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La France va mal ? Notre pays, « quatrième puissance mondiale », comme il était courant de nous l’enseigner sur les bancs d’école, est, aux dires de nombre de citoyens, chercheurs, politiciens, arrivé à un tournant de son Histoire. La France se serait engluée dans son confort, dans la certitude de sa richesse, dans le souvenir de sa puissance et de son influence passée. La France, pays d’administration, d’excellence, de bon goût et de réussites industrielles, ne serait plus que l’ombre d’elle-même.
Il y a encore trois ans, l’avenir semblait radieux, nous vivions dans la douce illusion de la nouvelle économie, d’une « nouvelle révolution industrielle ». Oubliée pendant un temps la dépression des années 90. La France connaissait la plus forte croissance économique depuis près de vingt ans et enregistrait sa plus forte création d’emplois de tout le XXème siècle. Les problèmes politiques de la cohabitation étaient masqués par la bonne tenue économique ; le CAC 40 passionnait plus, un temps, que le tango des élus. En mars 2001, Le Monde faisait un numéro spécial sur les chiffres économiques positifs qui démontraient que tout allait bien dans le meilleur des mondes. Emploi, inflation, commerce extérieur, moral des ménages et donc consommation, moral des entreprises et donc investissements, tous les indicateurs traduisaient une santé éclatante du système économique. La politique n’y était pas pour rien. La relance fut réussie, les politiques d’emplois avaient porté leurs fruits ; les dépenses publiques maîtrisées ont permis des baisses d’impôts.
Annoncée, la grisaille mit quelques mois à s’installer en Europe après le crack financier de mars 2000. La bourse ne pouvait pas se maintenir à des niveaux de science-fiction. Ce coup de semonce ne surprit pas tant que cela, et n’était pas de nature à susciter une angoisse généralisée. Il ne touchait que le secteur des « valeurs technologiques ». Il a fallu un certain temps avant que l’illusion de la nouvelle économie ne disparaisse, et que les millions de petits porteurs comprennent que nombre de jeunes « start-upers » n’étaient que des tigres de papiers. Vers juillet 2001, tout le monde avait comprit que les années de vaches grasses étaient terminées. Finies les créations d’emplois, finis les 3,5% de croissance, la France renouait avec la torpeur économique du début des années 90, de façon encore imprécise, mais si palpable… Les chiffres de la production industrielle ont commencé à baisser dès janvier 2001. Quelques mois plus tard, les attentats du 11 septembre sont venus faire basculer l’Histoire, et, avec elle, les perspectives économiques.
Deux ans et une guerre en Irak plus tard, et malgré les prévisions « volontaristes » d’analystes, de journalistes financiers ou de ministres des finances, qui affichaient leur certitude d’un hypothétique retour à la croissance, celle-ci continuait à stagner autour des 0% et le chômage retrouvait ses 10%. Faute d’avoir continué une politique d’emploi, d’avoir tenté une politique de relance par des signaux clairs envoyés au marché, faute d’avoir investi dans une recherche qui nous procurerait peut-être aujourd’hui quelques subsides, faute enfin d’une politique industrielle qui puisse rendre à la France la compétitivité qu’elle a tant perdu depuis les héroïques mines du Nord et de la Saône, aucune perspective économique favorable n’était à prévoir.
A la langueur financière vint s’ajouter, un certain 21 avril 2002, le cauchemar politique. La France se souvenait soudain qu’il existait une extrême droite, puissante, campée sur ses conceptions fascisantes, anti-européennes, et de préférence nationale.
Jacques Chirac, poursuivi par ses « affaires », fut réélu, en dépit d’un certain nombre de réussites de Lionel Jospin, qui ne put que déposer le bilan, et abandonner la course politique. La gauche française a alors perdu celui qui, par sa probité, et son efficacité politique (tenir une majorité à trois pendant cinq ans n’est pas une mince affaire !) avait réussi, après l’inventaire, à faire oublier l’époque Mitterrand, nécessaire à l’intégration de la gauche dans la Vème République et dont les avancées sociales, culturelles, et même économiques (lutte contre l’inflation plus efficace que celle de Raymond Barre, modernisation du tissu industriel, forte orientation budgétaire vers la recherche, grandes avancées européennes) sont indéniables, mais dont le second septennat fut si discrédité par les échecs économiques et les affaires politico-financières qu’il est interdit de garder un regard trop idéaliste sur son bilan. A l’inverse, dans le domaine économique et social, celui de Lionel Jospin a été indéniablement positif, et il faudra s’en inspirer à l’avenir. On peut regretter un certain immobilisme en fin de mandat, et une difficulté difficilement compréhensible d’engager le combat des présidentielles avec tonus. Il aura laissé l’image des hommes les plus intègres de la Vème République, honnête, assumant ses responsabilités, n’en rajoutant pas trop sur la communication. En cinq ans, il a mené une action en profondeur, laissée incomplète par trop de certitudes, qui ont mené à l’échec.
Chirac, qui manie l’art d’organiser sa propre mise en scène avec l’expérience des vieux loups l’a vaincu, par l’intermédiaire de l’hydre du Front National. Inutile de refaire ici le mélodrame national du 21 avril au 5 mai 2002. Là n’est pas notre propos, mais seulement de situer dans quel contexte le présent manuscrit se déroule.
La droite de retour aux affaires démarra sur les chapeaux de roues. Le duo Chirac/Raffarin représentait le retour à une conception Gaullienne de la République, loin des « affres de la cohabitation ». Un président fort, « au-dessus de la mêlée », et un Premier Ministre, expert en communication au passé médiatique vierge, ressemblant étrangement à Georges Pompidou, aux ordres, et en première ligne, permirent pendant un temps de créer chez la majorité des français un sentiment d’euphorie, illusion fugace du souvenir Gaullien. La droite allait « enfin » pouvoir « restaurer l’autorité de l’Etat » et « mettre fin au laxisme de cette gauche post-soixante-huitarde qui a laissée s’installer le climat d’insécurité dans laquelle vivent les plus pauvres». Nicolas Sarkozy profita de sa position de ministre de l’intérieur pour modifier drastiquement son image de traître datant de l’élection présidentielle de 1995, et pour s’imposer très clairement comme prochain présidentiable. Il s ‘afficha un temps comme « l’autoritaire au grand cœur », « tourné vers les besoins de la France d’en bas », maniant, dans ses discours le rôle du justicier à la perfection. Ce fut efficace ; pour la première fois depuis de nombreuses années, les chiffres de l’insécurité connurent une stabilisation, puis une légère diminution. Un phénomène très intéressant se mit en place, celui de la « communication comme politique publique » et non plus seulement comme moyen d’accès au pouvoir. Sarkozy devint le « can-do », « celui qui peut ». Le discours ferme de « Sarko », comme il est maintenant convenu de l’appeler dans les quartiers, dissuada efficacement, pour un temps, les délinquants n’appartenant pas au noyau dur des récidivistes notoires, de perpétrer leurs méfaits.
Mais, depuis ce succès transitoire que même la gauche n’a pu nier, plus rien de positif n’apparaît. Les chiffres du chômage connaissent une augmentation dramatique, les plans sociaux se succèdent, la France renoue avec les déficits publics, brise le pacte de stabilité avec un déficit de 4,1%, s’englue dans une crise économique sans précédent depuis 1993 dont elle ne parvient pas à s’extraire. La dette publique cumulée connaît des records. Elle s’élève à soixante trois pour cent du Produit Intérieur Brut (PIB), donc à plus de mille milliards d’euros, soit une somme d’environ quinze mille euros - cent mille francs - par Français, à la naissance, auxquels s’ajoutent naturellement le service de la dette.
L’exclusion s’étale au grand jour, faute d’une politique de logement satisfaisante. L’industrie se délocalise et la France est en panne de projets technologiques à fort potentiel commercial, tels que ceux qu‘elle a réalisés durant les trente glorieuses. Le minitel est déclassé et internet tarde à s’implanter dans les foyers mais aussi dans les esprits, malgré les efforts déployés en ce sens pour doter la France du meilleur réseau ADSL d’Europe. Les problèmes de sécurité informatique, la méconnaissance des applications multiples de l’informatique, le coût du haut-débit dissuade encore soixante pour cent de Français à se doter de façon permanente d’internet.
Le conflit social explose sur la question des retraites, ou du système éducatif auquel est retranchée une partie des moyens humains qui lui étaient alloués. Nombre d’entreprises déposent le bilan… La recherche française est sous financée ; des milliers de chercheurs menacent de démissionner, et de s’expatrier aux USA. En ce domaine, la France est dernière de l’Europe en terme de part du P.I.B consacrée à la recherche. Il s’agit du principal facteur de croissance économique. Entre la création musicale qui risque de se contracter fortement, et le cinéma français qui perd sa place de leader européen au profit des studios britanniques, la culture française connaît un affaiblissement sans précédent depuis la seconde guerre mondiale.
Pendant ce temps, on réinvestit dans l’armée, alors que l’on proclame par ailleurs vouloir empêcher les Américains de faire la guerre.. Comme si après soixante ans de paix, le militarisme, la tension permanente devaient immanquablement refaire surface, telle une éructation de l’Histoire. Certes, la France et tous les Peuples européens ont agi avec courage et ils avaient raison dans la crise irakienne: il n’y avait pas d’armes de destruction massives. Mais cela s’est fait au prix d’un retournement irresponsable des relations franco-américaines. Cette inflexion diplomatique nous a coûté l’affaire Exécutive Life et le refus de voir le projet ITER se réaliser en France. Est-il raisonnable de suivre les Etats-Unis dans leur politique de progression militaire ?
Le conflit irakien a par ailleurs ouvert une fracture européenne profonde. Le projet de Constitution a abouti à une chimère qui ne réalisait qu’une petite avancée par rapport au traité de Nice. Et même s’il apparaît nécessaire, quoi qu’il en soit, de la défendre, de peur de prendre le risque de casser l’Union, en revenant au traité de Nice, très peu d’élements du texte sont en mesure de susciter l’enthousiasme des Français, et des européens en général. L’objectif de simplification du droit européen, qui a pour but de rapprocher l’Europe des citoyens, n’a pas été atteint, puisque le système de prise de décision européen va être compliqué par une double majorité, difficilement compréhensible. Les majorités de décision vont être définies selon la majorité des deux-tiers de Etats, et de 65% des populations des Etats. L’objectif d’améliorer la façon de piloter l’économie européenne n’a pas non plus été atteint, puisque aucun système de décision économique cohérent n’est mis en place, entre les différents acteurs. L’objectif social européen est barré par les refus britanniques, qui ont manœuvré à leur avantage aux négociations constitutionnelles. L’objectif de passer d’une Europe économique à une Europe politique s’amenuise de jour en jour. Les partis nationalistes sont tous en voie de ressurgir, à l’échelle européenne, puisque le pôle d’extrême-droite constitue 63 députés européens.
L’Union européenne perd du terrain dans les esprits et dans les cœurs, alors même qu’elle devient de plus en plus nécessaire. Les élections européennes du 13 juin ont confirmé le désintérêt fortement dommageable des médias, et des citoyens pour ce scrutin. Désintérêt du gouvernement également, qui n’a fait ni campagne, ni pédagogie, ni appel au vote.
Le pacte de stabilité et de croissance (traité signé en 1997 imposant des critères de convergence économique à tous le Etats membres) est privé de moyens d’application, ce qui n’est rien à côté de l’absence parallèle d’actions de la part des décideurs nationaux à le remplacer, en refondant rapidement un nouveau cadre de gouvernance économique.
Dans le même temps la France découvre les premiers symptômes du chaos climatique : des inondations à répétition, une tempête sans précédent en l’an 2000, une canicule et une crise humanitaire du troisième age frappent notre pays en ce début de millénaire ; les coûts occasionnés hors-marché par le marché lui-même - tels que la pollution, les accidents du travail ou le coût d’un plan social - ce que l’on appelle en sciences économiques les « externalités » deviennent brusquement insupportables, en terme de vies humaines d’une part, et de charge budgétaire d’autre part.
Enfin, dès janvier 2004, les chiffres des crimes et délits contre les personnes ont augmenté de 7,5% pour atteindre atteint un sommet de + 10 %, en avril, signe que si les sympômes de l’insécurité, ses causes économiques et sociales restaients intactes. Ces chiffres en oscillation constante ne traduisent que de manière très diffuse la réalité vécue sur le terrain. Elles sont cependant récupérée politiquement – n’est ce pas ce que fait tout « acteur » qui prend parti - comme l’a habilement fait Dominique de Villepin pour se distancier de l’action de son prédécesseur en révélant une nouvelle corde, nationale, à l’arc de sa personnalité régalienne. Nonobstant ces délices démocratiques d’où vont émerger les prétendants au titre, et au delà des coûteux déplacements communicationnels, il ne reste pas grand chose au bilan Sarkozy, à part le vague souvenir d’une mise en scène : la posture droitière d’un autoritaire au grand cœur, qui plait dans ses rangs.
Economiquement, socialement, écologiquement, « européennement », la France recule.
Nicolas Baverez, dans « sa France qui tombe », se fait le héraut de cette pénombre ambiante. Est-il besoin de refaire le bilan, pour chaque secteur d’activité, d’une part du recul de la France ? Il est plus que temps de poser des balises pour un sentier d’avenir. Celui-ci passe par le concret, et non les slogans démagogiques, ou la communication gouvernementale mensongère. Face à ce constat, que chacun d’entre nous peut entendre à la radio, lire dans les journaux, et voir au vingt heures tous les soirs en France en ce début de siècle, il est temps de réagir par des propositions concrètes.
Cet opuscule est un recueil de propositions qui pourraient servir de support à l’exercice concret de la démocratie, en France.
Cette décision est fondée sur la conviction que la France a les moyens de sortir de l’ornière, avec une volonté collective forte et une claire conscience des enjeux du monde moderne. En un mot il faut redonner aux français la vision d’avenir qui leur manque en ces temps d’apathie rampante. Elle a pour cela besoin d’idées neuves et d’hommes politiques décidés. C’est l’objectif de cet ouvrage, donner au lecteur la possibilité d’entrevoir une sortie au tunnel, en choisissant, au gré de ces quelques pages, les propositions qu’il fera sienne ou qu’il rejettera.
Il est néanmoins nécessaire que chaque Français s’arrête un instant pour essayer de prendre une vue globale des problèmes et de s’interroger sur les solutions qui devront engager notre avenir collectif. Nous pouvons y arriver, nous pouvons et devons ensemble rechercher les moyens de sortir de cette crise économique, sociale, écologique, et morale.
Je suis de la génération des années quatre-vingt, du libéralisme en expansion, des tubes, du pseudo-bien-être télévisuel, du scientisme répandu, du bicentenaire de la Révolution, de la chute du mur de Berlin, de la consommation massifiée, du divorce, de la pollution, de la C.E.E. puis de l’Union européenne ; la génération du chômage, des « affaires », celle des guerres en Irak, des guignols, la génération née sous les nouvelles technologies, qui manipule Internet aussi bien qu’un jeu vidéo, l’un de vos rejetons, né sous Tonton, comme tant d’autres. Je suis de cette adolescence des années quatre-vingt dix, de la mondialisation, celle qui fait peur dans la rue, une génération agitée parce que si libérale. Bien moins agitée pourtant que nos aînés de la génération soixante-huit, que nous avons vu se convertir au libéralisme, d’une manière tout à fait attendue…
Un simple jeune homme contemporain somme toute. Mais un jeune motivé à agir pour l’amélioration de la société ; ces propositions sont une base pour l’action pour cette action post-moderne, faute d’un meilleur qualificatif de nos sociétés, face aux problèmes que notre génération de Français, dans son ensemble, voit s’ériger en horizon d’existence. Ecrire ne sera qu’une étape ; il s’agira par suite d’agir, et d’appliquer, avec détermination. C’est pourquoi il faut toujours avoir à l’esprit ce qui peut dépendre des dirigeants politiques, et ce qui ne peut pas dépendre d’eux.
L’engagement est tout naturellement l’aboutissement logique de ce cheminement. On peut avoir vingt ans et espérer en la politique, croire que les Peuples ont encore un certain contrôle sur leurs sociétés et peuvent, par leur propre Raison et par l’accroissement de leur savoir, façonner le progrès humain : économique, technique, social et mener le plus d’individus vers le mieux-vivre. C’est d’ailleurs en partie parce qu’on en a été dégoûté, par les « affaires », dévoilées lors de l’offensive judiciaire du pôle financier des années 1980 et 1990, que l’on en vient à se dire que la seule manière d’y mettre fin, c’est justement d’en être, et de compter parmi ceux qui diront « non » à la corruption. L’Affaire Elf a dévoilé le système, tout à fait officiel dans la classe politique, de financement des partis politiques français, organisé par le Général de Gaulle lors de l’instauration de la Vème République. Lorsqu’on se pose la question de la probité, de la compétence des hommes politiques, lorsqu’on se demande « mais comment peut-on faire cesser la moquerie organisée qu’est parfois la scène politique », une seule réponse valable et constructive s’impose à l’esprit rationnel : il faut faire de la politique. Y aller, s’engager, et démasquer, de l’intérieur, ceux qui discréditent la République.
Si l’on veut espérer faire quelque chose contre ces intrus, contre les corrompus, qui ont existé tant au centre qu’aux extrêmes, aucune autre solution n’est possible que celle de s’engager soi-même en politique, et essayer d’agir déjà autour de soi, de façon honnête, et ferme à l’égard de toute forme de corruption.
Si l’on veut par ailleurs réagir au négativisme ambiant et tacher d’améliorer les conditions du vivre ensemble, il faut s’engager en politique, travailler, lire, réfléchir aux moyens d’améliorer la société, et enfin, et surtout, proposer. Car c’est de la proposition concrète, seule, que peut jaillir le débat, la participation politique, la démocratie et la citoyenneté.
Avant cependant d’engager le fil des propositions d’actions concrètes, il est nécessaire définir des orientations essentielles que la gauche devrait prendre dans les mois et les années qui viennent.
1) La première orientation est celle de la modernité. Cela signifie que l’on se doit d’être pleinement conscient des enjeux et de la réalité du monde, sans fard idéologique tronqué. L’économie de marché, mise au service du progrès social, doit être pleinement assumée.
2) La conscience du caractère mondialisé de nos économies doit implique la recherche de solutions au niveau inter, voire supra national. La capacité accrue de contournement des règles nationales, par tous les types d’organisations et d’individus, qui découle de ce caractère mondialisé, doit toujours être prise en compte dans toute recherche de proposition concrète. Les délocalisations, fuites de capitaux, les paradis fiscaux, les réseaux mafieux internationaux, tous les problèmes locaux trouvent aujourd’hui des raisons mondiales.
3) La troisième orientation est celle de la réforme. Non pas une réforme qui consiste à s’attaquer à la solidarité nationale, en laissant notamment déraper les comptes publics, mais une réforme de l’Etat qui permette une meilleure exécution de cette solidarité.
Pour assumer la solidarité nationale, il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour dégager le maximum de recettes finançant les caisses d’allocation sociales. Cela, seule une politique économique volontariste en matière d’emplois peut le faire.
La solution du problème des retraites, c’est l’emploi. La solution du déficit de la sécurité sociale, c’est bien l’emploi, au-delà des réformes sur le système de financement. Mener une politique d’emploi, c’est très exactement assumer la solidarité nationale.
4) La quatrième orientation consiste en l’amélioration de l’efficacité des services publics. Cela, seul une meilleure allocation des moyens humains et financiers de l’Etat des bureaucraties nationales vers les services publics de terrain peut l’assurer.
5) La cinquième orientation est celle de l’ouverture vers toutes les formes d’actions sociales, associatives, syndicales, vers les autres parties de la gauche ; cela, seule une action sociale et écologique forte peut le permettre.
6) La sixième orientation est celle de l’ouverture à l’Europe, car c’est la seule à même de nous permettre, nous autres 1% de la population mondiale, de relever les défis du monde contemporain. Cette Europe reste à améliorer. Pas assez démocratique, trop peu connue des citoyens, trop technique, trop libérale. Mais pour la modifier, il faut d’abord se l’approprier telle qu’elle est à l’origine.
Les mesures proposées dans cet opuscule s’articulent autour d’un spectre de thématiques allant des réformes à entreprendre pour rendre à l’Etat ses moyens et son efficacité dans les taches les plus proches des citoyens -- les services publics de terrain, hospitaliers, éducatifs, policiers, d’aide à la personne – à des pistes de long terme, relatives à la formation de la Grande Europe dépassant le cadre des Etats Nations, en passant par des idées très concrètes permettant l’amélioration de la vie de proximité, au plus près du quotidien des gens.
Naturellement, à toute initiative doit correspondre son financement. Ainsi, sur le budget intérieur, il faudra dans l’ensemble agir selon la procédure du redéploiement, pour ne pas alourdir les finances publiques, et, si la situation le permet, pouvoir réduire les impôts (cf. chapitre II). Concernant le budget européen, les propositions impliquant des dépenses rendent nécessaire l’accroissement du budget (cf. chapitre IV). Nombre de propositions ne peuvent être appliquées qu’au termes d’intenses négociations dont l’issue n’est jamais certaine (cf. chapitre V). Le redéploiement des moyens des administrations est une condition à toute autre action, étant donné le niveau de la dette, et dans le but d’assainir, à court terme les finances publiques, comme l’a initié Lionel Jospin, à gauche. C’est pourquoi ceux qui voudraient et seraient en mesure de se saisir de ces propositions, devront faire plus que distribuer des bonnes paroles pour ne pas agir avec détermination ; ils devront montrer leur volonté politique. Et de toute façon, c’est cela que les Français sanctionneront.
Notre pays est menacé par l’archaïsme, le repli sur lui-même, le déclin. Il doit retrouver dans ses entrailles la capacité de faire renaître la démocratie et la réflexion citoyenne pour faire face aux extrêmes et ce, dans la modernité, dans la Rationalité, et dans une claire conscience du caractère ouvert de nos nations contemporaines. C’est dans cette démarche innovatrice, volontariste et pédagogique que l’on pourra trouver les voies du redressement et du meilleur vivre ensemble.
Avant de vouloir changer les hommes, il faut tenter de modifier les Institutions, les structures dans lesquelles ils évoluent. Il est généralement convenu de penser, dans la classe politique, que l’on ne peut pas directement changer les hommes. Eux-mêmes, seuls, peuvent modifier leur état d’esprit, leur mentalité, leurs comportements. Il n’est pas question de vouloir forger un « homme nouveau » mais de proposer des idées pour améliorer le cadre dans lequel celui-ci évoluera de lui-même, en pleine possession de sa propre responsabilité. Tout idéal d’un homme nouveau s’établirait nécessairement par la dictature. Les résultats des diverses expériences historiques n’ont jamais corroboré dans la pratique l’idéologie et l’eschatologie, qui fondaient l’existence des dictatures. C’est pourquoi il faut d’abord être d’accord pour récuser toute doctrine extrémiste et toujours, dans la proposition, faire preuve de mesure et de rigueur synthétique, de modération, et doit toujours être portée vers le débat, c’est-à-dire à l’intégration de la contradiction, à l’ouverture d’esprit.
Mais plus que de discours ensuite, il faudra des actes, fondés sur des propositions concrètes. Celles-ci, à la faveur du scrutin du 28 mars, et des européennes, pourront s’accomplir ; peut-être plus tard, certaines de ses idées serviront à l’action de ceux qui auront la conduire l’action de la France de demain.
Cet ouvrage, écrit de manière synthétique de manière à ne pas dissuader le lecteur non spécialisé, a pour but de donner à réfléchir, à s’interroger, de donner quelques raisons d’espérer peut-être, mais aussi de motiver le lecteur à s’engager dans la voie du rétablissement français. La concision de l’ouvrage est un choix, le choix de l’efficacité, de la synthèse et de la pédagogie.
En voici le plan :
I. L’Etat efficace : première étape de la réconciliation avec les citoyens
A. Tout commence par la démocratie locale
B. Un Etat plus proche du terrain
C. De nouvelles Institutions pour un nouveau siècle
D. L’amélioration ambitieuse du rapport public-privé
II. Une économie prospère ne peut qu’être orientée vers le plus grand nombre
A. Diagnostic
B. Une relance de la consommation par la baisse des impôts les moins justes
C. Une stratégie d’incitation à la création d’emplois et d’investissements
D. Une stratégie de baisses de charges ciblées permettant à la fois une baisse du coût du travail, une réduction de la précarité, et une réduction du déficit de la sécurité sociale
E. Une stratégie de retour à l’emploi des plus de cinquante ans
F. Une impulsion sans précédent dans le domaine de la recherche scientifique, moteur de l’économie d’aujourd’hui et de demain
III. Action éducative et sociale : Vers la société de la connaissance et de la solidarité
A. La priorité à l’éducation, à l’accès à la citoyenneté et à la connaissance
B. Pour une décentralisation sociale d’un enseignement supérieur
C. Une couverture logement universelle
D. Une politique salariale déterminée et rationnelle
E. La République doit réparer son échec historique d’intégration des personnes issues de l’immigration
F. Une politique familiale à l’image d’une nouvelle société
G. Vers « l’accessibilité universelle » et la mobilité effective du handicap
H. Un plan pour la création musicale menacée
A. Une Europe politique forte et une vision à long terme
B. Fonder la gouvernance économique européenne
C. Convaincre nos partenaires de la politique sociale européenne
D. Pour la mise en place d’un gouvernement européen
E. Des politiques extérieures française et européenne de la Paix, des Droits de l’Homme et de la coopération euro-méditerranéenne
A. Rapide diagnostic connu
B. La priorité à la lutte contre l’effet de serre
C. Un parc de voitures propres, mis en place dans l’incitation et non dans la contrainte
D. Une diversification des sources énergétiques françaises
E. Une diplomatie écologique performante
F. Une lutte drastique contre les patrons voyous ou les entreprises excessivement polluantes
I. L’Etat efficace : première étape de la réconciliation avec les citoyens
Des réformes administratives et institutionnelles préliminaires doivent introduire le terreau neuf sur lequel pourra pousser le renouveau économique et social français. Ces réformes moderniseront l’administration française et permettront de dégager des financements nouveaux pour engager des actions dans les domaines de l’emploi, de la recherche, de l’écologie, du progrès social en général.
