se développent des E-N, ils ont besoin de se légitimer. La question sociale est une forme de légitimation. Il s’agit de renforcer le sentiment d’appartenance nationale. C’est tellement vrai qu’on va limiter les protections sociales aux nationaux, les immigrés n’en profitent pas.

- C’est également vrai à l’extérieur des frontières de l’E-N : fin 19ème, début 20ème : chaque E-N met en musique sa politique sociale dans des rencontres internationales de spécialistes, dans des tribunes : la politique sociale remplit des fonctions identitaires. Cette construction identitaire va dominer le siècle, les français sont convaincus que le système social allemand est autoritaire.

 

2. Trois modèles d’Etat-Providence en Europe

 

a. L’Allemagne

Dès les années 1880, un système d’assurance sociale est mise en place. 1883 : assurances maladies. 1884 : loi d’assurance sur les accidents du travail. 1889 : loi d’assurance sur les assurances vieillesses.

C’est une grande percée de politique sociale, sous l’autorité de Bismarck, avec une volonté : empêcher le développement du parti social-démocrate. 2 logiques s’affrontent : la logique révolutionnaire (social-démocrate, une seule solution, la révolution) grandit, il faut lui couper l’herbe sous le pied, et d’autre part, plus on fait du social, plus on consolide la jeune nation allemande. Enfin, ce régime repose sur l’auto administration du système des protections sociales, entre employeurs et employés. Cela fini même par devenir un bastion de la social-démocratie.

Le modèle allemand est un vrai modèle, il est même imité. En Autriche, après la WW1, dans la partie germanique de la Suisse, aux Pays-Bas, en Norvège, et en Suède.

 

b. l’Angleterre

L’Angleterre victorienne a l’impression de vivre sur le volcan de la question sociale. Il y a une véritable angoisse sociale qui étreint toutes les élites.

1911 : National Insurance Act

Ce système de protection sociale couvre à la fois la question des maladies, des accidents du travail, avec une cogestion syndicale

- il faut régler la question ouvrière pour éviter les problèmes de pauvreté

- il faut rétablir la santé des britanniques. L’armée britannique, dans la guerre des Boers, a découvert une population d’appelés dans un état lamentable… L’état-major a carrément envoyé une lettre de plainte au gouvernement.

- Le compromis : avec les trade-unions, qui sont en train de se développés, et qui doivent être associés au règlement des problèmes sociaux

 

c. la France

Notre identité est en cause : notre attachement à la politique sociale est très récent !!! Pourquoi cette difficulté française ?

- l’attachement au libéralisme des républicains. On l’oublie trop, les républicains pensent que l’Etat doit intervenir le moins possible et on doit prendre le temps de la délibération (environ 10 ans en général).

- Pour les élites françaises, la résolution de conflits sociaux passe par l’école : libre, gratuite, laïque, républicaine… pour assurer le libre arbitre contre les puissances dites obscurantistes. L’école sert aussi de moteur de promotion sociale.  On instruira les petits français, et ensuite les problèmes sociaux seront réglés presque d’eux-même.

 

Il y a eu changement d’idéologie sous la pression des organisations syndicales, un certain nombre de républicains changent. On peut ici insister sur Léon Bourgeois et sa philosophie du solidarisme. Fin 19ème, sur la pression du parti radical, on arrive à penser que l’école ne suffit pas et qu’il faut faire autre chose

1898 : (20 ans de débat) : loi sur les accidents du travail

1908 : loi sur les retraites ouvrières et paysannes (facultative)

1913 : début des lois sur les familles, dont 1920 : interdiction de l’avortement

1928 : première loi sur les assurances sociales

 

3. Le grand changement : après 1945

Lord Beveridge : libéral et économiste. Il fait en 1942 un rapport qui a un impact considérable (500 000 exemplaires vendus en 1942 !!)

 

2 idées fortes :

- nous demandons des sacrifices énormes aux citoyens, il faudra les récompenser. L’Etat a une dette sociale. Lien fort entre guerre et développement de la politique sociale. La survie du pays en enjeu, il faudra que le welfare state reformule le pacte sociale. Il faut motiver les combattants, car il y a une perspective idéologique et sociale

- affirmation de la dimension universaliste et égalitariste du welfare : il n y a plus de distinction, on s’adresse à l’ensemble du corps social. La conception de ce corps social doit être égalitaire, on ne doit pas prendre en compte le revenu. Cette dimension universaliste se répand en Europe

 

II. Principales réalisations, typologiques, interprétations

 

1. Exemples de réalisations

Si on ne devait prendre qu’un exemple, ce serait celui de la santé.

La santé peut être garantie par l’Etat. En UK, protection totale. Ailleurs, partielle. Mais l’idée est passée que la santé relève du domaine étatique.

 

En France, en Allemagne, en GB, en Suède, en Italie, dans les années 80, un adulte sur deux au moins reçoit son revenu principal de l’Etat, que ce soit sous la forme d’un salaire, de retraite, d’indemnité ou d’allocations diverses.

Entre 1950 et le début des années 1980, l’emploi public (l’un des éléments de l’Etat social) a augmenté de 50% en Italie et en Suède, 80% en GB, 82% en France.

 

Petite conclusion : quand on regarde les sondages eurobaromètres des années 80 (début), on constate que les européens dans leur écrasante majorité attendent de l’Etat une action sociale, mais les européens sont dès le début des 80’s divisés sur l’intervention économique...

 

2. Une typologie

Proposée pour Esping-Andersen, « les trois mondes de l’Etat-providence », livre majeur qui a fait discuter dans toute l’Europe.

Il distingue trois types d’Etat :

- welfare libéral résiduel : cas parfait aux USA, mais l’Europe commence à en être atteinte en Angleterre et en Suisse. Rôle fondamental accordé au marché, et donc couverture sociale minimum. On protège les plus faibles, et on fait des prestations ciblées et on donne des aides sous condition de ressources et de leur volonté de réinsertion. Il faut réintégrer les populations.

- Le welfare conservateur corporative bismarckien. Associé au salarié, donc à l’emploi. Il faut maintenir le revenu de ceux qui n’en ont plus à un moment donné (retraite, chômage). Les services sont quand même peu développés :Allemagne, France, Belgique, Italie. Il met en lumière qqch qui a été bcp travaillé : si il y a défaillance de l’Etat, les familles s’y substituent.

- Le modèle social-démocrate, celui auquel Esping-Andersen accorde le plus de crédit. Ce modèle est universaliste, les droits sociaux sont très développés, les services sont généralisés et efficaces, les femmes sont le plus intégrées au marché du travail et donc bénéficient des politiques de protection sociale. Evidemment, cela repose sur un impôt particulièrement élevé : le prix à payer est là.

La perspective est presque téléologique : le meilleur modèle est suédois.

 

On voit bien ici que la question de l’Etat-social est devenu l’un des événements fondamentaux des sociétés européennes. Il est la colonne vertébrale des sociétés européennes !!! Toute réforme, toute transformation a des effets sur l’ensemble des sociétés.

Message du forum : Attention, ne copiez pas cette fiche pour la rendre comme votre travail, ce n'est ni utile pour apprendre, ni honnête. De nombreux outils de détection du plagiat existent et vous serez donc détectés par votre professeur. Servez-vous en plutôt comme outil d'apprentissage, d'approfondissement ou de révision.