Nous devons en France être fier de notre système social généreux. Il ne fonctionne cependant qu'à une seule condition : qu'il y ait suffisamment d'heures travaillées annuelles, grâce à la plus haute utilisation possible des capacités productives, pouvant dégager des recettes suffisantes permettant de réaliser l’équilibres des comptes de l’Etat, des collectivité locales et des caisses sociales. Pendant la période 1997-2001, le nombre d’heures travaillées étaient en augmentation de 10% grâce aux créations d’emplois permises par les 35 heures. Pour assumer notre système social donc, il est nécessaire de rechercher en permanence l’équilibre de ces comptes par une politique déterminée en direction de l’emploi.
Les réformes du gouvernement Raffarin se fondent notamment sur le postulat que l’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie. Délégitimant par ce principe toute action volontariste de l’Etat, aucune politique de relance ou d'emploi ne permettent de combler la demande de recettes qu’exige notre système. Les conséquence en sont les déficits de 4,1% pour l'Etat, de 14 milliards d’euros pour les caisses de la Sécurité Sociale et de 1,5 milliards d’euros pour l’UNEDIC (qui a entraîné une radiation de 250 000 personnes environ de ses listes d’allocataires), et le rapide accroissement de la dette, ce qui permet par la suite de légitimer des réformes sociales restrictives. Cette stratégie consiste à ne pas assumer le système social, qui ne peut marcher que si l’on s’en donne les moyens. Ce n’est qu’après ces deux années perdues que le gouvernement va engager un demi tour complet sur ses promesses électorales, en conditionnant alors aux réformes de l’Etat les baisses d’impôts progressifs. Hélas, le mal était fait, et ce gouvernement fut obligé d’engager une politique dûre de gel des crédits, de vente du patrimoine de l’Etat, et d’une importante vente d’or sur lequel est appuyé l’euro, pour commencer à rembourser la dette qu’ils avaient accumulés par leur laxisme.
La question simple qui va alors guider le décideur en face de ce système, c'est « est-il prêt à assumer ce système ou bien préfère-t-il le restreindre, pour réduire dans l’absolu le poids de l’Etat ? » C’est finalement la question simple à laquelle se rattache tout le clivage politique actuel. Il est évident cependant que lorsque la dette publique atteint de tels plafonds, on se permet ensuite de durcir les conditions politiques de réforme.
La réforme de l'Etat sort en partie du clivage politique traditionnelle. Les Institutions doivent en effet démontrer chaque jour leur capacité à servir au mieux les demandes de services publics des citoyen, contribuables, usagers, de la façon la plus efficace, dans le but d’éviter que les besoins de financement des services publics de terrain soient englouties dans les dépenses de fonctionnement bureaucratique.
Il faut cependant faire attention à ne pas confondre la question de la structure bureaucratique de l’Etat, et la question de la solidarité. Elles sont liées, certes, car toute extension du champ de la démocratie sociale semble devoir s’accompagner d’une extension parallèle de la bureaucratie étatique. C’est une chose qu’il faudra savoir éviter à l’avenir. Il faut cependant garder en tête cette distinction, qui devra guider à l’avenir les redéploiements des ressources humaines de la fonction publique, des bureaucraties, vers les services publics de terrain.
C’est pourquoi les socialistes devront retenir un enseignement essentiel de la période Jospin : lorsque cette politique volontariste nous apportera les recettes nécessaires pour assumer notre solidarité nationale, il faudra engager alors, l'esprit libre, les réformes nécessaires de l'Etat, et les baisses d'impôts les plus injustes pourront s’effectuer sans dérapage budgétaire. La baisse des impôts sur le revenu telle qu’elle a été effectuée sous le ministère Raffarin, non accompagnée d’une action sur l’organisation bureaucratique crée mécaniquement de la dette. Comme si l’on faisait un gracieux cadeau aux classes favorisées d’aujourd’hui, sur la dette qu’auront à rembourser les générations futures…
C'est ainsi que l'une des pistes numéro 1 du programme socialiste est la rationalisation de l'Etat, tout en assumant les mécanismes de solidarité. Cette modernisation de l’Etat constitue la première étape sur le chemin de la réconciliation des gouvernants avec les citoyens.
A. Et tout commence par la démocratie locale
La démocratie locale, c’est ce qu’il reste de la « democratia » athénienne, dans les systèmes politiques représentatifs contemporains. C’est à travers elle que peut exister le plus directement et le plus visiblement le lien entre les administrés et la puissance publique. C’est sur elle que doit se fonder toute action de proximité.
Il faut tout d’abord démocratiser le processus de décision locale et donner ainsi aux Institutions le vécu individuel, le rapport direct au citoyen qui leur manque tant.
Pour cela :
1. Priorité nationale, il faut généraliser, dans toutes les villes de plus de 50 000 habitants, des conseils de quartiers, comme ceux qui existent à Paris, dans lesquels les citoyens intéressés à la gestion publique locale pourraient proposer des réformes à la municipalité, dans tous les domaines. Ces conseils seraient non pas dirigés, mais organisés par un modérateur de conseil, qui fixerait un ou plusieurs ordres du jour. Les travaux de ces conseils seraient directement envoyés au cabinet du Maire qui déciderait, en fonction des moyens de la commune, d’exécuter ou non les propositions formulées.
2. Dans ces mêmes villes, il faut généraliser les conseils de développement économique qui seraient chargés par les Maires, de rencontrer tous les citadins concernés par des problèmes donnés et de proposer des améliorations. Suivant les attentes perçues sur le terrain, les « Codev » traduiraient celles-ci en propositions concrètes. Des Codev existent déjà dans de grandes capitales européennes (Londres, Bruxelles et Paris, où il a été mis en place en 2002 par Bertrand Delanoé). Ils associent des milliers de citoyens et des centaines d’entreprises à l’action des municipalités, et permettent un dialogue irremplaçable entre les municipalités et les citoyens.
3. Il est nécessaire de multiplier les référendums locaux pour mieux associer les citoyens à la décision finale. Avec quatre vingt pour cent d’une classe d’âge qui accède au baccalauréat, il est fini le temps où l’on pouvait se méfier du référendum. Il faut pleinement associer les citoyens éclairés à la décision locale, et ce dans toutes les personnes publiques de plus de cinq mille habitants, universités comprises. Il faut une norme dans les cas où les décisions peuvent influer de manière excessive sur les usagers ou habitants de ces entités publiques. Ces référendums feront de la concertation et non de la contestation une norme.
4. Il est absolument fondamental de simplifier les organigrammes administratifs locaux dans le but de mieux utiliser les ressources locales vers les objectifs légitimes (santé, écoles, polices municipales), selon les deux principes du « primat donné à l’action proche du citoyen », et celui « du moindre coût pour le meilleur service ».
L’administration ne représente vraiment l’intérêt général pour les citoyens que dans ses actes concrètement identifiables. Des surcapacités administratives aboutissent à des situations absurdes où plusieurs agents effectuent ce qu’un seul pourrait très bien exécuter. La conséquence est claire : en aval, sur le terrain, les policiers, infirmières et professeurs se plaignent du manque de moyens.
Les administrations locales et nationales doivent maintenant faire un arbitrage entre les postes de gestion en surnombre, et doivent agir avec vigueur pour rendre le plus efficace possible leur gestion bureaucratique. Il en va de la lisibilité et la légitimité de l’action publique. Il en va de la lutte contre l’abstentionnisme et l’extrême droite qui attirent par le rejet d’une action publique trop coûteuse pour nos contribuables, au vu du manque d’efficacité dans l’allocation des services publics hospitaliers, policiers et d’enseignement (attentes aux urgences, classes surchargées, insuffisance de policiers dans les quartiers sensibles).
5. Il faut par exemple regrouper certaines directions administratives déconcentrées. Il y a trop de postes de bureaux et pas assez d’infirmiers, d’instituteurs ou de policiers ! Il y a trop de dépenses de représentation et pas assez d’argent pour faire fonctionner les universités. C’est une réalité évidente que de nombreux agents publics eux-mêmes pointent du doigt. On pourrait remplacer deux agents administratifs par un professeur et une infirmière. D’autant qu’Internet, et la beaucoup plus grande volatilité de diffusion et d’accès à l’information, induit de très importants gains de productivité dans les bureaucraties.
6. La décentralisation est une bonne chose dans la mesure où elle nous permet de mieux redéployer l’action des services publics et, à condition que la multiplication des étages administratifs ne viennent pas complexifier les démarches et les phénomènes de rétention de l’information. Force est de constater dans ce domaine que le département, dans l’organigramme administratif européen commence à être un échelon lourd à gérer. Le gouvernement a engagé une profonde réforme de la répartition des compétences entre le département et la région. Résultat : les compétences sont partagées entre l’une et l’autre institution, ce qui ne permet que peu au citoyen d’identifier clairement les administrations compétentes. On pourrait imaginer laisser à la fonction préfectorale sa seule compétence policière, mais par ailleurs intégrer tous ses autres services à la Région, niveau hiérarchique de droit commun de l’Europe. Ceci permettrait aux services préfectoraux de se recentrer sur leurs missions fondamentales sans se disperser et alourdir les dépenses bureaucratiques de l’Etat.
Le 28 Mars 2004, lors du scrutin régionale la Gauche Unie remporte 21 régions sur 22. Ils seront donc dépositaires de la seconde décentralisation pourtant mise en place par la droite. C’est un véritable défi républicain. Espérons que par sa bonne gestion régionale, la gauche montrera l’intérêt de donner à la Région, entité administrative européenne de droit commun, la plus haute autorité, les plus hautes compétences, les plus hauts moyens relativement au département.
Par ce scrutin, les Français ont voulu d’abord sanctionner le ministère Raffarin. Les mesures ont été perçues, au simple regard des chiffres, comme injustes et inefficaces. Plutôt que la continuation de cette politique, ou son amplification, c’est une nouvelle stratégie réformatrice, négociatrice, à tous les niveaux, qui doit être conduite. C’est à travers les régions que cette nouvelle stratégie devra se manifester.
7. Dans une autre optique, il apparaît indispensable de réduire les écarts de densité de service publics de terrain entre les villes et communes de mêmes populations et de richesses différentes. Il n’est pas normal que dans des villes d’un même nombre d’habitants, l’une dispose de plus de policiers, d’hôpitaux et de professeur qu’une autre moins riche. L’intercommunalité, mise en place dès les année 50, remises au goût du jour en 1992 et améliorée en 1999, ouvre la possibilité de partenariat permettant d’égaliser les services publics à travers les territoires. Il s’agira de continuer cette action dans le sens d’une plus grande égalité entre les différentes communes d’une même région.
Cela passe par une réduction des inégalités d’impôts locaux (dégressifs, puisque touchant plus fortement les communes les moins riches), et par une meilleure répartition des ressources humaines du service public. Il faut naturellement dans ce sens étudier les meilleures assemblages intercommunaux permettant que des communes plus favorisées et des communes moins dotées soient associées en nombre similaires. Ceci ouvrira la possibilité d’une péréquation au niveau intercommunal. Mais celle-ci n’est permise que s’il y a pertinence des communautés d’agglomérations.
8. Et pour cela, il faut refonder le système de péréquation. Celui-ci existe à l’heure actuelle, mais est complètement désordonné et anarchique. Des municipalités se voient attribuées des subventions qu’elles ne demandaient pas alors que d’autres doivent batailler pendant des années pour les obtenir. Une commission sera chargée de mettre en place une véritable péréquation inter-régionale et nous verrons au chapitre III qu’il est également possible de l’envisager entre les établissements publics d’enseignement supérieur.
9. Nous pouvons en premier lieu, au niveau local, dégager, grâce à une première phase de réorganisation administrative, des moyens supplémentaires pour créer plus de crèches et plus de maisons de retraites. Les crèches sont une nécessité de plus en plus prégnante, à l’heure où les horaires des actifs sont de plus en plus éclatés, où l’égalité des sexes face au travail devient une règle et laisse un temps très restreint aux mères qui le consacrent pourtant tout entier avec courage à leurs enfants. Un plus grand nombre de maisons de retraites devient une obligation en 2003, année de la canicule mortelle, année où l’isolement des troisième et quatrième âges est apparu comme insupportable et meurtrier.
10. Il faut pareillement accroître la part des spécialités gériatriques et de gynécologie obstétrique dans les numerus clausus de médecins, et en donnant plus de moyens aux structures chargées de les former.
11. Au-delà de structures formelles ou institutionnelles de prises en charge de l’enfance, de la vieillesse, il faut mettre en place des solutions plus informelles, qui s’approchent plus d’une application de la notion de fraternité, comme l’est par exemple l’hospitalité. Il faut promouvoir des structures locales de socialisation et donner forme concrète à cette importante et même fondamentale valeur de notre République.
Il est tout à fait possible d’imaginer des manières de lier des gens qui ne se connaissent pas et qui pourtant vivent dans une grande proximité. Dans « ces villes de grande solitude » où les gens se croisent sans se dire bonjour, où les voisins ne se regardent pas, il est nécessaire de créer des cadres de socialisation divers, qui puissent faire vivre la proximité. Allons-nous, Françaises et Français, abandonner notre sens de l’hospitalité latine ?
12. Un exemple peut être donné dans certains quartiers, où sont régulièrement organisées par des instituteurs et des infirmières des rencontres de sensibilisation au troisième âge pour des jeunes élèves de maternelles et primaires. Il est possible d’organiser au sein des immeubles et des copropriétés des cadres informels de rencontres, voire en période estivale ou de départs massifs en vacances, de surveillance intergénérationnelle. Les voisins qui ne partent pas pourraient, s’ils n’y voient pas d’inconvénients, se signaler au syndic, et donner ainsi quelques heures de volontariat pour simplement rencontrer les personnes âgées de leur immeuble, vérifier qu’elles vont bien et rappeler qu’il faut boire… appeler la famille en cas de malaise. Des petits gestes qui peuvent sauver des vies...
13. Cette fraternité peut ainsi être promue à travers certaines institutions formelles ; il s’agit ici à l’inverse, et c’est ambitieux, de réconcilier le formalisme institutionnel avec l’anti-formalisme propre aux relations sociales telles que l’amitié. C’est dans le contact à autrui que l’individu, plus que dans toute autre situation, se révèle, existe et trouve, plus que dans quelconque satisfaction matérielle, sa joie de vivre.
Il est tout à fait possible d’envisager des structures dans lesquels les jeunes peuvent se retrouver. Plutôt que de les obliger à squatter dans la rue, dans des caves ou dans les halls d’immeuble, du fait de l’absence de lieux de vie commune, il est nécessaire de créer, dans toutes les villes et les villages de France, des foyers libres de jeunesse où ceux-ci seraient en mesure de se retrouver, faire du bruit, écouter de la musique et, tout simplement, de passer du bon temps entre eux, dans un lieu encadré de manière souple. Cette idée pourrait à elle seul éviter de nombreuses situations propices à la délinquance. Si l’on admet que ce n’est pas simplement par la répression que l’on réglera les causes de l’insécurité (qui n’est qu’un symptôme), alors c’est par ce genre de mesures que l’on créera les conditions d’une prévention efficace de la délinquance. Interdire les rassemblements dans les halls d’immeuble comme l’a fait un des amendements de la loi Sarkozy est une bonne mesure à court terme pour mettre fin à des situations insupportables d’insécurité. Bien-sûr, il est intolérable qu’un noyau dur de délinquants, qu’il a été avisé de sortir des quartiers, agresse, démolisse, vandalise, et provoque la crainte chez les gens. Mais si l’on ne donne pas à ces jeunes qui se regroupent un cadre pour se réunir en toute liberté, ils le feront ailleurs, dans la rue et l’insécurité n’aura été que déplacée, ses racines profondes ayant été maintenues à l‘identique. Qu’ils soient d’une cité ou d’un quartier riche, les jeunes ne demandent que de pouvoir passer du bon temps ensemble. Ils ne devraient pas en être empêchés, tant qu’ils respectent le cadre légal.
Il est de surcroît difficilement acceptable que l’on pénalise les uns pour ce qui n’est au final qu’un manque de moyens, quand on laisse d’autres, ceux qui ont les moyens de se réunir dans un cadre privé, tranquilles, la finalité de leurs rassemblements festifs étant la même. Les jeunes des cités, dans leur majorité ne sont certainement pas des délinquants ; en témoigne la volonté d’ascension sociale affichée par une très large partie d’entre eux. Toutes les catégories sociales sont touchées par la drogue, la dépression, l’envie de frimer, l’opposition systématique. Las… L’une peut profiter de l’argent des parents, se réunir dans un studio, tandis que l’autre squatte dans la rue, sur les bancs publics, faute de local ou dans les halls d’immeuble, quand il fait froid…
Des systèmes de sécurités de halls d’immeubles reliés aux commissariats locaux ou à des centraux-vidéos locaux rattachés aux commissariats, pourquoi pas… Surtout dans certains blocs reconnus comme « sensibles ». Mais le bon sens indique que cela n’aboutit qu’à déplacer le sentiment d’insécurité, ce qui incite à toujours étendre plus la vision policière, comme un phénomène d’hystérésis orwellienne. Les libertés individuelles doivent être défendues, et l’on ne peut pas entrer dans la dérive des millions de caméras, que connaissent certaines villes comme Londres.
14. Dans un autre ordre d’idées, il faut accroître la quantité des transports en commun disponibles la nuit, au moyen s’il le faut de contrats locaux avec des entreprises privées. Deux très larges catégories de personnes sont en attente d’une action publique dans ce domaine. Les jeunes, qui doivent rivaliser de malice pour rentrer chez eux le samedi soir lorsqu’ils ratent « le dernier métro », et les multiples métiers qui travaillent la nuit de l’infirmière de garde au concierge de bureaux.
15. Il faut enfin démultiplier, dans les villes françaises, la présence verte et les arbres. Voilà une proposition qui accroîtra l’attractivité des villes françaises, Paris en tête, sans diminuer les moyens d’autres communes.
La plus grande esthétique créée par une insertion des espaces verts dans l’urbain affiche une action déterminée en faveur du développement durable et de la qualité de la vie. Il apparaît très clair que faire de Paris la ville la plus propre et la plus verte d’Europe lui donnera un nouvel atout stratégique dans la concurrence touristique du XXIème siècle qui s’annonce avec Barcelone, Londres, Berlin, Prague, Amsterdam.
L’innovation urbaine est une nécessité de premier plan au XXIème siècle car elle s’inscrit dans une compétition pour la modernité s’organisant autour d’une valeur : la mobilité. Dans un cadre où les acteurs sont mobiles, c’est dans la capacité d’un Etat à attirer les capitaux et les hommes que celui-ci sera à même de dégager des richesses… Dans ce domaine, Londres dans le domaine financier et Barcelone dans le domaine touristique, sont en train ou ont déjà supplanté Paris. L’objectif de la propreté et de la présence verte est prioritaire dans le retour de Paris au sommet des capitales européennes. A l’heure de l’héliotropisme et de la surproduction touristique des côtes espagnoles, la France pourra trouver dans la propreté de ses plages, et l’extension de ses parcs intra-urbains, un important domaine de différentiation et un signal fort d’appel à l’étranger.
Vouloir « faire de la France l’un des pays les plus propres du monde » est un objectif fondamental de notre système politique, que ce soit au niveau local et national. Sans mystique aucune, cet objectif est tout d’abord guidé par un enjeu économique, en terme d’impact médiatique à l’étranger et de revenus touristiques. Il l’est aussi et il nous faut prendre en compte cette dimension, par l’éthique ; il faut en effet protéger au maximum la nature dans laquelle nous existons et qui est une condition essentielle du mieux-vivre.
Ces réformes locales ne peuvent valoir que dans le cadre d’un remaniement plus large des institutions nationales et des orientations budgétaires. Il était essentiel, de définir, avec les moyens de la démocratie locale, fondement de l’applicabilité des réformes proposées ici.
Il faut tout d’abord poser quelques principes qui guideront les modalités d’une réforme administrative d’ensemble.
Le propositions qui vont suivre procèdent d’une double constatation :
a) La dette publique et les déficits annuels nous imposent de repenser l’action publique pour la rendre plus efficace. La maîtrise des dépenses publique est une action essentielle et fut au centre de la politique de Lionel Jospin. Celle-ci ne peut que s’accompagner d’une réorganisation administrative dont les propositions qui suivront décriront les modalités
b) Il y a malgré un coût excessif des dépenses publiques un appel permanent provenant des personnels administratifs et des usagers des services publics, à plus de moyens. Les policiers, les infirmières, les instituteurs, professeurs, chercheurs, avocats commis d’office près de l’aide juridictionnelle, personnels de prison… Tous se plaignent du manque de moyen.
c) Face à la nécessité de réformer l’administration, il faut trouver des moyens de le faire dans la négociation, la transaction, et le respect des situations individuelles, notamment en indemnisant les fonctionnaires bureaucrates redéployés sur la base de ce qu’ils étaient en mesure d’espérer en s’engageant dans la fonction publique.
1. Au total, on peut affirmer qu’il y a une nécessité de redéployer progressivement, c’est à dire après accord majoritaire avec les salariés du public sur une « formation professionnelle de redéploiement» associée à une sécurité sociale du travail, une diminution des postes de fonctionnaires de bureaux et de gestion en profitant des départs à la retraite, et une augmentation des postes de personnels de terrain. Cela aurait le mérite d’augmenter la face visible de l’Etat, de réduire sa face invisible (celle des bureaux) en maîtrisant les dépenses publiques, c’est-à-dire par exemple, en diminuant certains impôts ou taxes injustes, telles la taxe d’habitation, ou la TVA.
Dans le cadre de la grande réforme budgétaire en cours, la « Loi Organique des Lois de Finance » (LOLF) mise en place en août 2001, qui organise une modernisation du financement administratif - en l’orientant vers une plus grande autonomie des administrations et un renforcement du primat des dépenses d’objectifs sur celles de fonctionnement - il convient de réorienter les ressources humaines et financières de l’action publique vers les objectifs les plus visibles et légitimes aux yeux des citoyens. Il s’agira de rééquilibrer, vers les postes administratifs de terrain, les hommes du service public.
De même qu’au niveau local, certaines localités manquent de services publics de terrain, au niveau national, certains ministères connaissent des surcapacités, avec l’Europe qui prend maintenant un grand nombre de décisions autrefois dévolues aux administrations nationales.
L’échec de la tentative de réforme de Bercy en 1999 illustre tristement la difficulté que connaît l’Etat pour utiliser ses ressources humaines de manière efficace et surtout légitime aux yeux des concitoyens. Il avait été entrepris de fusionner les deux principales directions du ministère ce qui aurait permis de dégager un surplus pour d’autres objectifs de service public. Une mobilisation a bloqué la réforme bienvenue de Christian Sautter. De même, l’idée de prélever l’impôt à la source s’est révélée impossible du fait d’une trop forte pression syndicale. Tous les pays européens l’ont fait... Est-il normal que le coût du prélèvement de l’impôt soit quatre fois plus élevé en France qu’aux Etats-Unis lorsque dans le même temps, il apparaît que les services hospitaliers et notamment les urgences manquent considérablement de moyens ? La France n’a pas assez de scanners et d’IRM, certains lycées de banlieue tombent en ruine, certaines universités ferment temporairement, comme Paris VI Orsay, car elles ne peuvent honorer jusqu’à leur dépenses de chauffage ! On ne peut défendre certaines inefficacités économiques qui grèvent terriblement les budgets utiles pour éviter à court terme des licenciements qui s’avèrent normaux dans le but de réaliser d’autres embauches beaucoup plus légitimes. Ces trente mille emplois de percepteurs pourraient facilement être remplacés par quarante cinq mille postes supplémentaires d’infirmiers, que la Confédération Générale du Travail (C.G.T.) demandait par ailleurs lors de la mise en place des trente-cinq heures dans les hôpitaux. Il apparaît ainsi très clair qu’il faut couper dans les dépenses administratives de « haut-lieu », les dépenses de fonctionnement inutiles, les gaspillages, les frais de bouches astronomiques, pour les redéployer dans les dépenses d’administration de terrain, vers les hôpitaux, les écoles, vers les citoyens. Au final le nombre de fonctionnaires ne se réduirait point trop, mais l’argent public serait orienté vers les tâches les plus socialement légitimes, et surtout les plus visibles : centre de soins de proximité, aide à la petite enfance, à la dépendance, amélioration des matériels scolaires, police nationale, etc… Plus de professeurs et moins d’administrateurs de rectorats, plus de policier et moins de faste préfectoral. Plus de médecins et d’infirmières, moins d’administrateurs de la santé. Plus de chercheurs, et moins de fonctionnaires ministériels.
Plus les Français percevront l’utilité de leurs impôts, moins ils critiqueront celui-ci. C’est en affichant ce que l’on fait avec l’argent des contribuables, et en le faisant bien, c’est à dire en redéployant les moyens humains et financiers vers les services publics de terrain, que l’on « réhabilitera l‘impôt ».
2. Le second axe de redéploiement de personnels doit se faire dans l’objectif d’assurer une meilleure égalité de services entre les villes et les campagnes. Il n’est pas normal que les ruraux, aux revenus souvent moins élevés que les urbains soient obligés d’engager des dépenses plus élevées de transport pour satisfaire les mêmes besoins que les citadins. Il faut ainsi considérablement améliorer les transports publics et propres dans les localités rurales, et accroître le nombre de services publics ruraux. Plus d’hôpitaux, de crèches, d’écoles dans les villages français, plus de bureaux de postes c’est une nécessité pour près d’un quart de la population française, que les urbains ont tendance à oublier. Cela permettra également de drainer un grand nombre d’emplois dans certaines régions dévitalisées. Car autour d’un hôpital, c’est une vie qui se met en place, des commerces, des centres commerciaux, qui manquent parfois crûment dans de nombreuses localités. Cela peut se faire sans dépenses supplémentaires, si la réorganisation est correctement effectuée, c’est à dire non pas en augmentant les coûts mais en prenant là où les besoins sont parfaitement satisfaits et en les redéployant là où ils manquent. Il est inadmissible que le nombre de villages où seuls subsistent un ou deux commerces soient en augmentation. C’est l’Etat seul qui peut s’occuper de cela, car les communes rurales n’ont ni la capacité financière ni la capacité administrative de redéployer. Jusqu’à ce jour, toutes les politiques se sont faites à l’avantage permanent des urbains avec comme conséquence une fuite trop rapide de la vie rurale.
C’est par exemple avec des transports régionaux plus rapides que l’on incitera de plus en plus de gens à vivre loin de leur lieu de travail. La réconciliation de la France avec la vie rurale passe par une amélioration considérable de la qualité et surtout de la rapidité des transports ferroviaires régionaux. C’est de cette manière que l’on pourra désengorger les grandes villes, plutôt que de faire payer douze euros l’entrée du centre-ville aux voitures, comme à Londres, avec des conséquences graves en terme d’inégalités géographiques entre ceux vivant au centre-ville et les citoyens de la périphérie, souvent moins aisés.
3. Il s’agit d’autre part d’accompagner ce redéploiement interne de la fonction publique par une réorientation du budget, toujours vers un des aspects les plus légitimes et les plus fondamentaux de son action, à savoir la recherche.
Recherche publique d’abord, mais aussi, et dans une importante mesure, privée, dans le but d’accroître nos brevets en matière de nouvelles technologies, de techniques industrielles, de biotechnologie et d’informatique, qu’ils aient trait aux softwares ou aux hardwares. Il est ainsi pensable de développer un projet de système d’exploitation européen. Cette aide à la recherche nécessite des moyens importants mais qui sont essentiels, à la fois dans le cadre d’une politique de relance puisque la recherche accroît la demande globale et donc sur le moral des entreprises, que dans une vision à plus long terme pour financer les activités de demain, et leurs emplois concomitants. Cette recherche doit être orientée vers une traduction commerciale ou industrielle. C’est par ce genre de projets et non en se fondant sur une hypothétique « retombée de la croissance américaine » que l’on pourra trouver en nous cette force du renouveau français. Très clairement il faut consacrer au moins 5% de notre budget à la recherche, en ayant à l’esprit que les USA des années 90 consacraient 6% du leur à ce domaine de l’action publique, avec une croissance à 4% de moyenne sur cette période.
Il faut par ailleurs rendre plus attractifs les métiers de la science et pour cela faciliter très fortement l’accès aux bourses pour les étudiants scientifiques (sur ce point cf. Chapitre II. F.).
4. L’hystérie collective relative au terrorisme, parfois justifiée au regard des tragédies telles que celles du 11 septembre ou du 11 mars en Espagne, ne peut masquer la diminution des risques internationaux purement militaires, en France, à l’heure où les institutions internationales telles que l’Union européenne ou l’ONU, sont en mesure de garantir la paix avec nos voisins et la majeure partie des pays du monde. Tant que la position française sur la scène internationale restera pacifique, démocratique et portée vers la promotion des Droits de l’Homme, les risques de guerre classique resteront faibles. La dissuasion nucléaire et l’entourage européen permettent une sécurité militaire quasi complète. Dans cette optique, le renforcement des moyens militaires apparaît bien à contre-courant d’une diplomatie promouvant la paix. En réduisant un certain nombre de dépenses militaires, il nous sera possible d’abord de combler la dette publique, et de redéployer une partie importante des fonds vers un accroissement des dépenses de santé et d’éducation. Il s’agit d’une priorité économique et sociale.
Les dépenses d’armement, rationalisées, s’orienteront sur deux objectifs prioritaires : les services secrets et la recherche militaire qui sont deux aspects essentiels en terme de sécurité et de lutte contre le terrorisme mais aussi de débouchés industriels. Toute la politique militaire et diplomatique de la France doit être orientée autour de trois pôles : dissuasion nucléaire « du fort au fou », lutte contre les réseaux terroristes et promotion de la Paix. L’Organisation des Nations Unies doit être l’assemblée mondiale des Etats dans laquelle la France, pourvue de sa voix privilégiée au conseil de sécurité, qu’elle tient légitimement de l’Histoire, serait toujours celle qui préviendrait, ou tenterait de prévenir, les engrenages de guerres. Le rôle qu’a tenu la France dans la crise irakienne fut irréprochable, digne et courageux. Mais il a manqué de tact. Ainsi, lorsque l’on affirme que « quelle que soit la solution proposée à l’ONU, la France apportera son veto », on se constitue en force de blocage et non en vecteur de sortie de crise, ou d’influence.
L’armée sera ainsi une des variables de redéploiement, pour dégager des moyens nouveaux et mener à bien la mission éducatrice et sociale de la France vis-à-vis des ses administrés.
5. Il apparaît également nécessaire que l’administration française soit beaucoup mieux liée à l’administration européenne.
Si l’on veut une véritable Europe, supportée par un Etat européen, colonne vertébrale du corps social européen naissant par en bas et par en haut, il faut que les administrations nationales soient beaucoup mieux informées des travaux européens, des directives et réglementations européennes (et inversement). Mais il faut aussi qu’elles soient résolument tournées vers l’application des décisions communautaires. Qu’en un mot, elles travaillent en synergie et non en rivalité, qu’elles soient mieux imbriquées dans leurs travaux, dans l’objectif de faire des gains de productivité administrative importants et donc dans le simple respect du principe d’efficacité.
Il s’agirait d’intégrer administrations nationales et européennes dans le but d’accroître la rapidité d’exécution des décisions européennes et de réduire les coûts du fonctionnement administratif national. L’objectif étant et reste d’alléger les dépenses publiques pour les redéployer vers les missions les plus importantes à savoir, comme nous l’avons déjà mentionné, les services hospitaliers, les écoles et lycées, la police, la recherche et la justice. En un mot, une meilleure synergie entre les administrations nationales, locales et européennes aurait pour effet d’éviter les multiplications d’étages administratifs et de services identiques à des niveaux géographiques différents et trop nombreux. Concrètement, ce qui ressortira des compétences exclusives de l’Union devra voir sa représentation au plan national réduite. Cela permettra une réduction des coûts de fonctionnement administratif, grâce à l’Europe.
6. D’autres moyens supplémentaires peuvent être dégagés de la fusion de différents ministères. Comme nous l’avons déjà affirmé, alors que l’on rationaliserait les moyens administratifs d’un côté, on démultiplierait de l’autre les services publics de terrain, les seuls lisibles et légitimes aux yeux des contribuables.
C. Des Institutions nouvelles pour un nouveau siècle.
Les Etats sont confrontés de nos jours à de nouvelles demandes créées par les nouvelles technologies, les nouvelles habitudes sociales. En un mot, les profondes mutations économiques, sociales et scientifiques exigent des institutions nouvelles, et pas seulement consultatives mais aussi exécutives.
1. Nous devons mettre en place une sécurité sociale du travail qui puisse offrir aux personnes récemment licenciées une alternative claire :
a) soit travailler contre rétribution égale aux allocations chômages, à des emplois d’intérêt public. Cela permettrait une meilleure gestion de nombreux services d’intérêt public local (aide aux personnes âgées, nettoyage urbain, etc) tout en donnant une activité à des personnes en recherche d’emploi. L’intérêt étant d’une part de pousser les chômeurs de longue durée à ne pas rester chez eux, à leur offrir une activité et, à travers elle, une vie sociale.
b) soit se voir imposer une formation dans des métiers plus modernes (informatique, nouvelles technologies, biotechnologies, services), les rendant aptes à retrouver un emploi rapidement. Il s’agit également de se procurer, dans la population au chômage, une main d’œuvre qualifiée dans les domaines de l’économie moderne. Dans toute la théorie économique, il apparaît que le système se défait des emplois dans les secteurs de l’économie ancienne lorsque les moyens techniques évoluent. Se recréent cependant des emplois dans les secteurs plus modernes. Et c’est justement dans la capacité d’un Etat à reconvertir sa main d’œuvre que se juge l’efficacité de sa politique d’emploi. Cette sécurité sociale du travail a comme objectif premier de réduire la durée de chômage, en réadaptant tout employé au marché du travail, tel qu‘il se présente au moment de la perte d’emploi et qui est souvent bien différent que ce qu’il n’était lors de l’entrée dans la vie active. Cette institution nouvelle est à relier aux propositions des chapitres II. B.C.D. et E.
2. Il est également nécessaire d’instituer une véritable cyber-police qui soit en mesure de traquer beaucoup plus efficacement la pedo-criminalité des réseaux informatiques. Cela existe déjà mais de manière informelle et non institutionnelle ; il faudra l’améliorer, et ce, en association avec nos partenaires européens (cf. IV.D.6). Cette police se verra également et progressivement dotée des moyens de traquer les créateurs de virus dévastateurs. La recherche en sécurité informatique doit ainsi être largement stimulée en France.
En général, en matière d’économie numérique, il faut que des autorités policières renforcées, modernisées, à la pointe des connaissances informatiques soient en mesure d’effectuer le travail de recherche des sites recelant des contenus interdits. Faire des fournisseurs d’accès, ou des hébergeurs, les « flics du net » reviendrait à mettre en place une procédure de censure a priori et serait contraire tant à l’esprit général d’Internet, qu’à la tradition d’ouverture de la France aux diverses formes de communication.
3. Les institutions du XXIème siècle auront pour tâche de promouvoir plus de sécurité. Sécurité du travail ou dans la santé ; sécurité du logement ; sécurité civile, par l’amélioration de l’efficacité policière pour contenir le symptôme de la délinquance, et briser les causes du mal, à savoir, les inégalités sociales et territoriales. Amélioration et multiplication des contrôles qualités par l’Agence Française de Sécurité Sanitaire (AFSS). Les associations de consommateurs verront leurs subventions augmenter, car elles sont très efficaces dans l’amélioration du respect du consommateur et permettent d’offrir au marché les meilleures conditions de concurrence.
4. Des institutions allant dans le sens de la sécurité sont avant tout des Institutions de prévention. Prévention des risques du travail, prévention des risques du logement, prévention de l’urgence en tout genre (canicule, incendies, attaque terroriste). Il s’agit de mettre sur pied un « Centres d’Analyse et de Prévention Sociale » qui serait un observatoire de prévision des risques en tout genre. Celui-ci aurait pour rôle de modéliser à l’avance une multiplicité de situations de crises, face auxquelles il proposerait à l’avance des solutions à appliquer. Cela existe dans le domaine militaire, pour préparer les scénarios de guerre. Il vaut toujours mieux, évidemment que ces scénarios ne se produisent jamais. Mais leur prise en compte permettra d’éviter ou de mieux prendre en charge des crises comme celle de la canicule meurtrière de 2003.
5. Les institutions de la sécurité impliquent également plus de moyens pour la sécurité alimentaire. Il s’agit dans ce domaine de lancer des grandes campagnes de statistiques et de recherches d’informations sur les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Et même si ceux-ci sont autorisés un jour, ce que semble, le suggérer la récente fin du moratoire européen, au grand dam d’un très grand nombre d’Européens, il faudra que le consommateur ait une information fiable à 100% sur ce qu’il va manger. Sur ce point, il faut mettre en place une Autorité spécialisée, intégrée à l’AFSSA, qui puisse à tout moment garantir la contenance exacte en pourcentage d’OGM et le pourcentage de ceux-ci dans l’alimentation du bétail. Il s’agit progressivement de généraliser, si les OGM se mettent en place d’ici demain, une information parfaite du consommateur sur ce qu’il mange, et une traçabilité absolue des aliments que les aliments ont mangés, que ce soit dans les produits frais eux-mêmes, ou dans les produits agroalimentaires. Il faut par ailleurs être vigilant et empêcher que se crée un écart de prix entre les aliments OGMiques et les produits normaux. Il ne faut pas que manger naturel devienne un luxe !
D. L’amélioration ambitieuse du rapport public/privé
1. Légitimité, lisibilité de l’action publique, les mesures de redéploiement de la bureaucratie vers le terrain que nous avons déjà proposées vont dans le sens d’une meilleure perception de l’administration par les contribuables et permettront de dégager des moyens nouveaux pour engager une action économique, sociale et écologique vigoureuse.
Mais au-delà de ces problématiques, il y a la nécessité de faire travailler ensemble les deux sphères, publique et privée, dans la finalité d’améliorer à la fois le cadre public et le marché. Il n’est pas possible que les citoyens pensent que l’espace collectif ne les concerne pas. Il faut les inciter à y réfléchir, à donner leur avis. Un exemple simple nous est donné par le Conseil du développement économique de Paris (CODEV), dirigé par Lionel Stoléru, et dont il a été proposé plus haut la généralisation à toutes les villes de plus de 50 000 habitants. Cette institution créée en 2002 par Bertrand Delanoë est une passerelle entre les attentes des citoyens, entreprises et travailleurs parisiens et la Mairie dans le but de penser des réformes au plus près du quotidien. Chaque semaine, le CODEV rencontre une très grande diversité de personnes intéressées à un sujet de la vie locale (ce peut être dans le domaine des nouvelles technologies, des taxis, du marché de l’emploi, etc…) dans le but de cerner les problèmes qui se posent afin d’améliorer les structures des secteurs étudiés, et finalement le quotidien des parisiens. Représentants publics et personnes privées se rencontrent, échangent points de vue et propositions, qui seront soumises au Maire de Paris pour qu’il décide des mesures à appliquer ou non. Les uns et les autres travaillent de concerts et prennent conscience d’une part que l’administration peut aider les citoyens et n’est pas simplement une contrainte financière, et d’autre part que les individus privés sont aussi ouverts sur la réflexion au sein de la communauté locale, et pas seulement fermés sur leurs aspirations individuelles. C’est par la synergie entre les aspirations des uns et les possibilités des autres que l’action citoyenne trouvera la voie de l’optimum. Ce n’est pas dans l’opposition usuelle et artificielle « administration improductive contre entreprises performantes » ou bien « administration citoyenne contre entreprises égoïstes » que l’on pourra penser le vivre ensemble.
2. Une autre voie de l’amélioration publique/privée, c’est celle d’une plus grande ressemblance dans les pratiques de travail.
Il est difficilement supportable, pour un cadre du privé, ou pour un employé d’une PME, qui voient si souvent leurs heures supplémentaires non payées, de constater lors de la publication annuelle de rapports sur la fonction publique de la Cour des Comptes, que nombre d’employés administratifs travaillent en moyenne 25h par semaine… Mettons les professeurs de côté dans cette problématique car leur tâche est des plus difficiles en terme d’intensité physique et morale du travail, surtout dans les lycées difficiles, et ils ont les cours à préparer et les copies à corriger. Mais pour les autres, il est clair que la majorité des contribuables ne comprennent pas comment ils peuvent financer ce qui apparaît parfois comme une véritable gabegie. Ce n’est pas avec ce genre de rapports, ce n’est pas avec 4000 euros de frais de bouche quotidien, ce n’est pas avec l’ensemble des dépenses inutiles que l’on pourra réconcilier les Français avec l’action publique…Il faut mettre fin à cette situation. Et pour cela, il faut ramener la moyenne du temps de travail dans la fonction publique à 35h par semaine et comme nous l’avons déjà dit, il faut réorienter ces emplois dans les services de terrain, et il faut limiter le faste des hauts niveaux administratifs et politiques. Utiliser des avions de lignes pour les ministres…Faire attention à l’argent des contribuables, le respecter, car il est le fruit du travail et de la sueur des femmes et des hommes.
Il faut un management public qui se rapproche de ce qui se fait dans les entreprises privées. C’est une question d’égalité. La fonction publique ne doit plus être différente de ce que sont les fonctions privées. La fonction publique doit fonctionner en équipe, selon des cercles de qualité, et en finir avec le cloisonnement bureaucratique. Les bureaucraties administratives doivent être réorganisées pour qu’elles donnent le meilleur d’elles-mêmes. Cela a commencé à se faire, mais la mise en place de ces expérimentations est lente. Les administrations publiques doivent être décloisonnées. Il faut promouvoir la diversité des compétences. L’informatique ne doit pas être l’apanage d’un service unique, constitué de trois personnes, mais dans tous les services, les agents doivent eux-même être compétent en matière informatique. Pour cela naturellement, il faut que toutes les formations universitaires, voire l’enseignement secondaire soient tous dotés d’une formation technique.
Pour améliorer globalement le fonctionnement administratif, il y a une solution. C’est que les plus hauts niveaux hiérarchiques descendent dans les bureaux d’en bas, pour voir concrètement quelles sont les possibilités d’amélioration de l’espace, des systèmes de gestion des réseaux, des modalités de fonctionnement des bureaux, et quelle est la meilleure manière de mettre en relations les savoirs et les compétences.
Aujourd’hui, cela fonctionne de manière indirecte, puisque les hauts niveaux hiérarchiques ne descendent pas, et les contrôles successifs qui soulèvent les problèmes, étant considérés comme coercitifs et dont les critiques si récurrentes, banalisées, ne posent même plus la nécessité d’agir. Des rapports plutôt que des actes…C’est un réflexe de l’administration française. Pourtant, en droit administratif, la fonction première d’un ministre c’est bien « l’organisation » de ses services. C’est dans cette fonction là que chaque ministre doit donner le meilleur de lui-même, c’est à dire en réorganisant sa bureaucratie, au plus près de la réalité d’en bas, au plus près de la « micro-organisation », au plus près du terrain.
C’est à travers toutes ces réformes difficiles que l’on réconciliera les français avec la politique, en rendant les services publics vraiment efficaces et vraiment tournés vers les besoins du Peuple.
II. Une économie prospère ne peut qu’être orientée vers le plus grand nombre
Tout d’abord, les marchés n’aiment pas l’incertitude. Ils veulent que l’on s’adresse à eux clairement, et qu’on leur ouvre des pistes d’interprétation et de prévision, dans ce monde économique en perpétuel mouvement. Il faut donner au marché un signal clair : venez investir en France, car vous disposerez d’une main d’œuvre très qualifiée, d’infrastructures collectives de qualité, d’une main d’œuvre moins chère - les chômeurs de longue durée qu’il faut remettre au travail - et de scientifiques de renom. C’est pourquoi les signaux qu’il faudra donner au marché doivent être orientés vers une incitation à créer un appel d’air d’emplois, par un choc de la demande en France (qui dispose de capacités de production inutilisées importantes), grâce à une baisse des impôts frappant le plus fortement les plus bas revenus, et une incitation des entreprises à orienter leurs profits vers l’emploi, l’investissement et la recherche. Concernant la recherche, celle-ci est l’outil primordial permettant de muer une simple relance classique de court terme en dynamique économique positive sur le long terme. Pour que les investissements soient réellement productifs, il faut qu’ils s’orientent en grande partie sur la recherche, dont le budget doit être rehaussé au niveau des premiers budgets français. L’achèvement de cet objectif passe par les moyens que nous allons développer tout au long de ce chapitre, et qui sont conditionnés par les réformes administratives décrites au chapitre précédent.
Enfin, suivant en cela la tradition de bonne gestion publique initiée par Lionel Jospin, il nous faut poser un certain nombre de règles budgétaires auxquelles nous devrions nous tenir.
A. Diagnostic
Le retournement économique drastique qu’a connu la France depuis 2002 résulte pour une part de l’éclatement (prévisible) de la bulle financière technologique qui a affecté tous les pays, mais aussi d’autre part des très mauvais, voire de l’absence de choix du ministère Raffarin. Celui-ci se recroqueville derrière la « croissance américaine » dont il faudrait attendre les retombées. La croissance est une donnée, et non un objectif. Pendant ce temps il estime pouvoir se permettre de baisser d’un tiers les crédits de recherche qui nous auraient permis d’être à la pointe du progrès et nous auraient offerts de nouveaux secteurs d’activités et d’emplois, de mettre fin à la politique d’emploi du gouvernement précédent, de mettre fin aux emplois jeunes, et de diminuer la part du budget consacrée à l’éducation, au moment où la mondialisation nous impose d’avoir une main d’œuvre beaucoup plus qualifiée, beaucoup mieux formée, mieux dotée en capital humain, pour attirer les activités et les capitaux étrangers. Tous ces signes de rigueur n’ont qu’un effet : celui de frapper d’un coup de massue le moral des ménages et des chefs d’entreprises. Conséquence : consommation et investissements en baisse, croissance zéro. Car ce n’est pas en s’amourachant avec le MEDEF que l’on améliorera le moral des entrepreneurs, mais en permettant un remplissage des carnets de commande.
Dans le même temps, ledit ministère diminue l’impôt sur le revenu, progressif, affectant donc les revenus les plus élevés, et augmente des taxes proportionnelles pesant plus fortement sur les revenus les plus faibles. Or, ce sont ces derniers qui consomment la plus forte partie de leur revenu disponible, pendant que les autres, les revenus les plus riches, ont une propension à épargner et à spéculer plus importante, qui sort du circuit de consommation, ce qui déprime, à court terme, la demande anticipée. Le résultat est immédiat et amplifie la mouvement décrit plus haut de contraction de la demande globale ; il s’agit d’une politique pro-cyclique c’est à dire qu’elle se surajoute à un environnement récessif. Les entrepreneurs n’ont aucune incitation à investir, à embaucher, les ménages ne consomment pas. Dans un tel contexte, tout gouvernement normalement constitué diminuerait de quelques point les taux directeurs de banque centrale, et le gouvernement devrait relancer l’investissement, et la demande, par une politique d’augmentation des bas revenus.
La banque centrale est indépendante, soit. Elle doit, pendant une période qui va de sept à soixante dix sept ans, crédibiliser l’euro. Comprenons qu’elle maintienne son taux directeur à un haut niveau. Mais que le gouvernement soit resté deux ans et demi sans agir est inacceptable. Qu’il n’ait pas effectué à temps les mesures d’amélioration administrative alors qu’il réduisait les recettes publiques est irresponsable. Comprimer la demande comme il le fait, par incitation à l’épargne, est à contre sens du contexte économique. Cela découle tout simplement d’une idéologie profondément libérale, qui part du principe que l’Etat ne doit pas intervenir dans l’économie.
Et il aura fallu attendre l’approche des élections régionales, européennes et cantonales pour que le gouvernement décide de promettre « une loi pour l’emploi », fondée sur une chose : la baisse de la taxe professionnelle, qui réduit les moyens des collectivités locales - puisque cette taxe était un de leurs fonds propres - au moment même où ce gouvernement se targue de « décentraliser », et qu’il ne transfert en aucun cas aux collectivités territoriales les fonds devant accompagner les transferts de compétences. Incohérence grave de la politique gouvernementale. Quant à la respiration sur le taux de profit que la baisse de la taxe professionnelle ouvre aux entreprises, il est peu probable que celle-ci soit directement orientée vers l’emploi - car aucune incitation directe autre qu’un nouveau contrat précaire, le « contrat de mission » de cinq ans n ‘est mis en place, comme les trente-cinq heures, mais ira alimenter la spéculation boursière. Elle aurait été plus utile aux investissements locaux.
En plus de cette stratégie catastrophique sur la demande globale et l’activité, le gouvernement s’avère incapable de maîtriser les dépenses publiques et laisse se développer un déficit comme la France n’en avait pas connu depuis dix ans, s’élevant à 4,2% en 2003. Ce déficit vient s’ajouter au niveau pharaonique de la dette publique française cumulée, portée à un niveau de 63% du P.I.B.
Face à ce diagnostic, il faut proposer des mesures fortes de retour de la consommation par une baisse des impôts les plus injustes permettant une augmentation drastique du pouvoir d’achat des revenus les plus faibles, permettant elle-même un retour rapide de l’activité, de la confiance des entrepreneurs, de l’investissement et de l’emploi.
La raison pour laquelle le retour de l’emploi est prioritaire – ce n’est pas si évident - c’est que nous vivons dans une société du travail. Le travail est et reste un élément que la société regarde comme indispensable à l’existence et au bien-être sur terre, à savoir, la satisfaction des besoins primaires et secondaires. C’est par le travail que l’individu s’épanouit intellectuellement, économiquement, socialement. C’est par l’activité qu’il trouve le sens de son existence sur terre.
Le socialisme doit briser cette image de laxisme et d’angélisme ; il doit énergiquement offrir par l’emploi et la promotion sociale un espoir de sortie du tunnel pour des millions de chômeurs. Prenons l’exemple des trente-cinq heures. Celles-ci sont volontairement décrites par la droite comme une forme de désengagement au travail. Or, les trente-cinq heures, c’est avant tout une ouverture vers la possibilité d’engager, dans le temps libre dégagé des activités citoyennes, intellectuelles, sportives, associatives, qui sont aussi un travail. Ce simple manuscrit, à titre d’illustration n’a été possible que grâce aux trente-cinq heures. Celles-ci permettent également aux parents de vraiment prendre le temps de travailler à l’éducation de leurs enfants. Quand on appelle à la responsabilité des parents dans l’éducation des enfants, on doit leur donner les moyens, le temps de les élever. D’autre part, loin d’avoir réduit la durée totale de travail de l’ensemble des travailleurs français, le partage du travail a permis un accroissement de quatre milliards d’heures travaillées annuelles, la France passant ainsi de 28 milliard d’heures travaillées à 32 milliards. C’est là l’une des causes du niveau de croissance plus élevé en France que dans les autres pays européens, dans la période 1998-2000.
Donc, les trente cinq heures, c’est au contraire une revalorisation du travail puisque c’est une création très importante d’emploi, et une ouverture d’une diversification des travaux, chez les individus.
Sur ce point, chaque individu doit être conscient qu’avec la réforme court-termiste des retraites mise en place par la droite conservatrice de l’UMP en 2003, il aura à finir ses quarante annuités, et donc toute période de chômage constitue une perte de pouvoir d’achat futur. C’est à dire que cette réforme nous impose une action déterminée contre le chômage ; il ne faudra pas avoir peur d’être coercitif. Le chômage, c’est autant une perte de produit par rapport aux autres Nations qu’un coût social important pesant sur les salaires des travailleurs. C’est enfin, pour ces mêmes travailleurs, une perte d’influence sur le capital et les salaires puisqu’en période de chômage, la pression managériale se fait plus dûre. Avec le chômage se développe ainsi la précarité, celle des travailleurs pauvres, souvent jeunes ou cinquantenaires. Les « quinquas » comme il est courant de les dénommer dans le jargon, les travailleurs précaires voient leurs moyens d’action sur les salaires anéantis, du fait de leur atomisation et de l’affaiblissement sans précédent qu’a connu, en France plus que dans tout autre pays européen, la représentativité syndicale, qui s’enferme de ce fait dans une logique de blocage, eu égard au respect des usagers. Les syndicats sont un instrument essentiel de la vie démocratique, mais force est de constater qu’en France, l’action syndicale est souvent plus violente, plus teintée d’idéologie qu’ailleurs, et par conséquent moins efficace dans la défense des droits des salariés. La CFDT, sous l’égide de Nicole Notat et de François Chéreque a pris le tournant de la rationalité et de l’efficacité. Espérons que la CGT et FO suivront, dans la voie du dialogue traditionnel qui s’est construit depuis les racines du XXème siècle entre l’Etat et le syndicalisme. Le syndicalisme doit par exemple beaucoup mieux prendre sa responsabilité en matière de formation professionnelle et de formation continue. En Allemagne, en Autriche, les syndicats sont les premiers promoteurs et gestionnaires des centres de formation.
La stratégie proposée ici commence par une diminution d’impôts destinée à tirer l’activité à court terme, puis à des mesures volontaristes incitant les entreprises à orienter leurs surplus dégagés par la relance, vers la création d’emplois et d’investissements, si possible d’investissements en nouvelles technologies, en innovations. Cette politique sera accompagnée de mesures d’incitation à la création d’entreprises, de mesures d’attractivité économique et de mesures réduisant la précarité du travail. Les expériences historiques ont montré que le keynésianisme pour le keynésianisme, (telles que les relances Chirac en 1975 ou Mauroy en 1981) ne fonctionnait pas car il s'accompagnait à moyen terme d'une augmentation du niveau général des prix et d’une dépréciation de la monnaie. Mais le keynésianisme, corrélé à une création d'activités nouvelles, à des organisations économiques modernisées, à des produits nouveaux, c’est tout à fait autre chose. La stratégie consisterait ainsi à stimuler la demande d’une part, non par le déficit public ou la dépréciation monétaire, mais par des baisses d'impôts sur les catégories à forte propension marginale à consommer, puis à soutenir l'investissement et la Recherche & Développement (R&D). C'est en effet avant tout dans sa capacité à convertir l’accélérateur économique qu'est la relance à court terme en investissements et en emplois que les décideurs peuvent encore donner du sens au keynésianisme. Si l'on incite et subventionne les investissements d'une part, et la demande d’autre part (par la baisses des impôts les plus injustes), on limite les effets pervers des relances par la demande qui créent un phénomène d'éviction de l'investissement. C’est bien l’objectif de la stratégie proposée ici.
Pour cela, les décideurs doivent agir simultanément sur le front de la maîtrise des dépenses publiques (cf. redéploiement du chapitre I) qui lui permettront une définition de priorités budgétaires à forte valeur ajoutée économique (éducation, santé, recherche, emploi, investissement, nouvelles technologies écologiques).
B. Une relance de la consommation par la baisse des impôts les moins justes
Cette stratégie de retour à la croissance par la relance et par une vraie politique de « choc de la demande » doit commencer par une diminution d’impôt. Et pour ce faire, il nous faut tout d’abord poser la problématique qui doit guider cette stratégie de diminution d’impôts.
Selon quels objectifs les baisses d'impôts doivent-elles être réalisées ?
Si c'est un cadeau aux catégories sociales supérieures, pour dissuader la fuite de capitaux supposée, on réduit les impôts progressifs, à savoir l'Impôt sur le Revenu des Personnes Physiques (IRPP) et l'Impôt Sur la Fortune (ISF), ce que fait le gouvernement actuel pour s'attribuer les voix du MEDEF (cf. supra).
Les conséquences de cette politique sont simples : plus d'argent va dans le circuit d'épargne, ce qu’encourage notamment un taux directeur de la Banque Centrale Européenne (BCE) élevé et la consommation se réduit structurellement.
1. Si l'objectif est de relancer la consommation et de réduire les inégalités face à l'impôt, la réduction d'impôt se fera sur la TVA, la taxe foncière, la taxe d'habitation et la CSG, un impôt proportionnel que le gouvernement actuel veut augmenter pour financer le déficit de la sécurité sociale, et qu’il est proposé de supprimer dans le Chapitre II°D… Cette respiration de revenu disponible dégagée à court terme sur les revenus bruts à forte propension marginale à consommer permet un surplus de consommation (réduit par un accroissement des importations) provoquant à court terme une amélioration des anticipations, une relance de l'activité et de l'emploi. Dans la mesure où les impôts sont la principale variable d’ajustement économique, vu les rigidités européennes, la relance par la demande commencerait par des baisses d’impôts, mais des impôts les moins justes.
L'autre problématique de la question des baisses d'impôts, c'est : comment peut-on améliorer la gestion des services publics pour que ceux-ci puissent utiliser au mieux les ressources ?
2. Tout d’abord, il faut proposer des orientations budgétaires pertinentes en terme de priorités (ex : augmenter les moyens de l'armée apparaît inadapté à une politique diplomatique promouvant la Paix -- pour les socialistes les priorités seraient l'éducation, les services publics hospitaliers, la police, la recherche, la justice et l'écologie).
Par la suite, il faut proposer des stratégies de réformes de l'Etat et c’est tout le sens de nos propositions du chapitre I.
3. Contrairement à l’action du gouvernement Raffarin, qui diminue l’impôt sur le revenu, payé par les catégories les plus aisées, c’est à dire celles qui épargnent le plus, cette baisse d’impôts doit s’orienter vers les revenus les plus modestes, car ce sont eux qui, par leur plus forte propension marginale à consommer tirent la croissance de court terme. Toute baisse d’impôt doit commencer par cibler les impôts et taxes proportionnelles, les plus injustes car les gains de pouvoir d’achat tirés de cette baisse iront directement en consommation, et non en épargne et tireront l’activité et l’emploi.
4. Cette diminution d’impôts injustes, à savoir la taxe d’habitation et la TVA doit s’accompagner d’une hausse drastique et immédiate du SMIC entre 5 et 10 %. On atteindra alors « l’optimum de relance ». Les employeurs doivent être conscients de leur responsabilité importante dans le redémarrage économique ; à moyen terme il en seront les premiers bénéficiaires. Ils devront alors assumer leurs responsabilités en terme de répartition des richesses créées.
Il existe non un contre-argument mais une limite à cette stratégie : le multiplicateur de baisses d'impôts possède un effet moins important sur l’économie que le multiplicateur monétaire ou de dépenses publiques. Mais par un bon redéploiement accéléré de la bureaucratie vers les services publics de terrains, et par la maîtrise des dépenses publiques, on peut encore dégager des moyens nouveaux. L’association de telles mesures réduira la charge de l’Etat sur les épaules des plus défavorisés, et, si elle s’accompagne de la réforme administrative sus-mentionnée au chapitre I, elle n’engagera pas l’Etat sur la voie d’un nouveau déficit public.
C. Une stratégie d’incitation à la création d’emplois et d’investissements
1. Cela doit se faire dans la cohérence et il n’est rien de plus fâcheux dans ce domaine que de donner des signaux contradictoires. Il faut polariser par des messages simples et forts l’attention des acteurs économiques en leurs donnant de bonnes perspectives de croissance. Les baisses d’impôts orientées vers une augmentation de la consommation ne peuvent que constituer des signaux positifs donnés aux marchés puisque, à court terme, elles doperont l’activité et apprécieront la qualité des anticipations, ce qui se matérialisera très rapidement par une reconstitution des stocks et un remplissage des carnets de commandes.
Il est ainsi nécessaire, que le gouvernement lance des signaux positifs aux marchés économiques et financiers, et maîtrise par-là même le processus de formation des anticipations pour qu’il les engage dans un sens favorable. C’est évidemment une action d’une extrême difficulté et réservée à de rares individus dotés d’une aura que seule la compétence et l’expérience peuvent procurer.
2. La deuxième mesure dans ce domaine consiste à résolument tourner les entrepreneurs vers l’investissement. Cela peut se faire d’abord par une augmentation forte et immédiate de subventions à la recherche vers un panel d’entreprises françaises tournées vers les nouvelles technologies et les biotechnologies. Cela passe par des déductions d’impôts sur les dépenses d’investissements.
L’investissement crée d’une part des emplois à court terme car il constitue une demande immédiate de biens de production, et à long-terme, d’autre part, puisqu’il développe les domaines d’activité de demain et place notre pays en tête de l’avancement scientifique. La Recherche & Développement doit-être une priorité nationale dans laquelle les entreprises doivent jouer un rôle prioritaire. C’est dans leur capacité à se traduire en nouvelles découvertes, en innovations, en nouveautés que les investissements se révèlent rentables et viendront accroître les taux de profits. C’est pourquoi toute politique d’incitation à l’investissement par des subventions et des aides nationales et locales aux entreprises doit s’accompagner d’une orientation vers la recherche. Il faut que la France consacre 5 % de son budget nationale à la recherche civile et militaire. C’est la priorité, avec l’emploi, en matière de politique économique.
3. Cette politique de relance de la demande à court terme doit orienter les bénéfices qu’elle engendre vers la création d’emplois.
Celle-ci sera stimulée par la croissance et rétroagira positivement sur l’activité puisque chaque nouveau travailleur est un consommateur et accroît sa consommation plus que proportionnellement à l’augmentation de son revenu, du fait de la loi psychologique keynésienne fondamentale stipulant que la propension marginale à consommer (part accordée à la consommation pour un euro supplémentaire de revenu) augmente plus que proportionnellement à une augmentation du revenu, jusqu’à un certain seuil, où c’est la propension à épargner (part d’un euro supplémentaire de revenu accordé à l’épargne) qui l’emporte.
On crée de ce fait un cercle vertueux : relance de la demande et de l’activité par les baisses d’impôts à court terme, hausse des profits, orientée vers l’emploi grâce à une politique « d’enrichissement de la croissance en emplois », eux-même venant accroître la demande et les anticipations. Il faudra ainsi provoquer un « choc » de création d’emplois à court terme pour accompagner le mouvement d’accroissement de la demande globale ; ceci confirmera les bonnes perspectives des entrepreneurs, toujours et encore pour favoriser l’investissement et l’emploi en alimentant ce cercle vertueux d’attentes positives et d’activité soutenue.
Pour cela, il faudra, entre autre, remettre en place les emplois de proximité, renommés début 2004 « emplois tremplins » par le Parti Socialiste. La droite a supprimé les emplois-jeunes et il faudra réembaucher, par ce biais, les postes qui se seront révélés les plus utiles, et en créer de nouveaux, pour des besoins sociaux apparus depuis 2001, tels que l’aide au troisième âge, au handicap ou des activités d’intérêt écologique. Deux-cent mille emplois peuvent être créés de la sorte à court terme. Il faut évidemment maintenir, et améliorer le principe des contrats initiative emploi, orientés vers le privé. Ce qui importe, c’est de faciliter le passage du monde scolaire ou universitaire au monde professionnel, de quelque manière que ce soit et les bonnes idées nouvelles sont toujours les bienvenues.
4. Il faut également offrir des ouvertures ciblées à l’emploi pour les jeunes sans formation, pour les jeunes des quartiers, qui sont les premiers exclus du marché du travail. Tout cela peut se créer à partir des structures d’accompagnement à la recherche d’emploi qui existent déjà (ANPE, CFJ, Maisons de l’Emploi, etc…). Une action spécifique dans ce domaine devra être menée, en consultation avec tous les acteurs de terrain.
5. Il faudra d’autre part attirer massivement sur le marché du travail les chômeurs en fin de droits par une augmentation modulée de la prime pour l’emploi en fonction de la durée du chômage précédant l’embauche. La prime ouverte pour un chômeur de longue durée sera ainsi plus élevée que pour un chômeur frictionnel (depuis peu). Dans le même ordre d’idée, il faut réduire les charges sur les embauches de chômeurs de longue durée, ou de RMIstes.
Pour ces derniers, il est particulièrement nécessaire de supprimer tout blocage administratif. N’apparaît-il pas incroyable en effet que pour embaucher un RMIste il faille attendre un mois pour qu’un « formulaire de retour à l’emploi et de formation professionnelle » soit signé - ce qui entraîne bien souvent une embauche non déclarée, situation absurde, dans la mesure où l’embaucheur bénéficierait d’une déduction d’impôts et l’embauché accroîtrait ses points de cotisation pour la retraite.
6. Par la suite, il est nécessaire de doubler cette action par une politique structurelle d’amélioration de l’information et de l’orientation sur le marché du travail. Pour cela, nous devons nous inspirer de ce qui se fait dans les autres pays, et notamment en Grande-Bretagne.
Ici, le chômage est à 3,9% ! Ils ont pour leur part considérablement amélioré le système de recherche d’emploi et ont conditionné l’allocation des ressources d’assistance à l’acceptation d’un emploi lorsqu’il se présente et correspond aux qualifications, sans réduire les indemnités. Chaque chômeur dispose d’un conseiller en recherche d’emploi qui lui soumet quelques annonces compatibles avec sa formation. Ils apportent des services que seuls les entreprises de recherche d’emplois ouvrent en France. C’est pourquoi il faut un grand plan de réforme de l’ANPE, que celle-ci soit plus proche du chômeur, aille à sa rencontre, et soit par conséquent plus efficace. De même les Britanniques ont fait un véritable effort pour fournir une formation lorsque cela était nécessaire.
7. Il faudra par ailleurs mettre en place de vrais centres de re-formation gravitant autour de l’ANPE, dans lesquels des chômeurs pourraient recevoir une formation dans tous les domaines économiques modernes, notamment ceux sur lesquels on connaît des pénuries d’offre de travail : informatique, hôtellerie, coiffure, manœuvre technique, technicien informatique, en télécommunications, vendeur… Ils pourraient même monter leur propre activité (avec par exemple des formations de comptabilité ou de gestion), et si elle fonctionne, créer des emplois. Finalement, le socialisme c’est en partie cela : pouvoir passer de chômeur à entrepreneur parce que la société vous en donne les moyens, et participer ensuite à l’effort national. Kennedy disait avec raison « ne demandez pas ce que l’Etat peut faire pour vous, mais demandez-vous ce que vous pouvez faire pour l’Etat ». Cette réflexion est cependant insuffisante car l’individu, fondamentalement libre, n’est jamais « naturellement » incité à fonder ses actions sur des raisonnements d’ordre collectif. Kennedy aurait dû, pour toucher la complétude de son idée, se demander comment justement l’Etat peut favoriser le fait que les individus agissent pour le bien collectif de manière responsable, comment il peut les inciter à cette attitude civique. Quoi que l’on puisse dire, en accroissant les moyens coercitifs sur la route on incite bien le conducteur à se responsabiliser. L’Etat doit ainsi donner au chômeur, les moyens non de son assistance, mais l’incitation à sa propre responsabilité.
8. Une autre voie, plus structurelle, de retour à la prospérité économique, c’est l’incitation à l’encouragement de l’initiative individuelle. Il devient intolérable que nombre de jeunes partent investir à Londres plutôt qu’à Paris étant donné le temps d’attente et la complexité de la procédure de création d’entreprise en France. Il faut dans ce domaine faciliter les démarches administratives de création d’entreprises. La procédure d’enregistrement du récépissé d’entreprise et du Kbis doit être simplifiée. Pour cela, il faut tout d’abord ouvrir aux chômeurs et aux jeunes, deux forces importantes de travail, des voies simplifiées de création d’entreprises, une sorte de « moi S.A ». à l’allemande, pour leur permettre d’offrir toute sorte de services à travers une structure juridique simple. L’entreprise de l’avenir est une petite structure polymorphe, capable d’offrir une multiplicité de services, à l’image de ce que peut offrir le multimédia informatique. Le développement d’Internet va d’ici les quinze ans à venir bouleverser les modes habituels de travail bureaucratique. Début 2004, on a pu observer un accroissement de 50 % du commerce en ligne. Le déclic informationnel se fait progressivement en France. L’accessibilité instantanée de l’information va permettre - ne le permet-elle pas déjà ? - une « déterritorialisation » du travail. Naturellement, ces « moi S.A » ne seront pas uniquement tournées vers les nouvelles technologies, mais seraient une sorte d’entreprise unipersonnelle d’offre de travail…Travail à domicile (ou télétravail), conseil, intermédiation, professorat à domicile.
9. L’Etat devra par ailleurs mettre au point un emprunt à 0% sur la première année de vie de cette entreprise pour les jeunes ou les chômeurs ayant reçu une formation reconnue de gestion.
10. Des fonds de garantie peuvent être financés pour partie par les collectivités publiques. C’est une façon de réduire les risques liés à l’investissement, tout en incitant l’entrepreneur à bien peser lui-même le risque à l’avance puisque ce fond de garantie implique un contrôle a posteriori de l’autorité qui la délivre. Elle constitue un pré-contrôle par les collectivités publiques sur le dossier qui servira ensuite pour les demandes de prêts aux banques ou aux institutions financiaires.
11. Il faudra exonérer les autres entreprises naissantes pendant une période d’un an d’une partie des impôts sur les sociétés, contrairement à la loi Dutreil, qui propose des déductions d’impôt sur le revenu, ce qui revient à créer une inégalité, un privilège sur l’impôt. Il vaudrait mieux réduire un impôt sur les consommateurs, puisque tout impôt sur les sociétés se répercute sur les prix.
12. Pour démocratiser les structures de l’entreprises et donner aux employés une plus grande possibilité d’expression, il faut réduire à quarante le nombre minimal d’employés pour obliger la mise en place d’un Comité social d’entreprise.
13. En retour, il faut faciliter l’ouverture de certains horaires de travail nocturne, toujours avec l’accord contractuel express de l’employé, et sous le regard du préfet. La France est l’un des pays où il y a le moins d’activités nocturnes en Europe et dans le monde, du fait d’une autorisation de travail nocturne, certes nécessaire, mais délivrée avec une telle parcimonie qu’elle interdit à la plupart des commerçants de travailler aux heures désirées. Cela comprime fortement la demande et ralentit la croissance économique des grandes villes. Il est ainsi nécessaire de permettre à ceux qui le veulent, de travailler le dimanche ou le soir, voir la nuit. Les grandes villes françaises sont les seules du monde sans commerce la nuit ; comme le clamèrent en vain les Mano Negra, « Paris la nuit c’est fini ! ». Les syndicats s’opposent à toute évolution dans ce sens. Pourtant, ce qu’il faut proposer, c’est un volontariat économique. Il y a des gens qui sont prêt à travailler le dimanche ! Jour de prière pour certains, jour d’ennui pour les autres ! Pourquoi les en empêcher, par la mise en place d’autorisations préfectorales restrictives ? Il n’est pas acceptable que la nuit soit réservée aux boites de nuits et aux activités douteuses ! Rien qu’en ouvrant la nuit et le dimanche, on accroît l’activité et l’emploi.
Par contre, il ne faut le permettre, que si cela est stipulé dès le contrat d’embauche, et si celui-ci ne peut être modifié qu’avec l’accord express du salarié. Le but est de permettre à ceux qui le veulent de travailler la nuit ou le dimanche, mais d’empêcher au patron de l’imposer à un salarié qui n’avait pas préalablement donné son accord.
D. Une stratégie de baisses de charges ciblées permettant à la fois une baisse du coût du travail, une réduction de la précarité, et qui permet de financer le déficit de la sécurité sociale
1. Un autre terrain d’action pour inciter l’emploi c’est celle de la « fiscalisation progressive des cotisations maladies et de la CSG ». Derrière ce nom barbare et technocratique se cache le moyen de combler le déficit de la sécurité sociale, tout en créant des emplois.
La Sécurité Sociale est actuellement financée par deux sources fiscales : les cotisations maladie, prélevées sur les salaires et accroissant le coût du travail, et la Contribution Sociale Généralisée, impôt proportionnel qui n’a cessé d’augmenter depuis sa mise en place par Michel Rocard. Plusieurs problèmes se posent face aux modalités actuelles de financement :
a) Tout d’abord les recettes sont insuffisantes pour financer l’assurance maladie.
b) Ensuite les cotisations maladies sont de plus en plus difficiles à supporter sur le coût du travail français, élevé, et qui doit se réduire pour être plus compétitif.
c) Enfin, il apparaît inadapté de faire payer de manière proportionnelle les biens médicaux, dont la demande augmente avec le niveau de revenu ; les plus hauts revenus consomment plus de médicaments.
Le gouvernement actuel, qui a gonflé le déficit de la sécurité sociale au niveau sans précédent de quatorze milliards d’euros (le seul excédent de l’assurance maladie a été constaté en 2001), a décidé de réformer son régime actuel de financement, dans un sens restrictif. Son action se focalise sur les dépenses, et sur la responsabilisation restrictive des usagers. C’est une action nécessaire, mais incomplète, et, comme toujours avec ce gouvernement, culpabilisatrice. La proposition ci-dessous s’attache pour sa part à agir sur les recettes dont le prélèvement doit se faire de manière intelligente, si possible en agissant de manière positive sur différentes variables, comme l’emploi, ou l’équité face à l’impôt.
Il s’agit de créer un impôt progressif sur la santé en remplacement de la partie salariale des cotisations maladie et de la CSG, impôt injuste puisque touchant proportionnellement plus les faibles revenus. Ce nouvel impôt affecterait de manière plus prononcée les revenus les plus élevés, puisque l’on sait que les biens médicaux sont des biens « supérieurs », et que leur demande s’accroît avec le niveau de revenu. La progressivité de l’impôt permettra ainsi de mieux corréler la structure d’offre de biens médicaux avec sa structure de demande véritable. Il permettra également de dégager des recettes nouvelles pour financer ce déficit de la Sécu.
Et il apparaîtrait normal, dans ce domaine, pour réduire le déficit de la sécurité sociale, qu’il faille fusionner la partie salariale des cotisations de santé et la CSG dans un impôt progressif unique. Cet impôt progressif remplacerait largement la part salariale des cotisations de santé et permettrait à l’Etat de dégager des financements supplémentaires pour la Sécurité Sociale.
La « fiscalisation progressive des cotisations sociales et de la CSG » permet donc un allègement du coût du travail propice au retour à l’emploi. L’une des critiques, légitime, émise par Jean Pisani-Ferry dans son rapport Plein Emploi, et souvent formulée par les syndicats sur les baisses de charges, c’est qu’il n’y aurait aucune étude démontrant exactement l’incidence de celles-ci sur l’emploi.
A vrai dire, ce qui compte, ce n’est pas tant l’effet mathématique que l’effet psychologique sur les entrepreneurs et les investisseurs étrangers, provoqué par le signal positif au marché. L’attrait d’une aubaine sur le coût du travail en France, une main d’œuvre parfaitement formée, productive et efficace, mais aussi citoyenne, et consciente des droits qu’elle est en mesure d’espérer de son entreprise, et des devoirs qu’elle doit rendre à celle-ci et à la collectivité, cette aubaine donc, se traduira par un afflux de capitaux qui, d’eux-mêmes permettront un retour de la croissance et de l’emploi. Il s’agit donc d’apprécier l’attractivité française par une baisse du coût du travail significatif, tout en apportant des recettes nouvelles aux caisses d’allocation maladie. Cette stratégie subtile, orientée vers l’emploi et la réduction dans l’équité du déficit de l’assurance maladie, et qui permet d’éviter un déremboursement massif de médicaments est, étonnamment, restée hors du débat public.
L’intérêt de la « fiscalisation progressive des cotisations sociales et de la CSG » est donc double : d’une part elle permet de financer le déficit de la sécurité sociale ; d’autre part, elle permet de diminuer le coût du travail et d’offrir un signal fort aux entreprises françaises, naissantes et étrangères, à savoir qu’il est temps d’investir sur l’emploi en France. Nous associons ainsi l’efficacité de l’impôt sur le revenu au renflouement du « trou de la Sécu », grâce à un impôt progressif venant remplacer les cotisations maladies, et nous créons des emplois en réduisant le coût du travail.
2. Ne réduisons donc pas l’effet mathématique d’une politique de baisses de charges bien menée. Si l’on cumule :
a) la baisse liée à la fiscalisation des cotisations maladies,
b) la modulation de baisses de charges en fonction de la durée du contrat (cf. proposition II. C. 4.),
c) la modulation de baisses de charges en fonction de la période de chômage qui a précédée l’embauche (proposition II. D. 3.),
Cela crée temporairement une forte baisse de charges sur une partie des nouvelles embauches et dope l’enrichissement de la croissance en emplois.
Les nouvelles activités facilitées et attirées par cette main d’œuvre, pour, par exemple, ouvrir l’usine d’une entreprise étrangère, s’orienteraient ainsi dans un premier temps sur les chômeurs de longue durée.
3. Puisque les baisses de charges sont l’instrument principal de négociation avec le patronat, il serait intéressant de penser à récompenser, par ce biais, les entreprises qui créent le plus d’emploi, en permettant une exonération exceptionnelle de charge d’un pourcentage à déterminer, pour les entreprises qui créeront un certain seuil d’emplois annuels.
4. Il est possible également, pour ne pas pénaliser les entreprises en difficultés, d’indexer le niveau des charges non plus forcément à la masse salariale, mais à la valeur ajoutée, ce qui implique que les charges ne soient plus entièrement liées au niveau d’emploi dans chaque entreprise, et donc que l’employeur est incité à embaucher, puisque ces nouveaux emplois n’alourdiront pas leur charges.
5. La quantité d’emplois créée ne doit pas se faire au détriment de la qualité. On a ainsi fait le reproche à la politique d’emploi de Lionel Jospin qu‘elle s’était en partie fondée sur la création d’emplois précaires. Ces critiques sont légitimes. Une réflexion concernant la condition salariale est, en effet, fondamentale.
Pour diminuer le niveau de précarité, il faut mettre en place une modulation des charges en fonction du niveau de précarité du contrat de travail, c’est à dire en fonction de la durée du contrat. Plus l’emploi est stable, plus les charges diminueront avec le temps. Concrètement, tous les six mois, le niveau de charges salariales et patronales diminueraient d’un taux proportionnel à un barème de modulation relatif à la durée du chômage. L’employeur est par-là même incité à garder ses employés le plus longtemps possible pour bénéficier de ces réductions de charges et donc à leur offrir une plus grande sécurité d’emploi.
L’idéal induit par une telle politique, c’est que le chômeur de 55-60 ans, en fin de droits depuis 3 ans, grâce aux mesures de relance, grâce aux incitations par les charges modulées en fonction de sa durée de chômage, est embauché par une entreprise française nouvelle, ou étrangère, et dispose d’un contrat de longue durée ou d’un CDI, pour pouvoir financer ses quarante annuités qu’il ne pourrait pas remplir autrement, depuis la réforme des retraites de 2003.
6. Enfin, pour prendre exemple sur la réussite économique irlandaise des années 90 (4 à 6 % de croissance annuelle), il faut créer un « choc d’attractivité » des activités et des capitaux extérieurs en réduisant pendant un an, les charges sur toute nouvelle création d’emploi par une entreprise étrangère sur tout le territoire français. Cela dopera les effets induits lors de la relance des créations emplois qui viendront accroître la demande globale et donc la croissance à court terme.
Naturellement, pour cela il faut que la France sache donner le meilleur de sa main d’œuvre, l’une des plus productives et des mieux formées du monde ; cela demande naturellement des investissements important en matières d’éducation et de formation. Sur ce point, cf. Chapitre III°A.B.
7 Toutes ces mesures permettent donc de relancer la consommation par l’emploi, de redonner le moral aux ménages et aux entrepreneurs, de faire marcher la stratégie du « multiplicateur-accélérateur », de relancer un cercle vertueux économique à partir d’une action drastique à court terme et d’une autre, plus structurelle.
E. Une stratégie de retour à l’emploi des plus de cinquante ans
La raison pour laquelle il faut, par tous les moyens, attirer massivement les chômeurs de 55/60 ans, c’est que la récente réforme des retraites – encore elle -- oblige une durée plus longue du temps de travail pour obtenir ses quarante annuités et qu’une cohorte de français risque de se voir tout simplement privée de ses droits, du fait des décotes qui interviennent lorsque le « seuil » des quarante annuités n’est pas atteint. Et l’un des défis du retour à l’emploi des 55-60 ans c’est que ceux-ci refusent en majorité de prendre un poste ou de recommencer une carrière, et que les patrons ont tendance à ne pas les embaucher, ce qui est proprement scandaleux.
C’est à dire que le chômage relatif à cette classe d’age touche au domaine des mentalités. Et pourtant ! A une époque où les individus vivent 80 ans en moyenne, il est permis d’envisager que nous puissions exercer plusieurs types d’emplois dans une même vie. C’est évidemment pour cette raison que la formation tout au long de la vie, ou la « sécurité sociale du travail » sont des enjeux centraux de ce début de siècle. Orienter un chômeur de 55 ans vers une formation moderne et opérationnelle, c’est-à-dire tournée vers le retour à l’emploi, est un axe prioritaire d’une politique des quinquagénaires, qui sont souvent exclus à cause de leur manque d’adaptation aux demandes nouvelles du marché du travail.
1. Il faudra ainsi inciter avec fermeté le chômeur de plus de 50 ans à retrouver un emploi, d’abord grâce à une formation adaptée, et grâce à l’amélioration du système de recherche d’emploi. Si le niveau des aides était maintenu identique, les obstacles administratifs seraient multipliés pour que le chômeur préfère rechercher un emploi plutôt que de se focaliser sur des démarches administratives d’obtention des aides.
2. Il faudra par ailleurs multiplier dans toute la France des initiatives locales de retour à l’emploi des plus de 55 ans. Il faudra aller les chercher dans leur commune, dans leur ville, faire organiser par les Mairies des rencontres pour l’emploi des « quinquas » car, il faut le dire, les offres d’emplois ne manquent pas. Il est avéré que nombre de petits commerces connaissent une pénurie de main d’œuvre, comme les boulangers, les bouchers, les coiffeurs. On manque aussi d’informaticiens, de chercheurs, de techniciens… Et c’est au niveau local que l’on est le mieux capable de faire correspondre l’offre et la demande de travail.
3. Plutôt que de les reléguer à l’inactivité du chômage, il faudrait d’une part leur donner une formation de « remise à niveau technologique », et notamment informatique.
4. De même, il apparaît intéressant que les plus de 55 ans puissent offrir aux jeunes leur expérience et les guident pendant une période transitoire d’adaptation. Il faut ainsi donner plus de fonctions d’ordre théorique et d’apprentissage à ces personnes dotées de l’expérience de toute une vie professionnelle. Après une remise à niveau théorique dans leur domaine, les quinquas seraient mieux à même de guider eux-même des jeunes, en formations techniques, voire en universités. Cela existe déjà dans certains domaines (médecine et sciences administrative), pourquoi ne pas le généraliser à toutes les activités commerciales ?
Toutes ces mesures mises bout à bout sont de nature à faire revenir l’emploi, à soutenir l’activité et à pérenniser la confiance des ménages, dans les entreprises, mais aussi dans les calculs des analystes et des investisseurs.
F. Une impulsion sans précédent dans le domaine de la recherche scientifique, moteur de l’économie d’aujourd’hui et de demain
1. Le ministère de la recherche doit se voir attribué l’un des cinq premiers budgets français. La recherche, c’est ce qui apporte la nouveauté, moteur premier de l’économie. Il s’agit d’une révolution budgétaire.
Des projets doivent être lancés dans les domaines de l’informatique, des énergies nouvelles des biotechnologies, des nanotechnologies, du spatial. Ce sont ces domaines qui nous donneront une position primordiale dans le système économique mondial de demain. Pour cela, il ne faut pas seulement investir dans les universités scientifiques mais aussi pourvoir les nouveaux diplômés en postes bien rémunérés et au statut social amélioré. A l’heure où les Etats-Unis veulent retourner sur la Lune, sur Mars, nouvel enjeu stratégique du XXIème siècle, certains chercheurs français menacent de démissionner et de s’exiler aux USA…Le 9 Mars 2004, ils ont mit, en bloc, leur menace à exécution. Que faire, à part tenter de leur proposer de rester et de participer à cette révolution. Le mouvement des chercheurs n’est pas un mouvement catégoriel. Il est au centre du rayonnement de la France, de sa puissance, de sa capacité d’influence, en cette époque où la science est plus que jamais liée à la puissance.
2. Pour inciter plus d’étudiants à se tourner vers les sciences, il faut rémunérer les étudiants des grandes écoles d’ingénieurs. Pourquoi payer les « élites » administratives de l’ENA, de Normale Sup, et pas également les élites scientifiques de centrale ou des Mines et autres Grande Ecoles d’ingénieurs. Cette première mesure peut favoriser en amont l’orientation des collégiens et lycéens vers des filières scientifiques attractives.
3. Il est par ailleurs nécessaire de mieux promouvoir les lycées techniques et scientifiques, qui donneront à la France une main d’œuvre de recherche abondante venant compenser les départs à l’étranger.
4. Le chercheur doit, au XXIème siècle, devenir une profession beaucoup plus valorisée qu’elle ne l’est, en tout cas dans l’esprit des bacheliers. Il n’est plus possible de continuer à laisser fuir les cerveaux des jeunes chercheurs français post-doctorants vers les salaires aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne, pendant leurs années les plus productives, celles où ils doivent faire leurs preuves… Pour éviter ces départs, il faut augmenter les moyens et le salaire de ces jeunes chercheurs.
5. Une autre orientation de cette politique d’incitation à la science et à l’attractivité des ressources cognitives mondiales consiste en l’accroissement drastique des subventions publiques à la recherche privée, dans les domaines porteurs des nouvelles technologies : génie génétique, technologies spatiales, nanotechnologies, technologie de la communication. Ceci sera permis par le budget de la recherche fortement renforcé puisqu’il deviendra l’un des cinq premiers français et devra dépasser l’objectif de 3% du PIB en 2010 formulé par la Commission européenne.
6. Pour attirer les entreprises du monde entier, il faut lancer un programme de construction de laboratoires en France. Des bâtiments disposant des facilités les plus modernes pour la recherche sont un atout dans l’attractivité des activités à forte valeur ajoutée de recherche.
L’action économique proposée dans ce chapitre consiste donc en une relance de la demande provoquée par des baisses d’impôts, accompagnée d’une politique d’emploi conjoncturelle (emplois aidées, modulation des charges) et structurelle (fusion des cotisations maladie et de la CSG en un impôt progressif unique, politique de retour à l’emploi des plus de 50 ans, réforme de l’ANPE).
Pour éviter l’effet d’éviction de l’épargne, cette politique devra parallèlement favoriser l’investissement, grâce à des subventions à la recherche et un encouragement fort à la création d’entreprises. L’impulsion vers la recherche, quant à elle, outre d’être la condition sine qua non de l’efficacité de ces investissements et de la prospérité de la France au XXIème siècle, doit constituer le noyau même de toute la politique d’entrée de la France dans le millénaire de la connaissance.
Il s’agit donc, pour conclure, d’une politique de stimulation économique, rationnelle et sans excès, fondée sur une relance par les baisses d’impôts et une impulsion drastique en matière d’innovation destinée à optimiser la relance originelle.
III° Action éducative et sociale : Vers la société de la connaissance et de la solidarité
La déroute électorale du 28 mars est venue sanctionner un gouvernement dépassé par les évènements économiques et sociaux, du fait de ses choix sans justesse, et sans justice. La gauche, que l’on disait enterrée, a su donner une signification positive à ce vote de rejet, grâce à ses programmes régionaux et à l’unité qu’elle a su faire revivre.
A la tête des régions, la gauche unie doit donner la priorité budgétaire à l’éducation, et doit aussi proposer des idées nouvelles en matière d’intégration, de logement, d’environnement, d’aide au handicap et de promotion des diverses formes culturelles contemporaines.
C’est ainsi à travers des programmes locaux que pourront se matérialiser les premières formes de ce projet nouveau. Un grand nombre de compétences ont été transférées aux Régions, à travers les deux étapes de la décentralisation. Il est maintenant possible de décliner la diversité des politiques sociales au travers d’une utilisation extensive des nouvelles compétences régionales ; cela, bien-sûr, si le transfert de ces compétences s’accompagne dans les faits des transferts financiers propres à assurer leur plein accomplissement. Que ce soit les referendums consultatifs locaux, les actions environnementales, scolaires – telles que la gratuité des manuels scolaires - Il ne s’agira pas là d’une cohabitation « Etat central contre région », mais bien de deux politiques parallèles, à l’aune desquelles le vote de 2007 pourra se déterminer. Cela ne devra pas empêcher, bien au contraire espérons-le, l’Etat de négocier avec les Régions.
Des idées nouvelles et des propositions sont émises chaque jour, à gauche après cette victoire. Il a récemment été proposé par François Hollande que, dans les 21 régions sur 22 tenues par la gauche, la gratuité des livres pour tous les lycéens, et la boîte à outil pour les formations professionnelles, gérées par les régions. C’est à l’image de celles-ci, au plus près du quotidien des gens, des jeunes, des plus démunis, que devra se façonner l’action de la gauche de demain.
Entre les régionales et les élections européennes, le gouvernement a commencé a prendre conscience des échecs accumulés depuis deux ans, il a commencé à parler de réforme de l’Etat, de politique de croissance, de recherche, de financement de la dette, d’emploi, et ils ont commencé à montrer des signes de doute face à la décentralisation. Il n’est pas dit que parce qu’ils en parlent les choses s’améliorent, mais c’est le signe d’un profond virage à gauche, dans le quinquennat de Chirac. Le plus drôle était d’entendre Renaud Dutreil, sur RTL annoncer qu’il allait enfin réformer l’Etat « dans le cadre de la LOLF » en ajoutant après que « les socialistes étaient des lâches puisqu’ils n’avaient pas créés les moyens de réformer l’Etat ». L’intensité de ses attaques faisait écho aux soubresauts parlementaires de Nicolas Sarkozy, qui a déclaré que « les socialistes avaient donné l’image d’une France antisémite ». Cette puissance de feu dans les mots traduisait le fait que ce gouvernement engageait en réalité, un vrai virage à gauche, en plus d’un repli en règle, reprenant progressivement les arguments que toute l’opposition lui avait rabâché depuis des mois, en matière de recherche, d’éducation, de politique de croissance. De même en ce qui concerne les 600 000 « recalculés » des ASSEDICS. Partout, sur le champ de bataille politique français, pouvaient s’observer d’un plateau adjacent les grandes manœuvres de repli, relativement aux deux premières années de gouvernement.
Et Nicolas Sarkozy d’annoncer à grand renfort de médias son plan pour relancer la consommation, qui se limite à inciter les gens à s’engager dans de ruineux crédits à la consommation d’une part, et à pousser les parents à faire consommer leurs enfants d’autre part. Le tout sur fond de rattrapage de deux années de catastrophe budgétaire.
Ces évènements passés, il est nécessaire de continuer à définir cet édifice de propositions en abordant maintenant la diversité des politiques sociales, pour répondre au fiel par le miel.
A. La priorité à l’éducation, à l’accès à la citoyenneté et à la connaissance
1. L’orientation première du redéploiement budgétaire devra se faire en direction de l’Education Nationale, qui est encore et toujours le lieu de préparation de la capacité de la France et des Français à affronter les défis futurs. L’investissement éducatif, que les économistes ont intégrés dans leurs théories sous l’appellation barbare de « capital humain », qui se dispense à travers les écoles collèges et lycées, doit être la priorité sociale d’un gouvernement nouveau. A l’heure où les usines se délocalisent dans les nouveaux ateliers du monde, à l’heure ou les Etats unis aspirent nos chercheurs par les meilleures conditions qu’ils offrent, il n’y a qu’en préparant au mieux les générations nouvelles à la compétition mondiale que l’on pourra massivement attirer de nouveau les activités mondiales.
L’école en tête, devrait tout simplement être le slogan orientant toute action de redéploiement budgétaire en direction de l’éducation. Cette école doit être plus équitable. Les moyens devront être alloués proportionnellement aux niveau local d’inégalités perçues. Des mécanismes de péréquation intercommunaux pourraient être envisagés, permettant de mieux répartir les fonds entre les communes disposant de lycées fort bien dotés vers des banlieues, où les impôts locaux apportent nécessairement moins de financements pour les écoles, collèges et lycées. A travers ces mécanismes, on permettra au moins de réduire la première des inégalités, l’inégalité des chances.
Les professeurs doivent être plus nombreux, pour réduire le nombre d’élèves par classe. Les bâtiments scolaires doivent être rénovés plus souvent. Les équipements informatiques doivent être multipliés dans les écoles, collèges et lycées. Un Grand Plan de financement, de réfection, de modernisation et d’équipement des écoles collèges et lycées nationaux doit être bâti. Un ministre de l’éducation doit se battre sur le budget, il doit infléchir de toutes ses forces la politique gouvernementale pour faire de l’éducation la priorité des priorités sociales.
2. Une action dans le domaine de la citoyenneté doit également être menée. Il faut tout d’abord initier un service civil obligatoire. Six mois durant lesquels les jeunes hommes et femmes devront mener des travaux utiles à la collectivité :
a)des activités écologiques : débroussailler les forêts,
b)des activités sociales : aider à
la réhabilitation de logements
sociaux, aider des personnes âgées ou handicapées,
c)des activités éducatives : aider
les enfants en difficultés à faire
leurs devoirs.
d)Des activités dans la coopération internationale.
Ce service civil serait également
l'occasion pour les jeunes de
recevoir des formations portant sur la citoyenneté (composition et
fonctionnement de nos institutions, les droits et devoirs de chacun,
les fondements de notre République...)
3. Il faudrait accroître les heures d'instruction civique à l'école, ou bien tout simplement les engager plus tôt, pour réveiller l’esprit républicain des jeunes générations. Le désengagement civique actuel montre que la République doit toujours réaffirmer ses règles, que son enracinement est un travail qui doit s’établir dans la continuité, un travail de chaque jour, car si l’on n’y prend garde, celle-ci peut rapidement devenir une idée sans signification pour un nombre croissant de Français. C’est ainsi par l’enseignement des principes, des idéaux, des devoirs Républicains, mais aussi par l’exemplarité des hommes politiques, que l’on commencera à sortir du déficit actuel de la citoyenneté.
L’idée du vote obligatoire est régulièrement réaffirmée par différents hommes et groupes politiques. Cette idée paraît d’autant plus réaliste qu’elle existe dans un certain nombre de pays européens et non-européens (Danemark, Grèce, Belgique, Autriche, Turquie, etc…). C’est une idée qui n’est pas proposée ici, mais sur laquelle il faudra sérieusement réfléchir. Ainsi, le meilleur contre-argument contre cette idée consiste à dire que, dans un pays libre, l’abstention est bien un acte politique de protestation. Or, à cette assertion, on peut tout d’abord répondre que dans l’amas abstentionniste, il y a bien une part de paresseux, que l’on pousserait de la sorte à aller voter. Par ailleurs, une manière de prendre en compte la protestation pure, c’est de donner une véritable signification politique au vote blanc.
Seule la première idée est à prendre ici comme proposition, mais les deux autres, le vote obligatoire (sous peine d’amende) et la prise en compte du vote blanc sont des points sur lesquels l’Assemblée Nationale devrait débattre.
4. Insuffler dans l'esprit des jeunes l'esprit civique européen par des leçons sur l'Europe dès le primaire.
5. Faire en sorte que la République
soit visible dans son action avec des services publics efficaces, et une
politique d'aide au logement
qui réconcilie les ghettos avec les centres villes (logements sociaux
accueillants, attraction d'activités économiques dans les banlieues). C’est en
se re-légitimant par une action sociale visible et efficace que la République
reconquerra tous ceux qui ne croient plus en elle, les abstentionnistes, les
jeunes en désœuvrement, les plus démunis. C’est de la sorte qu’elle suscitera
l’admiration des nouvelles générations.
6. Accroître les crédits d’investissements informatiques à l’école, grâce en partie aux moyens dégagés par les redéploiements administratifs.
7. Promouvoir, voire rendre obligatoire l’apprentissage d’une deuxième langue à l’école primaire.
8. Rendre normale la connaissance d’une troisième langue au collège, et d’une quatrième au lycée (cf. Chapitre IV°A.6).
9. Améliorer l’information continue des instituteurs et professeurs sur les découvertes récentes, pour les inciter à faire découvrir aux plus jeunes les réussites, les enjeux et les risques de la science, pour faire germer en eux l’esprit scientifique, étape primordial dans la formation du citoyen rationnel.
Il est enfin envisageable de faire commencer deux apprentissages plus tôt, et pour tous :
10. Un enseignement économique, qui doit avoir lieu dès le collège, la quatrième, car il n’est pas normal que la petite partie qui sort du collège à seize ans ne soit pas un minimum informé sur l’environnement économique et le fonctionnement du monde qui l’entoure. Par ailleurs, même les élèves désirant s’orienter vers une filière littéraire ou scientifique pourront avoir à l’esprit que leurs écrits ou leurs découvertes peuvent avoir une application en termes économiques.
11. La philosophie, qui élève l’esprit à la raison, c’est à dire à la pensée qui englobe et qui démontre, devrait commencer dès la 1ère tout en gardant son évaluation finale pour le bac. On pourrait ainsi corriger la faute actuelle dans le programme qui consiste à n’enseigner que l’histoire de la philosophie en terminale, sans apprendre réellement aux élèves à penser. L’enseignement de la philosophie commence trop tard et se termine trop tôt. Il s’agirait ainsi d’enseigner l’histoire de la philosophie en 1ère, et la philosophie elle-même en terminale.
12. Il est enfin nécessaire d’encourager les échanges entre le monde scolaire, et le monde professionnel, en multipliant les rencontre avec des praticiens extérieurs en mesure d’enseigner aux plus jeunes leur expérience.
B. Vers une décentralisation sociale dans l’enseignement supérieur.
La mise en place d’une solidarité décentralisée au sein des universités permettra de mieux répartir les savoirs, de mieux intégrer le système français au système universitaire européen et de dégager des moyens nouveaux pour améliorer le fonctionnement des universités, tout en ouvrant de nouvelles possibilités de constructions de logements étudiants.
1. Dans chaque université, un système de solidarité décentralisée sera mis en place. Les droits de scolarité seraient fixés de manière progressive. Les plus riches financeraient ainsi les bourses des moins riches. Le foyer fiscal de l’étudiant paiera en fonction de ses revenus en surplus de la participation majoritaire de l’Etat qui ne devra pas passer en dessous de 60% du budget des facultés. Ce système accompagnera la massive ouverture à l’enseignement supérieur et à la formation professionnelle de ces trente dernières années. Il permettra de dégager d’importants moyens supplémentaires pour investir dans le capital humain des générations futures. La massification quantitative de l’enseignement supérieur est faite, place à l’amélioration massive de sa qualité.
2. L’autonomie des universités doit s’accompagner d’un transfert proportionnel des moyens financiers adéquats, permettant aux directeurs d’Universités de diversifier et d’améliorer à leur guise les parcours et les enseignements.
3. L’autonomie universitaire serait surplombée par un véritable système de péréquation des universités les plus riches vers les universités les moins dotées. Il s’agit d’un système, le « fond de répartition inter-universitaire » qui étendrait les principes de la péréquation réformée (voir supra sur le fond interrégional de répartition Chapitre I°A.8) aux établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Ceci permettrait d’éviter qu'à côté des facs de riches existent des universités dans l’impossibilité de financer leur fonctionnement, comme Paris VI Orsay, qui dût fermer ses portes en pleine année scolaire 2003, faute de crédits pour payer le chauffage. Les établissements supérieurs de formation professionnelle bénéficieront pour moitié des fonds supplémentaires dégagés par cette contribution progressive d’éducation et de formation.
4. Il faudra également avoir à l’esprit de démocratiser l’accès à la connaissance. La connaissance doit devenir la ressources la mieux diffusée en France. Internet permet de mettre en ligne le savoir. Un exemple peut-être donné par l’Université de Tous Les Savoirs (UTLS), disponible en amphithéâtre, ou sur internet. Celle-ci propose des conférences ouvertes au public, données par tous types de chercheurs. Le savoir libre. Institutionnaliser et démultiplier les capacités de l’UTLS pour permettre aux scientifiques de diffuser au public plus directement leurs découvertes récentes, serait une mesure efficace dans la démocratisation et la diffusion massive du savoir en France. Les Français doivent « savoir ». Ils doivent être conscients des enjeux économiques, scientifiques, politiques et philosophique du monde moderne. Toutes les disciplines doivent leurs être enseignées. Finalement, c’est peut-être lui l’homme nouveau. Celui qui sait. Celui qui dispose de la connaissance.
Et alors, rien n’a changé depuis les balbutiements de la Troisième République, depuis la fondation, par Jules Ferry, des idéaux Républicains relatifs à la formation du citoyen qui doit savoir pour pouvoir juger, et voter. Tout reste à faire, alors, pour le bâtir celui que des théories, des dictatures ont mutilé : l’homme nouveau. Cet homme nouveau serait finalement et peut-être à notre portée : l’Homme qui Sait. Point de prophétisme dictatorial là-dedans. Juste la persistance de l’espérance des Lumières. Mais voilà, les impératifs anciens de la simple lecture, écriture, comptabilité, sont insuffisants aujourd’hui au regard de la complexité du monde moderne ; c’est pourquoi, le modèle de l’UTLS est à populariser pour qu’enfin, le Peuple « sache ». Et si l’on domestique démocratiquement Internet, on pourra en faire une passerelle du savoir humain universel, et universellement accessible. En l’occurrence, l’Université de Tous les Savoirs est accessible sur Internet. Il faut plus de moyen, et plus d’information autour de ce concept, pour que le plus de citoyens puissent avoir accès à cette forme d’enseignement.
1. En 2003, l’existence d’une dizaine de milliers de mal-logés, d’expulsés, de SDF, de clochards malgré-eux, n’est plus acceptable. Mis à part ceux qui choisissent la vie de vagabond, il est possible et nécessaire de pourvoir, pour chacun de ceux qui n’ont pas choisi leur situation de précarité extrême, un logement minimal, au moins pour passer l’hiver, cet hiver meurtrier, qui décime chaque année un grand nombre de ces pauvres gens. Cela est tout à fait inacceptable dans une société développée et civilisée. Les deux dernières décennies ont été celles de l’aide à l‘alimentation. Il faut maintenant résolument s’orienter vers une aide au logement.
Le système de logements sociaux actuel est insuffisant pour quatre raisons :
a) Tout d’abord par leur trop faible nombre, ce qui occasionne des listes d’attentes de plusieurs milliers de noms et des retards de plusieurs années dans leur attribution.
b) Leur trop grande concentration qui crée des quasi ghettos.
c) La mauvaise qualité de l’architecture et des équipements.
d) Le manque d’activité des communes urbaines entours, qui appauvrit les copropriétés et réduit les capacités d’entretien et de maintenance des bâtiments.
Il n’est plus possible de laisser des locataires à l’abandon lorsqu’ils sont expulsés de chez eux. Il faut créer une sécurité sociale du logement. Celle-ci pourvoirait des logements à des personnes récemment expulsées durant une période limitée, le temps qu’elles retrouvent un autre logement. Une vraie main tendue aux associations d’aide aux sans-logis est essentielle pour faire entrer notre pays dans le XXIème siècle. Il ne s’agit plus de parader avec l’Abbé Pierre, mais d’aller énergiquement dans son sens.
Il ne s’agit certainement pas d’un nouveau système d’assistance, car des limites seraient posées et dissuaderaient les profiteurs. Mais il est néanmoins admissible d’aider à court terme les personnes en situation de grande précarité de logement.
C’est en tout cas la construction de 300 000 logements sociaux qui s’avère nécessaire, dont 20 000 seraient alloués à la couverture logement universelle.
2. Le mot d’ordre fut pendant un temps : « il faut détruire » ces tours, ces immeubles dont la blancheur des premiers jours s’est dissipée sous la poussière du chômage, de la délinquance, de la marginalité. Peu de crédits ont été apportés à la reconstruction de bâtiments neufs et à la re-dynamisation économique locale. Car une chose manque à ces quartiers : l’impression de la centralité, qu’il faudra compenser par le développement d’activités locales et par une action relative à l’esthétique du lieu.
« Esthétique », n’ayons pas peur des mots. Il faut de la pierre, du Beau, dans la conception des bâtiments gérés par les Offices Public de HLM. Ce n’est qu’ainsi que l’on comblera le fossé entre le centre ville et la banlieue, entre les villes et les campagnes. De tout temps, les différents régimes ont voulu construire leurs monuments et bâtiments esthétiques dans le centre, pour mieux affirmer leur puissance. Il est temps de décentraliser si je puis dire, l’art, l’histoire, par l’architecture, dans les quartiers décentrés. Le bâti en pierre devra concerner 15%, au moins de nouveaux immeubles construits dans les banlieues.
Un emprunt pour la construction dans les cités est possible et même envisageable ; c’est un devoir, au regard des deux générations des ratés de l’intégration.
3. Le dernier rapport sur la situation du logement étudiant montre qu’il en manque cent cinquante mille, pour pourvoir aux demandes des Centres Régionaux Oeuvres Universitaires Scolaires (CROUS). Ce seront par conséquent cent mille logements étudiants qui devront être construits dans toute la France, grâce notamment à la mise en place d’une contribution progressive des foyers fiscaux d’étudiants au sein de toutes les universités. Ce vaste chantier de logements étudiants paraît beaucoup plus utile que la cinquantaine de projets d’équipements flous soumis par le gouvernement pour 2020. On peut toujours avoir plus de trains, de ponts, de routes, si l’on n’a pas de logements étudiants, on condamne à la précarité et à l’absence de mobilité les étudiants…que l’on oblige par ailleurs du fait de la situation géographique des campus, de partir de chez eux…
Ce grand projet de logements étudiants permettra d’autre part d’attirer massivement les cerveaux étrangers.
Il s’agit donc d’un plan de 400 000 logements en cinq ans, soit 80 000 logements par ans, ce qui n’est pas le plus ambitieux que l’on puisse imaginer dans la mesure où l’on est monté à 95 000 logements certaines années. Ce chiffre de 80 000 tient compte de la marge de manœuvre budgétaire réduite par l’importance de la dette.
On notera avec ironie que les annonces du gouvernement ont été très généreuses en ce domaine ; elles sont même allées crechendo. Les 80 000 logements par an ont été annoncés par Jacques Chirac fin avril, et se sont ensuivies des annonces de Jean-Louis Borloo, qui parle lui d’un plan de 100 000 logements par an. C’est la course à l’annonce !… Las, le budget du logement en France est en baisse de 10%, et Nicolas Sarkozy, passé au ministère de l’économie et des finances, refuse de modifier cet état de fait. Pourquoi, dans ces conditions, faire des annonces en contradiction avec les faits.
4. Tout nouveau logement construit devra par ailleurs être adapté à la possible installation future de panneaux solaires, de géothermie, et de pile à combustible à hydrogène (sur ce point voir infra, chapitre V). Ceci s’est fait de manière expérimentale à paris. Il serait bon de penser à le faire pour la France.
1. Même s’il est hors de question d’imposer par la contrainte une augmentation des salaires aux marchés, on peut, pour certaines professions, inciter à l’augmentation de salaire, par des primes versées en proportion du niveau d’augmentation. Prenons l’exemple des salariés du Mcdo, les Régions pourraient signer des contrats avec certaines entreprises aux conditions de travail difficiles, contrats qui consisteraient à financer un pourcentage de chaque augmentation, sur une période de temps. Pendant trois mois de salaires, cette augmentation serait prise en charge par la collectivité à hauteur de 30%. Cette augmentation de salaire sur certains métiers difficiles, mal payés et peu reconnus est une voie supplémentaire de la re dynamisation économique locale, puisque ces maigres revenus, loin d’aller dormir en épargne, vont nourrir la consommation, l’activité, et donc encore une fois, le moral des entrepreneurs.
2. C’est en réalité une réflexion complète qui reste à mener dans le domaine des stages, qui, dans la nouvelle architecture européenne de l’université, vont prendre une place décisive dans l’accès à l’emploi. En effet, le nouveau système « licence-master-doctorat (LMD, ou 3-5-8) implique un meilleur système d’alternance entre l’université et le monde du travail, par le biais de ces stages. Et de toute façon, avec la réduction caractérisée de l’espace d’entrée sur le marché du travail, son évolution perpétuelle, et sa dureté naturelle en période de chômage élevé, le stage doit être mieux promu au sein des universités. Les services internes de recherches de stages et d’emplois doivent être plus efficaces, et être plus « présents » sur les campus. L’étudiant doit rester maître de sa gestion, mais qu’au moins, on lui en offre l’incitation, pour qu’il devienne naturel de mieux alterner, dans sa formation, entre le monde du travail, et celui de l’université.
Et à partir du moment où le stage devient une partie intégrante de la formation, disons pendant une période de 6 mois, leur rémunération devient absolument nécessaire. Un grand nombre de stagiaires ne sont en effet pas payés !
Les étudiants se voient ainsi imposés, s’ils veulent trouver un emploi plus rapidement au sortir de leurs études, de réaliser des stages. Ces stages sont des emplois qui s’apparentent au servage, et satisfont rarement le stagiaire, qui voit en cette non-rémunération un manque terrible de considération.
Ils sont par ailleurs réservés aux étudiants provenant des familles les plus aisées qui peuvent prendre en charge « le coût du stage » ! Cette situation est inadmissible, pour qui veut bien se pencher sur la question, et c’est pourquoi il apparaît nécessaire de réformer ce système, pour que le stage, qui devient progressivement obligatoire, ne soit pas un système toléré d’exploitation mais un véritable tremplin vers l’emploi, permettant également au jeune d’avoir accès à l’autonomie et à la consommation. Puisque Nicolas Sarkozy affirme vouloir augmenter les incitations à l’argent de poche – on se demande bien comment - pour relancer la consommation, on ferait mieux de réfléchir à la nécessité de rémunérer en priorité ceux qui se mettent à travailler. On pourrait par exemple, de cette manière, « réhabiliter le travail »…
3. Certains statuts sociaux précaires particuliers, comme celui des chauffeurs de taxis locataires, des ouvriers agricoles, et des intérimaires, sont des niches salariales importantes qui devront être utilisées comme leviers spécifiques d’une politique salariale énergique. Sur le mode présenté dans la proposition E.1, des contrats Etat-entreprise devront permettre une augmentation de salaire à court terme dans ces secteurs.
E. La République doit réparer son échec historique d’intégration des personnes issues de l’immigration
1. Il est également essentiel d’engager une politique volontariste de recrutement des personnes issues de l’immigration dans les administrations.
Il est essentiel que la France « black blanc beur » apparaisse dans d’autres secteurs que le football ou le spectacle humoristique. Même la gauche ne peut que se féliciter de l’accession de Tokia Saïfi à la tête du ministère du développement durable. Mais c’est évidemment insuffisant. Il faut un plus grand nombre de ministres et de hauts fonctionnaires issus de l’immigration, qui reflète mieux le pourcentage de maghrébins en France. C’est le seul moyen de permettre aux deuxièmes générations d’immigrés de s’identifier à la République. Sinon, c’est l’Islam qui risque de s’imposer comme premier vecteur d’identification pour ces jeunes issus de l’immigration vivant dans les quartiers difficiles. L’effet de la médiatisation des réussites sociales sur la création d’une identité est indéniable. Le foot est une activité extrêmement attractive chez les « jeunes des banlieues » car l’exemple d’un Zidane, d’un Thierry Henry ou d’un Djibril Cissé donne à croire qu’il existe pour eux un espace de réussite. Il reste que le foot ou le show-biz sont réservés à un très faible nombre de citoyens et risquent de devenir des illusions sur les possibilités qui sont offertes aux immigrés.
Le concours parallèle que l’Institut d’Etudes Politique de Paris a mis en place pour lycées en difficultés, les « Conventions d’Education Prioritaires » est une première ébauche de la manière par laquelle la République peut attirer à elle ceux qui veulent s’en sortir mais disposent de moins de moyens, qui disposent de moins d’incitation par le milieu, et qui pour certains n’ont pas les conditions de travail satisfaisantes pour mener à bien les efforts très soutenus qui sont nécessaires pour envisager une admission dans une Grande Ecole… Cette réforme est incomplète puisqu’elle ne concerne que certains lycées de ZEP. Elle a cependant le mérite d’exister et de tracer des voies pour l’avenir. Dans la même optique, on pourrait réfléchir à des classes préparatoires spéciales dans les ZEPs, moins chères, disposant de plus de moyens, et qui noueraient des partenariats avec les différentes grandes écoles.
Mais il serait opportun de créer ainsi des concours différenciés entre les Zones d’Education Prioritaire et le reste de la France pour tous les types de Grandes Ecoles, car les différences socio-économiques influent indéniablement sur les résultats scolaires.
2. La même politique doit être incitée dans les entreprises. Elle peut s’accomplir à travers les écoles de commerce qui doivent s’ouvrir aux lycées des « téci » sans pour autant réduire leur niveau d’excellence et de sélection. Est-il encore besoin de faire appel aux statistiques pour démontrer qu’un élève de Sarcelles n’a pas les mêmes chances, les mêmes moyens de réussir des concours qu’un élève des beaux quartiers ? Ne serait-ce qu’à cause des moyens financiers qui sont nécessaire pour suivre un cursus d’excellence. Ne serait-ce que pour acheter des livres.
Arrêtons de nous voiler la face et d’exécuter le principe d’égalité des chances à l’aveugle, en appliquant un traitement égalitaire à des situations fondamentalement inégalitaires. Il y a des discriminations géographiques qui altèrent et rendent illusoire une parfaite existence de celui-ci. Il faut agir en amont par une plus grande ouverture des grandes écoles commerciales, scientifique et politiques aux quartiers, et en aval, par une vraie politique de recrutement des personnes issues de l’immigration aux postes les plus élevés dans la hiérarchie administrative et commerciale. Sans tomber dans un système excessif des quotas, le refus de refléter par le volontarisme la composition sociale française doit être à terme sanctionné. Il en va de même pour ce qui est des femmes. Il faut créer des voies de recours pour les situations où, à formation et âge équivalents, des femmes se voient reléguées à des niveaux hiérarchiques inférieurs. Pour cela, il faut créer :
a)un observatoire de l’intégration, qui puisse évaluer dans la continuité la capacité des institutions administratives et des entreprises à refléter la composition sociologique française.
b)une Autorité Indépendante à l’Intégration qui puisse recevoir des recours pour discrimination et prendre les sanctions qui s’imposent envers les organisations qui s’entêtent à ne pas embaucher des personnes issues de l’immigration ou des handicapés. Il s’agit de donner une Autorité qui réponde aux attentes des mouvements de lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
3. Il n'est pas question que la République revienne sur le principe méritocratique, car le critère de la compétence est ce qui se rapproche le plus du principe d’égalité des chances. Dans un pays laïc en tout cas, la religion ne peut entrer en compte dans quelque sélection que ce soit, contrairement à ce qu’a affirmé le ministre de l’intérieur Sarkozy.
On ne peut cependant rester sourd aux appels des uns et des autres à une intégration qui reflète la structure sociologique multicolore française. Appliquer le principe d’égalité à l’aveugle consiste à faire comme si chacun naissait en France avec des chances égales, il consiste à agir également pour des situations inégales.
Ainsi, il faut prendre en compte le problème Harkis à travers le prisme des Zones d’Education Prioritaires. Car la communauté Harkis est une "communauté malgré elle" ou "communauté contre son gré". Cette communauté a en effet été parquée dans des camps pendants trois décennies, avec des règles dignes de véritables camps de prisonniers. La France a ainsi produit elle-même, par cette politique inique de l’Etat Gaullien, du communautarisme, au mépris le plus ouvert des principes affirmés avec solennité.
Aux USA, l'affermative action fut imposée pour inverser la logique de ségrégation qui caractérisait la société américaine des années 1950. C'est cette même logique qui a présidée à l'installation, cachée, sur le sol français, des harkis (couvre-feu, vie parallèle à la société, écoles spéciales).
Il faut intégrer ces personnes, les intégrer par une loi qui impose pendant une période aux administrations, aux entreprises et aux grandes écoles des ouvertures aux harkis, que l'on intégrerait ainsi dans une certaine proportion, toujours, d’ailleurs selon le principe de sélection par le mérite. De même, les écoles, collèges et lycées des zones où vivent une grande concentration de harkis se verraient attribués des crédits supplémentaires. Cette politique d’intégration pourrait ne durer qu’une génération et cette dérogation au principe d’égalité des chances trouverait son terme au bout d’une quinzaine d’années. Cette idée est courageuse quand on sait à quel point est stigmatisée, en partie à juste titre, le concept de discrimination positive en France. Il d’agirait plutôt ici de promotion positive.
Cela reste une manière d'éviter une trop grande révolte de ces gens qui souffrent et qui sont en colère de leur Histoire qu’ils ont mit au service de la France. Il reste hors de question de prendre en compte les critères religieux ou raciaux dans ces sélections, mais la République a fait une erreur, il faut l’admettre et en tirer les conséquences en terme d’actions d’intégration.
F. Une politique familiale à l’image d’une nouvelle société
Il faut tout d’abord agir en ce domaine dans le cadre de la continuité républicaine, c’est à dire sans changer les fondements de la politique familiale française, orientée vers le soutien des familles, grâce aux allocations familiales, qu’il faudra naturellement maintenir. Celles-ci permettent à la France d’avoir une démographie plus dynamique que tous nos partenaires européens, avec un taux de fécondité de 2,1 enfants par femme.
Cette continuité nous est d’autant plus ouverte que les caisses de solidarité familiale sont structurellement excédentaires ; elle ne nous empêche pas cependant, au contraire, d’examiner les différentes pistes ouvertes par l’évolution contemporaine des mœurs, et de continuer dans la voie tracée par le gouvernement Jospin en ce domaine : celle de la famille émancipée des normes traditionalistes. Certes, l’enfant doit s’adosser à l’Autorité parentale pour se construire et construire son intégration dans le monde adulte. Les parents doivent assumer leurs responsabilités à 100%, et c’est lorsqu’ils s’y soustraient que naissent les phénomènes d’échec scolaire et de délinquence. Mais il doit exister une tolérance de la transgression, car c’est à travers les erreurs de jeunesse que se bâtissent les expériences d’apprentissages…
De nombreuses actions volontaristes ont été menées par Ségolène Royal dans le domaine de la politique familliale, comme le congé paternité, l’allongement du congé et de l’allocation maternité, le PACS, la formation, et la création de postes dédiés à la petite enfance, dans les crèches.
Il faudra soutenir et continuer ces mesures. Elles permettent de faciliter la respiration entre la vie du foyer et le travail. Elles permettent de donner du temps à la famille, parce qu’elle constitue le terreau de la France de demain. Moins les enfants sont encadrés, éduqués, élevés, plus ils sont laissés à l’abandon, plus se développe mécaniquement l’échec scolaire, voire la délinquance. La famille agit en amont des phénomènes modernes d’exclusion et d’insécurité. C’est donc en elle que se cristallisent toutes les composantes du social. C’est donc en elle que doit se concentrer le volontarisme du socialisme réformateur, porté à améliorer la teneur des conditions du vivre-ensemble, de la qualité de la vie.
1. La première orientation dans ce domaine consiste en des mesures améliorant les conditions de la femme moderne, tachant au quotidien de marier travail et vie de mère.
On voit immédiatement que c’est l’ensemble du cadre de vie qui doit être amélioré ; les transports, les facilités publiques de crèches, leurs droits au sein de l’entreprise en matière de temps de travail, le coût des démarches associées, etc…
Un vrai plan de création de crèches communales doit être lancé à travers la France, par la multiplication de contrats entre l’Etat, les Régions, les communes ou les associations intercommunales ; l’utilisation d’une contribution des usagers peut-être envisagée, étant donné la dette publique et donc les faibles disponibilités budgétaires.
2. La seconde orientation doit consister en une augmentation de la solidarité en direction des familles les plus démunies. On pourrait ainsi réfléchir à accroître la progressivité du transfert. 150 000 familles françaises sont en attente d’une augmentation de l’aide aux familles en difficultés, qui devra être majorée de 5 à 10%.
3. La troisième orientation consisterait en l’autorisation des mariages civils aux homosexuels. Qu’enfin, ceux-ci se voient conférés le droit à l’indifférence civile. Le PACS a ouvert des possibilités fiscales, mais de manière incomplète, notamment en ce qui concerne la mise en commun des biens. Mais il a surtout créé des aspirations que la République se doit de concrétiser, en vertu de l’article 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, annexée au préambule de notre Constitution, puisqu’il s’agit bien en l’espèce, d’égalité devant la Loi.
En effet, la loi qui régit le mariage ne précise pas quel devrait être le sexe des conjoints. Il ne précise que l’age, 15 ans pour la hommes, 18 ans pour les femmes. Seul le règlement de publication du mariage précise que le Maire demandera au mari sil veut prendre sa fiancée pour épouse. La simple preuve cet état de fait réside dans les propositions d’amendement de clarification du Code civil par des députés de la majorité UMP. Si le Code était clair sur la question, il n’y aurait tout simplement pas besoin de faire proposer de tels amendements. Ceci est d’ailleurs illustratif du fait que l’Etat Napoléonien était aveugle aux différences formelles entre les citoyens. C’est bien dans cette optique, dans celle du droit à l’indifférence sociale, que l’on doit s’orienter dans ce domaine. Quoi qu’il en soit, et même si cet argument est insuffisant, il est évident que si le mariage était réservé aux couples hétérosexuels, il constituerait une contradiction avec la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, qui pose le principe d’égalité. En dernier ressot, c’est le juge qui déterminera si le précédent ouvert par Noël Mamère est légal ou non. S’il ne l’est pas, la loi devra être adaptée aux mœurs.
Las cependant, de voir, que nos voisins britanniques n’ont pas besoin de soulever des polémiques nationales. Au simple regard de la Bill of Right de 1788, la Chambre des Lords a préalablement déterminé que rien n’empêchait que deux personnes de même sexe soient déclarés « maris et femme »… Nous avons tant recouvert notre Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyens de lois (522 000), décrets, arrêtés, règlements, que celle-ci n’est même plus à même d’apporter ses bienfaits libérateurs, émancipateurs…
G. Vers « l’accessibilité universelle » et la mobilité effective du handicap
Les escaliers dans le métro, des marches insurmontables dans le bus, des taxis qui ne peuvent que difficilement accueillir les sièges des handicapés, les trottoirs en hauteur, tous ces « détails » de la vie quotidienne, que notre société n’a prévus que pour les personnes valides, et qui se révèlent être de véritables cauchemars pratiques et financiers pour les handicapés. Pardon de ne pas utiliser l’expression « personnes à mobilité réduite » mais le politiquement correcte peut parfois être rebutant.
1. Une première proposition concerne ainsi tout simplement une modification généralisée de ces quelques infrastructures, d’une manière propre à assurer une accessibilité naturelle de ces personnes à tout service public.
A côté des escaliers dans le métro doivent être construite des pentes. Des contrôleurs permanents de la SNCF seraient mis dans chaque bus, et ils auraient notamment pour fonction d’aider les handicapés à rentrer. Au passage, en mettant un contrôleur dans chaque bus, on dissuaderait purement et simplement le resquillage, qui crée un manque à gagner important à la SNCF et se révèle la cause du prix de plus en plus élevé du ticket de métro, et l’on créerait des emplois ; c’est ce qui se fait en Grande-Bretagne…
Ici, nous nous différencions de la loi sur le handicap mis en place par le gouvernement Raffarin, qui donne la priorité au neuf. Le problème étant que l’on ne peut pas refaire à neuf les stations de métro, les arrêts de bus, les immeubles, les trottoirs. Il faut par conséquent plutôt se concentrer sur le déjà bâti, qu’il faut modifier et rendre accessible.
2. Les taxis devraient tous pourvoir l’espace suffisant pour contenir un fauteuil roulant. Une action telle que celle-ci est plus difficile naturellement que celle concernant les transports publics, car le véhicule est, pour le chauffeur de taxi, un bien à usage privé, et nous ne pouvons pas leur imposer une modification du bien privé. On peut cependant entrevoir cette modification pour les grandes entreprises de taxis, qui louent le véhicule aux chauffeurs. Des taxis plus spacieux pourraient alors permettrent le chargement du fauteuil roulant. Des subventions municipales, complétées par un financement d’Etat inciteraient le plus de taxis possibles de disposer de ces accommodements.
3. Les associations d’aide au handicap se verront allouées une part plus importante des crédits du ministère chargé du handicap. Celles-ci auraient notamment pour fonctions de pourvoir les handicapés en outils d’aide au handicap. Des chiens et des cannes blanches pour les aveugles, des fauteuils roulants et une intégration scolaire massive pour les handicapés physiques seront nécessaires.
4. Sans remettre en question la nécessaire présence de l’handicapé sur son lieu de travail, on peut expérimenter à petite échelle une nouvelle forme de travail permise par le développement d’Internet, le télétravail.
G. Un plan pour la création musicale menacée
La diffusion d’Internet s’est accompagnée d’une grande crise du paysage musical. Premier responsable : le téléchargement illégal mais exercé à une si grande échelle qu’il est quasiment impossible de le contrer par des moyens légaux. Ceci a provoqué une réduction importante des ventes de disques et les majors de l’édition musicale exercent un lobbying intense pour que les gouvernants mettent en place les moyens de contrer cette pratique. Ce serait bien la première fois que l’on légiférerait pour empêcher une innovation technologique de propager ses effets positifs en terme de baisse de coûts sur la société. Le problème – ou la magie -- est en effet qu’avec les autoroutes de l’information, le coût de l’information égale zéro. Et tout ce qui s’apparente à de l’information maintient son utilité marginale intacte mais voit sa valeur marchande réduite à néant. Il existe donc un risque de voir les producteurs de cette marchandise informationnelle, la musique, sortir du marché.
Les arguments sont connus de part et d’autres. Les majors veulent poursuivre les « téléchargeurs » en justice, de simples jeunes gens qui découvrent une technologie assez incroyable au départ mais qui se révèle dangereuse si elle dépasse le cadre d’un groupe restreint d’initiés. Or, les fournisseurs d’accès Internet nourrissent sans hésitations cette logique en misant, dans leurs stratégies promotionnelles sur cette pratique, qui est une indéniable avancée de l’Internet.
1. D’une part on ne peut rester sourd aux arguments des créateurs de musiques qui risquent de disparaître si on ne leur offre pas les moyens de vendre au moins pour eux-mêmes leurs compositions.
D’autre part, on ne peut accréditer la thèse de la toute-puissance des majors de l’édition musicale et utiliser l’Internet comme passerelle de relation directe entre l’artiste et le consommateur culturel. Laisser le marché s’occuper seul de la production musicale, c’est laisser la musique s’enfermer dans quelques « tubes » ressassés sur les ondes audiovisuelles. Le marché musical est victime plus que tout autre du phénomène d’anticipation auto réalisatrice. Ce que Coluche appelait la « vente forcée » fonctionne au plus haut point sur le marché de la production musicale. Statistiquement, ce que la radio dit au consommateur d’acheter, il l’achète, à 90%.
C’est pourquoi il faut mettre en place une passerelle Internet publique sur laquelle les artistes français recensés pourraient télécharger à usage lucratif leurs productions, et ce, à leur seul bénéfice. Celle-ci pourrait être mise en place par la SACEM, l’autorité de protection des droits d’auteurs, ou en partenariat avec les groupes de diffusion musicale français. Cette passerelle sera dédiée à certains artistes français naturellement choisis pour leur compétence et leur contribution à la musique française, et n’entrera pas en concurrence avec les majors de l’édition musicale qui pourront mettre en place des téléchargements payants de MP3, pour la création commerciale. Et sur ce point, ne nous inquiétons pas, il y aura toujours des « boys bands » pour nourrir leurs nouveautés. Quant aux entreprises de téléchargement illégal, celles-ci doivent être combattues une à une, dans le cadre de partenariats policiers et judiciaires européens. Ce ne sont pas cependant les utilisateurs qui doivent être poursuivis.
Il s’agit donc de trouver un compromis entre le droit des artistes de créer à usage lucratif, et l’état des techniques qui ne laisse pas entrevoir la possibilité d’interdire le téléchargement.
Il faut par conséquent mettre en place un marché d’artistes « protégés » par leurs compétences reconnues, mais pas nécessairement par leur couverture médiatique. C’est tout l’enjeu de cette passerelle Internet publique, lucrative mais au bénéfice des seuls artistes recensés. Ne nous leurrons pas cependant, cette proposition, par son caractère trop national, risque d’être rapidement dépassée. ET tant qu’il y aura su téléchargement gratuit, il y aura toujours intérêt à contourner ce P2P public… C’est pourquoi nous devons également nous tourner vers une réflexion et une négociation internationale sur ce sujet.
Concernant le système actuel de distribution des gains liés à la musique, il est injuste puisqu’il pénalise, par une taxe uniforme, les individus, à cause d’une pratique, le téléchargement, qui ne concernent qu’une minorité importante de téléchargeurs.
2. Si les droits de propriétés étaient bien distribués, ceux qui profitent pécuniairement de l’échange de musiques, films, et autres, sur Internet, à savoir les P2P rétribueraient naturellement, comme les radios, les organismes de protection des droits d’auteurs. Finalement, à l’avenir, cette marchandise informationnelle n’aura de valeur que celle de la publicité qu’elle est capable d’engranger et qui devra être taxé, pour être redistribuée vers les créateurs musicaux.
Il faut que les Peer to peer (P2P), décidant de vous faire payer ou non le service de téléchargement, payent aux artistes leur part. Et cela pourrait se faire très simplement si les majors ne refusaient pas purement et simplement « le principe » de leur utilité amoindrie, quelque soit le support de la musique.
Naturellement, dans un cadre mondialisé, les P2P peuvent s’implanter en des lieux hors de toute législation, voire de toute fiscalité et c’est une réflexion au niveau mondial qui doit exister, pour faire payer les P2P et redistribuer les fonds de cette sorte de « taxe mondiale pour la création artistique », liée aux bénéfices des P2P, qui financerait les organismes de droits d’auteurs nationaux et seraient par là même rétribués aux artistes. C'est pour cela qu'il faut une coopération internationale serrée, dans ce domaine. A mon avis, le problème ne sera réglé que lorsque les Etats du monde décideront de taxer les créateurs de P2P pour redistribuer les fonds aux organismes de protection des droits d'auteurs.
3. La réduction du
marché musical s’opérant, le concert devient primordial à l’artiste pour se
produire et l’Etat peut et doit offrir des subventions aux collectivités locales
pour les concerts et la promotion de jeunes artistes, quel que soit le domaine
musical.
Une vrai politique des concerts doit être développée en France, car au delà du
simple aspect économique que ceux-ci représentent, pour les artistes et pour des
régions, le concert est un lieu irremplaçable de rencontre
et de sociabilité.
Pour conclure ce chapitre sur les différentes voies de la solidarité, l’on peut dire que tout programme social est forcément volontariste et doit difficilement faire émerger son budget de la dette, qui grève annuellement les moyens sociaux de l’Etat, et des menaces de délocalisations, de fuite des capitaux, de fuite des cervaux, face à une économie trop rigide.
Alors, face à ces marges de manœuvre amoindries, il est nécessaire de concentrer les moyens financiers et humain de l’Etat, comme nous l’avons dit au chapitre I, sur les services publics, et les établissements publics de terrain, écoles, crèches, hôpitaux, et sur la solidarité nationale (logement, redistribution, ai de aux plus démunis).
Il sera également nécessaire de pouvoir au mieux relancer la croissance par des signaux positifs, et un cadre économique cohérent, par une impulsion économique originelle de l‘Etat, perpétuée par l’allocation massive des moyens vers les activités d’avenir et de recherche, comme nous l’avons dit au chapitre II. De même, pour perpétuer la tradition de saine gestion de la gauche de Pierre Mendes France, ou Jospin, Il faut se donner des règles d’or budgétaires et se contraindre à les respecter. Ainsi, les emprunts serviront prioritairement aux investissements productifs, et d’avenir, et aux dépenses sociales. Pas au dépenses de fonctionneent administratif. Ces actions sont les piliers sur lesquelles reposera le défi social de l’après-Chirac.
L’autre moyen de dégager des fonds pour la solidarité, c’est l’Europe, qui seule, et seulement si nous convainquons le plus de partenaires européens, peut nous permettre de perpétuer des services publics nationaux, menacés par la mondialisation, dépassée par les délocalisations, le comportement prédateur de certaines entreprises, le comportement de passager clandestin de certains, face au système de solidarité, dans le train de vie de l’Etat, dans la fuite de capitaux. Seule la translation sociale européenne peut venir en aide à un Etat national empêtré dans ses difficultés structurelles.
Mais plutôt que d’augmenter les dépense de contrôle, il faudrait mieux user de l’argent public directement à ceux qui en ont besoin, pour des logements, pour les écoles, pour les hôpitaux.
De plus, on voit que la droite est investie par la frénésie du contrôle. Renforcement du régime de contrôle des identités, contrôle des véhicules, contrôles le dimanche, contrôles fiscaux et faillites conséquentes en hausse, contrôle des intermittents, contrôle des patients, contrôle des allocataires. C’est ainsi par exemple, qu’avec son budget en baisse de 10% et ses annonces en hausse de 30% tous les mois, Jean-Louis Borloo annonce qu’il va déployer plus de moyens pour combattre les abus. L’investissement en vaut-il la peine. Certes, il peut permettre de déployer tous les atours de l’homme de droite au poste du ministère de la cohésion sociale, combattant la paresse sociale et les abus de ces salauds de pauvres. Reste que la solidarité nationale est progressivement restreinte au niveau national, par le poids de la dette, par la droite, qui casse services publics et réduits les crédits aux dépenses d’avenir, selon la stratégie bien rodée du déficit « forcé », permettant de contraindre et de provoquer l’affaiblissement de la solidarité nationale. Belle manière de faire du social…
IV. Pour une grande Europe fédérale
A l’heure de la mondialisation et des décisions planétaires, il est indispensable de favoriser par tous les moyens possibles l’émergence d’une grande Europe unie, qui puisse peser de tout son poids de première puissance économique mondiale sur les institutions internationales. Nous connaissons tous les avantages de l’Union européenne : soixante ans de paix, de créations de liens, de richesses. L’Europe fut un puissant moteur de gains de compétitivité, et une voie royale pour redorer le blason de notre monnaie. L’Europe, c’est enfin l’importance de l’effet « masse » qui permet, grâce à un marché de grande ampleur d’attirer plus de capitaux, d’activités, et de touristes, et de mieux absorber les chocs économiques extérieurs.
Seulement voilà, le moteur fonctionnaliste qui devait, par l’unification économique, amener progressivement à la constitution des Etats-Unis d’Europe, se raille. La « subversion intergouvernementale » joue à plein en cette année 2003-2004. Il est donc nécessaire à l’heure de la compétition avec les grands ensembles continentaux tels que les Etats-Unis, la Russie mais aussi et surtout l’Inde et la Chine, de relancer la réflexion européenne pour tracer des voies possibles vers la matérialisation de cet objectif ambitieux, mais tellement nécessaire, des pères fondateurs, à savoir la création d’une Grande Europe Unie.
Il ne faut naturellement pas se faire d’illusions. La probabilité de mise en place d’un tel objectif est faible, et dépend de la capacité de chaque génération à penser le dépassement permanent du niveau d’unification européen atteint par les générations précédentes. Elle dépend également de la volonté d’individus de conduire, sans relache, des négociations dans ce sens.
Sans se départir de la méthode de nos ancètres – l’engrenage économique devant ammener l’unification politique - qui a prouvé, à plusieurs reprises son efficacité, il faut en permanence recommencer les efforts pour négocier des avancées européennes. Lorsque les acteurs de cette scène s’essoufflent, ce moteur tourne à vide, comme ce fut le cas lors de la crise irakienne. Et en ce temps où l’urgence règne, où l’actualité prend le pas sur les principes, ce contexte ne pouvait être qu’un obstacle à la bonne finalisation du texte constitutionnel, qui portait pourtant nombre d’espoirs d’unification politique. La Constitution européenne était décevante.
Cela ne nous empèche pas de proposer un idéal, qui de compromis en compromis, pourrait aboutir à une l’Europe rêvée par nos aïeux.
A. Une Europe politique forte et une vision à long terme
1. Pour cela, il est nécessaire, en premier lieu de « dénationaliser l’Europe », c’est à dire de progressivement doter les représentants de l’intérêt général européen d’une autonomie de décision et d’une capacité accrûe à les faire appliquer, ou à appliquer plus rapidement les décisions prises au Conseil. Ce qui devrait être défini, pensé en termes communautaires est actuellement déterminé par des actions, des attitudes, des concepts nationaux ou intergouvernementaux. Les élections européennes sont par exemple investies par les enjeux politiques nationaux. La procédure de recommandation en cas de manquement aux règles de gouvernance européenne est également menée par les Etats, qui font ainsi à la fois office de juges et de parties. La fiscalité est l’apanage unique des nations ce qui crée d’importantes distorsions de concurrence. Les diplomaties restent nationales et Dieu sait que l’on ferait de très importantes économies en Europe en s’évitant de coûteuses représentations diplomatiques intra-européennes. Si l’on veut faire cette grande Europe, il ne faut pas avoir peur des mots, il faut se déclarer fédéraliste. Il faut mettre fin au concert des nations européennes. Et il faut commencer par son propre parti ! Il faut que le Parti Socialiste pense et se pense en termes européens. Pour que l’Europe soit souveraine, elle doit disposer des moyens unifiés de puissance publique. C'est le seul moyen d'harmoniser les droits nationaux, les réglementations, les objectifs budgétaires, les structures éducatives, universitaires, en un mot de rapprocher les peuples autour de valeurs, d'objectifs et de structures communes, pour fonder, de générations en générations, un sentiment d’appartenance et une citoyenneté européenne.
A titre d'exemple, le comportement budgétaire franco-allemand et l'incapacité de la Commission et du Conseil de les contraindre à respecter les objectifs des politiques communes (ici bien-sûr celle du pacte de stabilité), illustrent les limites pratiques de la "Fédération d'Etats Nations".
Pour sauver la face, le gouvernement propose un pacte de stabilité peu contraignant et dénie à l’Europe le droit de faire respecter les règles que les ministres des finances des quinze ont eux même décidé. En matière européenne, il faut de la diplomatie avant tout... Restons prudents relativement aux projets trop franco-français ou qui sonnent trop comme tels... Leur capacité de franchissement des différentes étapes de négociation est inversement proportionnelle à l'autosatisfaction qu'ils nous procurent lorsque nous les émettons...
L'Europe intergouvernementale devra bien un jour faire place à un Etat fédéral. L'Europe sortira un jour du "complexe d'évolutivité permanente". Peut-on imaginer une Europe de l'entre-deux pendant encore des décennies ? Nous devrons pouvoir dire un jour "Ca y est ", nous avons l'Europe, nous touchons l'Idée de tous ces illustres Esprits de l’Histoire, Rousseau, Kant, Hugo, Churchill, Briand, Monnet, Edgar Morin, tous ces prophètes de l'émergence politique, tous ces théoriciens du futur.
Si l'on veut d’autre part faire de l'Europe autre chose qu'un marché, seul un Etat fédéral européen peut servir de base à une union réellement durable.
N’hésitons pas à voir à long-terme, car c’est la vision d’un objectif ambitieux qui doit éclairer l’action présente. Ce jour de la Grande Europe sera arrivé lorsqu’un certain nombre de conditions seront réunies :
2. Pour mettre en place un embryon de scène politique européenne, on pourrait encourager les Etats membres à organiser les différentes élections nationales aux même dates. Cela ferait naître un cadre électoral commun aux nations européennes et donnerait plus de cohérence et de visibilité aux conséquences européennes des alternances nationales. Cela aboutirait même à une sorte d'alternance européenne.
3. Pour affermir la diffusion de l’idée européenne, il faut que s’organise une scène politique européenne. La médiatisation de la vie politique européenne est une condition importante à l’enracinement de l’Autorité européenne dans les représentations collectives, et à la naissance d’un sentiment national européen. L’élection directe d'une majorité parlementaire de laquelle émanerait une Commission serait une première mesure en ce sens. Par-là même, les élections européennes deviendront un enjeu européen et non plus national.
4. Doit se mettre en place un gouvernement européen, sur la base de la politisation de la Commission et de la mise sur le même plan du Conseil européen et du Parlement européen. Le Chapitre IV° D. trace des pistes pour avancer vers cet objectif.
5. Doivent se multiplier les relais entre l'administration centrale européenne et les administrations nationales qui deviendront des administrations européennes. Il faudrait ainsi « dé-bruxelliser » l’Europe, dans les Etats. Cela permettra de faire perdre aux Institutions communautaires leur image lointaine et centralisée.
6. Les Etats sont progressivement revenus aux négociations, qui avaient achoppé lors du sommet de Bruxelles, pour façonner un nouveau projet de Constitution européenne,
Un mois après l’élargissement de l’Europe à dix pays de l’ex bloc soviétique, un consensus favorable s’est mis en place pour que les gouvernements entérinent la Constitution, telle qu’elle a été définie aux cours de la convention européenne. Celle-ci doit maintenant être ratifiée par les Parlements nationaux, et, là où cela sera décidé, par referendum.
Mais il faudra avant tout réfléchir aux modalités de modification du texte à l’avenir.
La longévité d’une Constitution dépend tout d’abord, de la capacité d’adaptation du texte originel aux évolutions institutionnelles par la suite perçues comme nécessaires. Faute en partie d’avoir su créer des textes constitutionnels suffisamment souples, la France en a connu douze en deux siècles, et l’on parle encore de changer l’actuel…
Ces modalités de réforme constitutionnelle devront également permettre d’infléchir le texte à l’avenir, pour lui permettre de refléter les avancées des différentes politiques européennes, comme de la politique sociale, par exemple. Prévoir une procédure d’amendement constitutionnel efficace et démocratique est donc essentiel.
La procédure actuellement proposée à l’article IV-7 par le texte « Giscard » prévoit que si le Conseil des ministres accepte à la majorité qualifiée de saisir l’Europe d’une proposition de réforme constitutionnelle, une nouvelle convention constitutionnelle serait mise en place, composée de membres nommés, et non élus, et serait chargée de conduire la modification du texte.
Il serait intéressant de rendre cette procédure plus démocratique en permettant à une Assemblée élue de se prononcer à la majorité qualifiée (majorité comprise entre 60 et 80 %). Associer d’autre part les Peuples, par referendum, aux évolutions de l’Europe apparaît également être une mesure irremplaçable pour que les citoyens puissent s’approprier l’Europe, qu’il s’agisse de la Constitution elle-même ou de ses réformes futures qu’il faut d’ors et déjà envisager.
Outre de pouvoir être amendée, celle-ci doit être crédibilisée par un contrôle de constitutionalité européen. La crédibilité d’une Constitution est conditionnée à ce que la conformité des actes légaux émis par les Institutions puisse être vérifié, par une Autorité juridique indépendante. La pratique politique des IIIème et IVème République nous montre que l’absence de contrôle constitutionnalité entraîne la possibilité que des lois non conformes à cette Constitution puissent être votées.
On peut aller plus loin en imaginant un système de saisine du juge Constitutionnel européen a posteriori, c’est à dire après que la loi ait été mise en place, par les citoyens de l’Union. Si c’est déjà la procédure actuelle en ce qui concerne les traités européens, il est aisément possible de l’imaginer en ce qui concerne la Constitution européenne, et ce, d’autant plus que c’est la procédure en vigueur aux Etats-Unis. Les citoyens pourraient alors recourir devant le juge constitutionnel européen lorsqu’ils estimeraient que leurs droits contenus dans ce texte ne seraient pas respectés, que ce soit par une loi un règlement européen, ou une décision judiciaire nationale.
Il faut, on le voit, que les citoyens soient le mieux informés possibles sur les possibilités qu’ouvre l’Europe, pour qu’ils puissent s’approprier celle-ci.
7. L’Ecole sera le premier vecteur de diffusion de l’idée européenne et devra diffuser le bilinguisme dès l'école primaire, trois langues au collège, et une quatrième sera mise au programme au lycée. Je suis de la génération des trois langues « de droit commun ». On peut espérer que la prochaine fasse mieux, pour peu qu’on lui en donne les moyens. Ils sont nécessaires, car à l’heure de la mondialisation, il faut faire des jeunes français les Européens les plus mobiles et les plus aptes à établir des contacts tous azimuts.
8. Il faut un budget européen plus élevé et surtout fonder une procédure de décision budgétaire annuelle, fournissant aux Etats des orientations budgétaires compatibles avec la situation générale de l’Union, et en cohérence avec les actions de la BCE. Actuellement, cette procédure se fait sur des périodes de sept ans, le budget de la Communauté est très faible et il n’y a aucune cohérence entre les politiques budgétaires nationales et les actions monétaires. Le Chapitre IV°B. propose une architecture possible de gouvernance économique européenne.
9. Pour que l’Europe ne soit pas qu’une globalisation à échelle régionale, un modèle social européen et une politique sociale européenne devront être promus le mieux que possible.
Sur ce fameux modèle social, il faudra tout d’abord attendre que se réalise la convergence des niveaux de vie européens entre l’Est et l‘ouest. Vingt ans peut-être seront nécessaires, dix ans, si l'on observe un effet d'entraînement économique similaire à celui qui a suivi l’intégration espagnole.
Il faudra également que la Grande-Bretagne accepte le consensus sur cette question... Que les Pays-bas et l’Espagne acceptent l’harmonisation fiscale… Dans ce domaine naturellement la diplomatie intra européenne maintiendra jusqu’à « ce jour » une importance fondamentale. Le Chapitre IV°C. tente d’en tracer des orientations possibles.
10. L’Europe doit se voir progressivement dotée d’une diplomatie commune, qui viendrait réduire le poids de la diplomatie intra européenne d’une part, et donner de l’Europe une face unique aux yeux du monde.
11. Il faut par ailleurs faire d’euronews une chaîne analogique et accessible partout en Europe avec n’importe quel téléviseur, pour que la voix européenne de l’information puisse donner à la télévision un visage européen.
Pour améliorer la gouvernance économique dans l’Union européenne, il est nécessaire de mettre en place des politiques économiques européennes unifiées.
La politique économique possède deux aspects. Un volet monétaire et un volet budgétaire. La politique monétaire d'un côté détermine le prix de l'argent, par le biais du taux d'intérêt, décidé par la BCE. Les objectifs qu'elle poursuit peuvent être la stabilité monétaire et celle des prix mais aussi la relance de l'activité, de la croissance, et de l'emploi. Lorsque la conjoncture est morne, la Banque centrale possède la capacité de baisser le taux d’intérêt, et de stimuler l’investissement et la consommation, à court terme. Inversement, si une zone monétaire connaît une surchauffe inflationniste, la stratégie des autorités monétaires sera tout naturellement d’augmenter les taux d’intérêts pour diminuer le taux de liquidité dans l’économie et préserver la stabilité monétaire, et celle des prix.
La meilleure stratégie consistant en une gestion prudente et stable de la monnaie, pour éviter un conjoncture trop cyclique et une incertitude des acteurs, voire une perte de crédit dans la monnaie, qui entraîne notamment, une augmentation des attaques spéculatives lorsque des décisions monétaires sont prises.
La politique budgétaire d'autre part détermine les secteurs auxquels seront allouées les dépenses publiques (plus d'éducation ou plus de police). Ces deux aspects constituent ce que les économistes appèlent le policy-mix, c'est à dire une politique mêlant les deux types d'actions sur l'économie.
A l'heure actuelle, et depuis l'arrivée de l'euro, seule la politique monétaire existe au niveau européen. Mais les statuts et les mandats de la BCE ne lui donnent pour seul et unique objectif la préservation de la stabilité monétaire. Cette orientation implique des taux d'intérêts élevés, ce qui, en période de crise, comme c'est le cas actuellement, peut être préjudiciable aux chances de reprise.
La politique budgétaire européenne est, de son côté, fortement limitée.
a) D'une part parce que le budget européen est très faible.
b) Les domaines de l'action publique communautaire sont peu nombreux: il ne s'agit que de la Politique agricole commune, de l'aide structurelle au régions, et des dépenses courantes de l'administration européenne. A cela s’ajoutent les programmes ERASMUS/SOCRATES d’échanges étudiants.
c) D'autre part parce que la convergence des politiques nationales est conditionnée non à des mises en causes directes de la Commission, mais aux atermoiements des intérêts nationaux, au Conseil des ministres. Il s’agit de ce qu’on appelle la subversion intergouvernementale (cf. supra), opposée au principe même de l’idée européenne.
d) Enfin parce que, concernant les Etats, le pacte de stabilité est actuellement trop rigide.
Tout part d’un constat, celui de la rigidité du pacte de stabilité, qui empêchait jusqu’à maintenant tout déficit supérieur à 3%, et ce quelle que soit la situation économique. Il faut par conséquent, et c’est l’objet de ces propositions, que l’on puisse chaque année décider d’un nouveau pacte de stabilité, d’un nouveau budget, de nouvelles orientations budgétaires qui « collent » aux évolutions économiques et qui puissent permettre aux Autorités européennes d’exercer au mieux leur fonction contra-cyclique.
On estime que l'absence de coordination des politiques économiques européennes réduit le taux de croissance de 0,5 à 1%. Ceci équivaut à perdre entre 50 000 et 150 000 créations d’emplois. Le chiffre exacte dépend de la fluidité du marché du travail et des politiques structurelles d’incitation à l’emploi (cf. sur ce point le chapitre II).
Les propositions suivantes tentent de donner une architecture cohérente dans la définition du budget européen, et des politiques économiques communes. Ces propositions consistent en un transfert de compétences dans la définition des politiques économiques, du niveau national au niveau européen. Les nations garderont leur budget mais celui-ci sera fortement déterminé par les choix annuels pris au niveau européen.
Ces propositions procèdent de la volonté de concilier quatre principes :
a)Un principe de stabilité tout d’abord, puisque l'indépendance de la Banque centrale sera respectée.
b)Un principe démocratique, car le parlement sera associé au processus annuel de décision budgétaire.
c)Un principe de subsidiarité. Le principe de subsidiarité consiste à donner une compétence au niveau de pouvoir le plus efficace dans l'exercice de celle-ci. Or, dans le domaine des politiques économiques, il est plus efficace de les définir au niveau le plus élevé et de laisser leur application aux niveaux inférieurs dans une finalité évidente de cohérence économique dans toute l'Union.
d)Quatrième principe et sûrement le plus important, le principe fonctionnaliste de ces propositions. En effet, à partir de la souplesse introduite dans les choix de la politique monétaire, on met en place une véritable procédure annuelle de détermination budgétaire, qui elle, est purement politique. On part donc du domaine économique pour structurer politiquement l'Union européenne, selon la méthode fonctionnaliste initiée par les pères fondateurs, Jean Monnet, Maurice Schumann et Alcide de Gasperi.
Ce budget pourra présider à la mise en place des structures de répartition, de service d'intérêt général, d'éducation et de formation européenne. Ces structures seront les garantes de la mobilité effective des travailleurs, à l'intérieur de l'Union et de la crédibilité politique de notre monnaie commune, l'euro, à l'extérieur de l'Union.
Le fonctionnalisme de cette proposition, c'est aussi la création d'un cadre politique permanent de négociation et de décision économique.
Il s'agit d'abord d'une procédure décisionnelle budgétaire associant une multiplicité d'acteurs européens, communautaires, intergouvernementaux et parlementaires. La procédure suivante contient six volets, allant de la définition des orientations budgétaires à la vérification de leur bonne application.
1. Pour cela, des négociations doivent être effectuées annuellement, avant l'automne, par des responsables communautaires et intergouvernementaux tels que :
a) le Commissaire européen aux affaires économiques.
b) le Président de la BCE
c) les ministres des finances de la zone euro
d) des rapporteurs parlementaires nationaux
e) les membres du comité économique et social européen.
Ces négociations doivent aboutir à des Grandes Orientations de Politiques Budgétaires qui détermineraient annuellement de la répartition budgétaire européenne. Le pacte de stabilité sera ainsi assoupli, et chaque année, en fonction du contexte économique et du visage politique de la majorité européenne, un niveau de déficit acceptable sera décidé.
a) Ces propositions concerneront tout d'abord le budget de la communauté toute entière, qu'il s'agira d'accroître. Sur ce point il faut se prononcer en faveur d'un impôt direct européen, symbole fiscal d'un lien naissant entre la collectivité européenne et les citoyens européens qui la composent. Cet impôt donnera une plus grande latitude d'action à la communauté.
b) Elles définiront également des procédés de convergence entre les budgets nationaux, sur de multiples domaines, tels que le système fiscal, le niveau de déficit, et d'autres, qu'il faudra élargir progressivement, tels que les structures de répartition sociale, les structures éducatives, policières, et pourquoi pas…militaires.
2. Avant la fin de chaque année, ces orientations devront évidemment être soumises au Parlement européen, et ce dans l'optique d'insuffler un caractère démocratique à cette procédure. Les Etats appliqueront les orientations budgétaires définies au cours de ce processus décisionnel, et notamment le « pacte de stabilité annuel ».
3. La vérification de cette application doit être placée sous la responsabilité directe du Commissaire européen aux affaires économiques. Celui-ci devra être en mesure de sanctionner directement l'Etat outrepassant les choix européens, pris en amont en présence de son ministre des finances et de parlementaires nationaux. Il pourra le faire directement et sans passer par le Conseil. Il décidera dans l'indépendance et l'impartialité auxquelles sa fonction le soumettent et pourra enjoindre l’Etat en question de respecter les dispositions budgétaires dont il aura par ailleurs précédemment participé à l’élaboration.
Il faut signaler sur ce point le caractère volontariste de cette procédure de sanction directe, par rapport à la procédure actuelle, dans laquelle le Conseil des ministres décidait de sanctionner ou non l’Etat en déficit, sur proposition de la Commission ; mais on a vu avec la récente crise du pacte de stabilité que les Etats avaient plutôt intérêt à ne pas user de sanctions pour des raisons diplomatiques et pour s’autoriser une marge de manœuvre. Cela n’est pas efficace, car l’effet dissuasif des menaces de sanctions ne fonctionne que s’il existe une Autorité qui les fasse appliquer effectivement. Cela entraîne des conflits politiques et juridiques, bien inutiles entre partenaires européens d’une part, entre les Etats et la Commission européenne d’autre part.
La souplesse budgétaire doit être introduite non pas lorsqu’il est question d’appliquer ou non les décisions mais en amont, au moment de la réalisation annuelle des grandes orientations de politique économique
Cette procédure de sanction directe (sans passer par le Conseil des ministres) n'est pas nouvelle puisque c'est celle en vigueur dans le domaine de la concurrence.
Elle est d'autre part plus efficace que la procédure actuelle. Celle-ci politisait les sanctions, en les conditionnant aux négociations diplomatiques, lentes et opaques du Conseil européen, rendu manchot par le vote à l'unanimité. La mort du pacte de stabilité en novembre 2003 l’a démontré : le Conseil des ministres européen a refusé d’imposer des sanctions pour le non-respect de ce pacte par la France et de l’Allemagne, et le Commissaire aux affaires économiques a dû engager une procédure juridique, ce qui est, convenons-en, absurde. Seule l’indépendance du Commissaire est en mesure de faire appliquer les traités à lettre, et non les Etats qui défendent leurs intérêts, en dernier ressort. Cette procédure aurait un caractère dissuasif puisque la sanction deviendrait certaine, tout en étant plus souple puisque le pacte de stabilité évoluerait chaque année en fonction de la conjoncture économique.
4. Les propositions ne concernaient jusqu'à présent que la politique budgétaire. Abordons maintenant le volet monétaire. Car la politique monétaire prend dans cette architecture une place prépondérante.
C'est en effet ce pôle qui doit guider la politique budgétaire et ce pour deux raisons simples : la Banque Centrale Européenne est indépendante et les effets de la politique monétaire se font sentir à plus court terme. Elle est donc la première à réagir aux variations de la conjoncture économique, et la politique budgétaire, décidé à dates fixes, ne peut que suivre les décisions indépendantes de la BCE.
Rappelons tout d’abord les raisons qui fondent le principe d’indépendance de la Banque Centrale Européenne :
a)Tout d'abord des raisons d'expertise. Les gouverneurs des Banques centrales sont nommés sur leurs compétences, leur expérience et ils doivent rester hors de portée des pressions électoralistes.
b)Ensuite par le poids historique et le caractère exemplaire de la monnaie allemande dans la zone économique européenne. Celle-ci, par sa stabilité et par sa bonne gestion fondée sur l'indépendance de la Bundesbank, constitua l'étalon par rapport auquel on jugeait les autres monnaies européennes.
c)Le souvenir de l'instabilité monétaire chronique de la France et de l'Italie empêche de douter de la plus grande efficacité d'une banque centrale indépendante. Je rappelle à vos mémoires les 14 ou 15 % d'inflation des années 70 durant lesquelles des décisions hâtives du pouvoir politique face à la crise avaient entraîné la sortie du Franc, et de la Lire du serpent monétaire européen en 1973, puis du système monétaire européen en 1980. Une banque centrale indépendante évite les inefficaces relances effectuées en fin de mandat et décidées en fonction de considérations électoralistes et non économiques. Les 8% de croissance américaine n’entrent-ils pas dans cette catégorie de phénomènes économiques impurs ? Il est dans ce domaine malheureux de penser à la dette américaine, au déficit public, et commercial concomitants à cette « surcroissance » (overgrowth).
d)Enfin, il apparaît que l’une des grandes limites des politiques de relance se situe dans la fuite de liquidités en importations. En effet toute politique visant à relancer la consommation accroît mécaniquement la facture des importations. Or, une monnaie forte permet de réduire le prix relatif des produits importés. Par conséquent une monnaie forte accroît mécaniquement l’efficacité des politiques de relance. L’indépendance de la Banque Centrale permet ainsi une réduction de la « fuite en importations », et réouvre la possibilité de revenir à des politiques de relance, que les Etats européens s’étaient interdits, au vu du niveau atteint d’endettement public, et de dévaluation monétaire.
e) Une autre raison peut également être invoquée, à long terme. En effet, la faille d’une politique monétaire expansive tient en la probabilité de prévision par les marchés de la mise en place de cette politique. On s’attend facilement à ce qu’un Etat possesseur de sa Banque centrale effectue une dévalorisation monétaire quand il le souhaite. Par conséquent, plus la période de crédibilisation de l’euro sera longue, plus la politique monétaire, le jour où elle interviendra, sera efficace, et moins les conséquences négatives en terme de dévaluation monétaire, se feront sentir. Naturellement, cette possibilité n’a pas à être envisagée avant une quinzaine voire une vingtaine d’année. Peut-être que jamais la BCE ne décidera de réduire ses taux ou d’engager un politique monétaire. Il n’empêche que Robert Mundell, Prix Nobel d’économie 1999, nous enseigne qu’en économie ouverte, et si la monnaie est crédible, une relance monétaire est efficace. Comme il le formule : « à chaque objectif de politique économique, il faut utiliser l’instrument le plus efficace, de la manière la plus efficace ».
Si donc la BCE doit rester indépendante d'une part, et si d'autre part elle participe à la définition des politiques budgétaires (comme l'atteste, je vous le rappelle sa présence à la procédure de détermination des Grandes Orientations des Politiques Economique (GOBE) citée plus haut), c'est que le policy-mix sera guidé par la politique monétaire. Le pôle budgétaire devra être calqué sur celle-ci, et ce dans une volonté de cohérence des deux domaines d’action de politique économique. Pour la crédibilité internationale de l'euro et à l'heure de la concurrence monétaire avec le dollar, il faut qu'il y ait une cohérence budgétaire qui accompagne les décisions monétaires.
5. Si l'on oriente la politique économique sur le pôle monétaire et que les statuts et mandats de la BCE restent rigides et seulement orientés, comme c'est le cas à l'heure actuelle, vers la seule promotion de la stabilité monétaire, aucune latitude d’action n’est possible pour la politique budgétaire. Une véritable politique budgétaire ne pourra pas se mettre en place si l'on sait dès le départ qu'il n'y aura aucune autre possibilité de décision, aucune marge de manœuvre.
En un mot, il faut introduire un élément de souplesse dans la politique monétaire pour pouvoir créer une véritable politique budgétaire, elle-même je le rappelle, garante de la crédibilité politique de l'euro.
Dès lors s'impose à nous la nécessité d'élargir les mandats de la BCE à la promotion de la croissance et de l'emploi par notamment la possibilité de baisser le taux d'intérêt, uniquement durant les périodes de récession et dans le cadres de règles prudentielles strictes prédéfinies.
C'est la structure actuelle aux Etats-Unis ! Pourquoi nous entraver nous-même et ne pas nous donner les moyens de concurrencer les politiques économiques américaines ? Pourquoi nous rendre manchot par rapport aux américains qui eux se servent efficacement de leur latitude de choix monétaire ? En effet, grâce à l'action efficace d'Allan Greenspan, ils ont connu dans les années 93-95 la plus forte relance jamais enregistrée, après la terrible crise de 1993. De cette relance découla ensuite une période de taux de croissance record allant de 3 à 5 % par ans pendant 7 ans. La souplesse monétaire prit également une place essentielle dans la relance impressionnante des Etats-Unis en 2003. Avec son taux directeur à 1%, Allan Greenspan participa activement des 8,2 % de croissance au quatrième trimestre 2003 et les 3,5 % de 2004. La baisse du dollar conséquente à cette politique a enfin permis d’accroître la compétitivité-prix des exportations américaines, aux dépends des entreprises européennes.
Ces propositions sont également le seul moyen de créer un cadre suffisamment cohérent qui puisse précéder la mise en place d’une politique sociale européenne, le parent pauvre de l’europe.
Lorsque nous aurons délimité le cadre d’action économique de l’Union européenne, il sera possible de persuader les autres Etats membre de l’intérêt d’une harmonisation sociale permettant la pleine et entière mobilité de tous les citoyens dans l’Union européenne. Ce ne sera pas facile, et cela prendra du temps, au moins une ou deux décennies, admettons-le. Ce n’est pas une raison pour ne pas réfléchir à ses objectifs et ses structures possibles.
1. Ce n’est tout d’abord que si l’on dispose d’une formation adéquate dans tous les pays d’Europe et du monde, que les citoyens français pourront dans leur totalité, voyager et travailler à l’étranger, se sentir chez soi, partout en Europe. L’harmonisation des diplômes et des passerelles entre universités, la démultiplication des possibilités d’enseignement offerte par la mobilité des étudiants permettra d’accroître la qualité de nos ressources humaines sur un marché européen parfaitement mobile.
Mundell, encore lui, enseigne que l’optimalité d’une zone économique et monétaire repose sur la mobilité des travailleurs. N’importe quel professeur d’économie vous dira que le facteur humain est aujourd’hui des milliers de fois moins mobile que le facteur capital, qui est pour sa part totalement informatisé, virtualisé, parfaitement fluidifié. Le capital, qui avait besoin des nomades au temps jadis pour être fructifié, s’auto fructifie tout seul dans une masse immense et informe de spéculation virtuelle. Les travailleurs doivent réagir et disposer des moyens de la mobilité sur un marché du travail européen unifié. L’harmonisation pleine et entière des diplômes européens en est une étape décisive de sa mise en place.
2. Il faut d’autre part harmoniser nos systèmes de retraites dans le sens de la mobilité, et de la possibilité de disposer de son temps de retraite pour voyager, voir, connaître l’Europe, et qui sait, en transmettre l’esprit aux générations suivantes. Ce système de retraite pourrait, comme le système de diplômes par crédits reconnus partout, être fait de points convertibles d’un pays à l’autre, ce que la monnaie unique facilite. Ainsi, le retraité percevra sa pension dans le pays où il est et une caisse commune sera chargée de répartir les contributions de chaque Etat en fonction du nombre de retraités qui auront choisi de s’installer dans chaque pays. Naturellement, les pays qui accueilleront le plus de retraités seront les plus dotés ce qui les incitera, tous, à améliorer les structures d’accueils pour personnes âgées. L’intérêt d’une telle mesure d’envergure est donc double : elle permet d’une part la pleine et entière mobilité du troisième age et elle incite les Etat à accroître leur « senior attractivité ».
3. La politique sociale européenne, c’est également l’harmonisation fiscale de la TVA, que plusieurs gouvernements et Présidents de la Commission se sont usés à promouvoir auprès de certains pays européens (Espagne, Hollande, Grande-Bretagne) qui utilisent ce moyen pour attirer des consommateurs étrangers. Il faudra cependant la promouvoir, sans faillir, car elle est une étape indispensable dans la réduction des distorsions de concurrence qui peuvent exister au sein du marché commun.
4. Enfin, la politique sociale européenne, ce sont les Services d’Intérêts Généraux européens, qui seront amenés à remplacer un jour les services publics nationaux actuels, en voie de disparition. Mais comme le marché est et restera incapable de pourvoir un certain nombre de services publics satisfaisant les critères qualitatifs minimums -- il faut voir le métro et le train britanniques, ou les coupures d’eau londoniennes ! – l’Europe devra au moins pourvoir en moyens légaux permettant d’investir là où le marché n’est pas incité à mettre de l’argent : dans la maintenance et l’amélioration des infrastructures. Ces domaines pourraient constituer des Services d’Intérêts Généraux européens, qui seraient gérés par une entreprise européenne de maintenance générale (chemins de fers, réseaux électriques, contrôles techniques, etc...). En l’occurrence, c’est bien sur la question de la maintenance que le bat blesse dans le cas des privatisations britanniques. C’est par conséquent un exemple de domaine où peut intervenir la puissance publique européenne. Là où le marché n’est pas capable de satisfaire seul le mieux-être des consommateurs, des partenariats public-privé peuvent être pilotés par l’Europe et appliqués par les autorités locales.
5. Là où par ailleurs le marché restera seul à produire un service public, l’Europe ne devra pas manquer de pourvoir en réglementations propres à assurer la satisfaction pleine et entière du consommateur, et le respect du principe de meilleure qualité de service pour le moindre prix.
D. Pour la mise en place progressive d’un gouvernement européen.
1. Ces cadres permanents de décision ont pour finalité la mise en place progressive d'un embryon de ministères européens de l'économie, des finances ou des affaires sociales, qui naîtraient sur la base d'une collaboration étroite, d'une synergie, entre des acteurs communautaires et intergouvernementaux, la Commission et le Conseil. Les Commissaires seraient consacrés ministres européens et la Commission serait ce gouvernement.
2. Concrètement, le Conseil des Ministres, véritable Sénat européen, déciderait à la majorité qualifiée et en codécision avec le Parlement Européen, sur toutes les questions entrant dans les compétences de l’Union. Celles-ci devront être définies en amont, dans le texte constitutionnel européen de la façon la plus extensive. Le principe fondamental étant qu’à partir du moment où une question entrerait dans la compétence de l’Union, elle serait traitée à la majorité qualifiée. La Commission serait ce gouvernement et garderait son pouvoir d’initiative des lois. Elle serait l’émanation directe du Parlement européen et serait responsable devant celui-ci.
3. La Commission serait politisée par l’élection du Président de la Commission. Les élections européennes prendraient alors une toute autre importance, et perdraient leur subversion nationale puisque les enjeux, les thèmes, les conséquences du scrutin auraient un sens proprement européen et non plus national comme c’est le cas pour le moment.
4. La Présidence de l’Union serait exercée par le Président de la Commission européenne, qui agirait en consultation permanente avec le Président du Conseil des Chefs d’Etats. Les blocages au sommet doivent être évités, dans la mesure du possible, par la concertation la plus intense, en amont du processus décisionnel.
5. La Présidence tournante du Conseil des chefs d’Etat doit se maintenir dans sa forme actuelle, car elle avait le mérite de donner à chaque Etat membre une pouvoir d’influence égal aux autres (six mois tous les douze ans et demi).
La proposition de double présidence européenne intervenue pendant la Convention pour l’Avenir de l’Europe, présidée par Valérie Giscard d’Estaing, constitue un grand risque de créer une incohérente bicéphalie originelle au plus haut niveau de l’exécutif européen. Une seule tête pour l’Union apparaît plus naturelle, pour représenter en toute unité sa voix à l’étranger. Si cette proposition avait abouti, on aurait pu voir tous les deux ans et demi, lors des élections pour cette Présidence, les chefs d’Etats faire campagne en se déchirant ! Imaginez Blair et Chirac se faire la guerre de communiqués, s’attaquant sur les blocages européens de l’un, sur les « affaires » de l’autre, ou sur son antiaméricanisme. Cela pourrait créer de grave distorsions dans les diplomaties intra-européennes.
C’est bien l’orientation du texte Giscard, et c’est un exemple de réformes, qui prouveront l ‘importance de la procédure de modification Constitutionnelle (cf. proposition IV-A-6.). Ce ne sera qu’à travers cette procédure d’amendement, qu’il faudra rendre la plus démocratique possible, que les erreurs du texte originel, si elles se révèlent, pourront être corrigées.
6. Une meilleure mise en réseaux informatique des administrations judiciaires et policières nationales entre elles et autour de l’administration Communautaire est nécessaire, pour accélérer l’application et la traduction des règlements et directives européennes, pour accroître la coordination des actions policières et judiciaires intra-européenne, et pour harmoniser la sécurité européenne des frontières. L’espace Schengen doit ainsi être élargi et les pays de l’Est doivent se voir attribuer les moyens techniques, financiers et humains pour mener à bien leur mission de contrôle des frontières extérieures européennes.
7. Un accroissement des rencontres officielles et informelles entre les ministres européens et le commissaire concerné sera nécessaire pour accélérer l’harmonisation des politiques publiques nationales, échanger des informations sur ce qui fonctionne chez les uns et chez les autres, et améliorer mutuellement, dans la synergie européenne les structures nationales. C’est dans le « 1+1=3 », dans le dépassement de la simple sommation des parties que l’Europe trouvera les voies de la puissance
1. La Grande Europe, première puissance économique mondiale, verra sa capacité d’influence et de poids décisionnels aux instances internationales largement accrûe. L’Union européenne devra avoir une action pacificatrice dans toutes les parties du monde pour tenter d’infléchir l’unilatéralisme de la droite ultra-conservatrice américaine, avec laquelle il ne faudra néanmoins cesser de dialoguer. La réduction de la diplomatie intra-européenne permettra une bien meilleure représentation des intérêts européens aux instances internationales. L’Europe, forte des enseignements de son histoire déchirée, et de sa construction lente et difficile, se devra d’être la voie de la pacification et de la démocratie mondiale. La démocratie mondiale, pilotée par des Nations Unies investies de pouvoirs nouveaux, quelle belle utopie du XXIIème siècle que les diplomates du vingtième et unième devrons bâtir de toute leur énergie.
2. Une diplomatie européenne de promotion de la paix se fonderait d’abord sur la réduction des fonds de représentation intra-européenne. Cette réduction du faste entre chancelleries européennes permettra de dégager des moyens supplémentaires, fournis à l’Europe, et de développer une diplomatie européenne extra-continentale d’envergure. Ceci permettra une plus grande efficacité et un meilleur rapport coût/qualité de la diplomatie européenne en général. La politique extérieure européenne unifiée sera bien plus à même de jouer des rôles effectifs dans les divers conflits mondiaux.
Il faudra par ailleurs que l’Europe intervienne dans le conflit israélo-palestinien, dans la promotion de la paix, de la désincitation au terrorisme.
Plutôt que d’utiliser la coercition qui ne peut que favoriser les actes terroristes, il faut reconnaître l’existence immuable d’Israël, et le droit des Palestiniens de disposer d’un Etat. Il faudra par une aide massive, permettre à ce nouvel Etat de se reconstruire, et aux deux peuples de panser leurs lourdes plaies pour engager une nouvelle ère d’existence commune respectée, de réconciliation, d’espoir, dans laquelle le terrorisme n’aurait plus de causes, et disparaîtrait de lui-même. Lorsque l’on n’a plus rien, que le seul horizon d’existence réside dans la pauvreté, la maladie, la faim, la guerre, ce qui est bien le cas dans cette région du monde, le nombre de suicides augmente, et ceux-ci sont irrémédiablement entraînés dans l’effort de guerre…L’espoir. C’est l’espoir de pouvoir vivre une vie normale qui enrayera les raisons même du terrorisme.
C’est un phénomène qu’il faut enrayer non pas en invoquant l’évidence, à savoir que « le terrorisme n’est pas une bonne chose », mais en promouvant une véritable politique d’aide et de développement en Palestine qui obère l’idée même du suicide meurtrier. Ce n’est pas en détruisant la logistique et les infrastructures palestiniennes que l’on permettra à son Autorité d’enrayer le terrorisme. C’est en arrêtant les incursions, en revenant dans le cadre fixé par les accords des Nations Unies, en négociant la disparition progressive des colonies, en collaborant dans des actions policières anti-terroristes et en engageant une politique de re-dynamisation économique et sociale que les deux Peuples feront disparaître les racines du terrorisme. C’est un sujet sur lequel hélas, tant de générations d’hommes n’ont pu résoudre…Peut-on le prendre sur une attitude autre que désabusée ?
3. Toute action de diplomatie active extra-européenne, comme celle qu’effectuèrent par exemple Dominique de Villepin, Jack Straw et Joshka Fischer en Iran pour négocier la fin du programme nucléaire militaire iranien, devra se réaliser sous la houlette du ministre européen des affaires étrangères qui effectuera en permanence un travail de lissage des positions, pour l’Union apparaisse la plus unie dans sa diplomatie extra-continentale. Preuve que cela est nécessaire, cette action menée à trois n’a pas tenu, puisque faute d’une vraie position européenne unique, les USA ont repris l’initiative dans cette région, à leur manière, coercitive, que la division européenne n’a pas permis de nuancer.
4. L’embryon d’armée européenne devra être un moyen d’actions d’interposition dans toutes les parties du monde, car la guerre se fait toujours à l’avantage des petits seigneurs de guerre quel que soit leur camp, et ce sont toujours les gens d’en bas qui trinquent. Ces projections de maintien de la paix et d’actions humanitaires doivent être des missions de protection des civils et jamais une prise de partie pour un camp, gouvernemental ou rebel. A ce sujet on peut dire que l’action menée en Côte d’Ivoire fut risquée mais la méthode utilisée – fondée sur le respect du droit international, sous l’égide de l’ONU, le maintien de la paix et la tentative certes inaboutie de réconciliation – est exemplaire. Malheureusement, elle illustre la difficulté des missions de maintien de la Paix. Que ce soit à Chypre, au Kosovo ou en Côte d’Ivoire, ces missions coûteuses et engageant la responsabilité de la France n’empêchent pas la dégradation de la situation, à plus ou moins longue échéance.
Elles restent essentielles pour mettre un frein à l’escalade de la violence. C’est pourquoi elles doivent se faire à plusieurs, que ce soit avec le vingt cinq ou en partenariat avec l’OTAN et sous l’égide de l’ONU.
La conception de l’indépendance et de la souveraineté nucléaire française, sous la responsabilité du seul Président de la République, doit être préservée. Mais elle doit s’adapter à la réduction du risque inter-étatique, et la nouvelle forme de menace à la sécurité nationale, à savoir le terrorisme de masse.
Cependant, un service de renseignement européen, qui soit plus qu’un haut fonctionnaire centralisateur comme c’est la forme nouvellement créée serait le bienvenu. Toujours dans le but de gagner en efficacité face à une menace mouvante, tout en rationalisant l’allocation des moyens de la puissance publique, grâce à l’Europe. Quant aux renseignements généraux, ils continueront à s’orienter sur la menace terroriste, face à laquelle il ne faudra pas hésiter, en dernier ressort, à utiliser sans faiblesse le bras armé de la Nation française.
5. Par ailleurs il nous faut penser le partenariat euro-méditerranéen à un plus haut de degré de coopération économique et militaire. Le désarmement de la Libye est une réussite incontestable de la diplomatie atlantiste, dans laquelle le Quai d’Orsay, avec sa position trop durement ressentie aux Etats-Unis, a perdu la confiance de nos alliés et fut exclu des négociations secrètes. Le prix de sa position courageuse fut de s’être mise hors-jeu, ce qui n’est jamais la solution.
De massives ouvertures douanières sectorielles européennes doivent être proposées aux pays du Maghreb.
C’est par ailleurs avec eux que devront se faire en priorité les investissements en équipements publics durables (cf. Chapitre V° E.2).
6. La dispute transatlantique a trouvé sa plus terrible illustration lors des négociations sur l’emplacement du projet I.T.E.R., qui contient en puissance la possible production énergétique de l’avenir, par fusion atomique de l’hydrogène, plus efficace que le nucléaire et non polluante. Le site de Cadarache est en compétition avec le site japonais de Rokassho-Mura et dispose déjà de la compétence et des infrastructures du Commissariat à l’Energie Atomique. Les Américains ont pendant un temps voulu nous évincer alors que nous disposons du premier réseau nucléaire mondial et donc du meilleur avantage comparatif dans ce domaine ! Ils nous ont écartés, au premier abord, des marchés irakiens de reconstruction, pays avec lequel nous entretenions d’anciennes et d’étroites relations d’une part, des crédits importants d’autre part. Ils nous ont par ailleurs « prélevés » sept cent soixante dix millions d’euros dans l’affaire Executive Life dans laquelle les motifs d’inculpation ont disparu entre la commission de la fraude en 1991 et l’accord amiable intervenu en 2003 entre la justice américaine et l’Etat français. Tout cela, ils n’ont pas hésité à le faire, du fait de notre position trop dure sur l’Irak.
Les Américains sont nos amis bicentenaires, nos alliés et il faut en cas d’alternance tacher coûte que coûte de regagner leur cœur et d’oublier cette mauvaise passe en engageant des projets communs. Il faut retourner à New York, encore et encore, il faut lancer une grande campagne de promotion de la France aux USA, démontrer qu’entre eux et nous, il y a des désaccords sur certains points, comme les accords de Kyoto, mais que nos valeurs occidentales sont identiques. La liberté, les valeurs démocratiques, républicaines, les valeurs du progrès fondées sur la connaissance, la rationalité et l’aspiration à la sécurité, sur l’économie de marché et une répartition juste de ses apports. L’antiaméricanisme français doit être combattu et non pas caressé, comme a l’habitude de le faire une partie de la classe politique. Non que nous ayons une appétence particulière à l’égard de l’Administration Bush, mais parce qu’au-delà des divergences transitoires, nous partageons avec eux l’essentiel de notre mode de vie. Il est impossible de cultiver la coupure avec les Américain dans un monde où par ailleurs, le monde Asiatique est en train de supplanter économiquement l’Europe. Nous nous isolerions et nous mettrions de la sorte en désaccord profond avec nos principes les plus essentiels.
7. Parallèlement, il faut se prononcer en faveur d’un certain interventionnisme international en matière de protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales, comme le préconise la Charte des Nations Unies. L’Irak n’avait pas d’armes de destructions massives, soit. Mais elle était dirigée par un dictateur responsable de la mort de dizaines de milliers de personnes. C’est là que la position française trouve ses limites : il n’y aura pas à l’actif de la diplomatie française, en 2004, le procès de Saddam Hussein. La France, pays des Droits de l’Homme, n’aura pas sa place dans cette action judiciaire historique.
Naturellement, la diplomatie reste plus efficace que la guerre, mais qu’au moins cette diplomatie soit réellement orientée vers la promotion de tous les droits de l’Homme, sans exception. Les atteintes aux libertés publiques d’expression et d’information en Tunisie doivent être déplorées, ce que n’a pas fait l’actuel gouvernement. L’Angleterre n’hésite pas à aller jusqu’à la rupture avec les régimes dictatoriaux comme le Zimbabwe de Robert Mugabe, qui organise des exactions et des expropriations sur les fermiers blancs. La diplomatie Chiraquienne, elle, s’accommode de régimes peu démocratiques et a d’ailleurs cordialement invité au sommet France-Afrique ledit Mugabe, que nombre de dirigeants africains eux-même condamnent…Cette orientation diplomatique d’aveuglement volontaire en matière de Droits de l’Homme a culminé lors de la visite d’Etat du Président chinois en France. Comme si la démocratie n’était qu’un vain mot que cultivent les seuls « idéalistes », Jacques Chirac et Dominique de Villepin ont décidé de prendre parti du côté chinois dans le conflit latent sino-taïwanais, au mépris affiché des règles minimales de mesure vis à vis de négociations en cours, qui plus est à l’autre bout de la planète. Les ventes d’armes à direction de la Chine vont reprendre, et Taïwan, pays démocratique qui, voulant prendre sa souveraineté par référendum pour se dégager de la gravitation du régime dictato-capitaliste de Pékin, se voit qualifié « d’agressif ». Naturellement, on ne peut rester immobile face à l’afflux de capitaux qui se dirige actuellement vers la Chine, mais de là à adopter une position si excessive, si contraire à nos principes, il y a une distance que n’a pas hésité à franchir l’actuel gouvernement. On peut avoir une politique commerciale qui respecte certains codes de bonne conduite démocratique. Car enfin, croyez-vous que ce genre d’attitude donne une bonne image de notre pays à l’étranger ? Hélas… Si cela nous met en bonne position vis à vis d’un pays lointain, c’est aussi la meilleure façon de nourrir les commentaires négatifs sur nous chez tous nos voisins et alliés.
La diplomatie française et européenne devra ainsi, plus qu’elle ne le fait actuellement promouvoir les Droits de l’Homme, au même titre que la Paix, la culture ou, nous y venons, l’écologie.
V° Action écologique : il n’est plus temps d’attendre
Il faut maintenant aborder le grand problème écologique, qui menace déjà, je dis bien déjà, nos civilisations, autant que les pays les plus fragiles comme le Bangladesh qui risque d’être submergé le premier par la montée des eaux. Le thermomètre s'affole, l'Arctique et l'Antarctique commencent à fondre, les plantes anticipent leur floraison... la Terre a entamé une mue climatique.
A. Rapide diagnostic connu
Jusqu'à la canicule de l'été dernier, le réchauffement climatique apparaissait surtout comme un aimable délire d’écolos barbus soixante-huitards. D'où la difficile prise de conscience des Européens après une massive vague de chaleur estivale qui a provoqué la mort d’une quinzaine de milliers de personnes, le ravage de millions d'hectares sylvicoles et agricoles, une sécheresse sans précédents, de gigantesques incendies, et d’importantes restrictions d'eau. Les ingénieurs de Météo-France ont calculé, il y a peu, que la fréquence des étés torrides devrait quintupler à l'avenir.
Les milliers de scientifiques membres du Groupe d'experts Intergouvernemental sur l'Evolution du Climat (GIEC) sont catégoriques : l'Arctique et l'Antarctique commencent à fondre. Le niveau de la mer s'élève, le climat se dérègle.
A l'origine de tous ces bouleversements, il y a les émissions de gaz à effets de serre (CO2, méthane...) qui constituent les principaux accélérateurs du réchauffement ; les effets des actions humaines sur l’écosystème et l’environnement biologique et climatique commence à surpasser en intensité les phénomènes astronomiques. En cent ans, le thermomètre mondial a augmenté de 0,5 °C. Les graphiques mettent en évidence une accélération du phénomène au cours des trente dernières années. La pluviométrie s'est déjà accrue de dix pour cent dans l’hémisphère Nord, et de trente pour cent dans la ceinture tropicale. Ce réchauffement entraîne l’accroissement du niveau des mers et augmentation de la masse des océans. Nombre d’atolls du Pacifique, tout comme le Bengladesh, dont l'altitude moyenne ne dépasse pas un mètre, sont menacés d’immersion. A terme, la fonte des calottes glaciaires et des glaciers de montagne scelle le sort des îles du Pacifique.
L’augmentation de la masse des océans présente une menace directe pour notre atmosphère : celle de fissurer certaines couches du manteau et d’ouvrir aux hydrates de méthane le chemin de notre air ambiant. L'hydrate de méthane est une « clathrate », une glace, pouvant contenir une quantité importante de gaz. On situe la présence d’importantes couches de ce gaz en milieu océanique et dans les régions froides de l’Antarctique et du cercle Arctique. On retrouve aussi des hydrates de méthane dans les pergélisols, des sols gelés en toute saison. Les fonds océaniques en referment deux fois plus que la quantité mondiale d’hydrocarbure.
On imagine facilement le lien qui existe entre ces hydrates de méthane et le processus actuel de réchauffement de la planète. A moyen terme, une faible augmentation de température menace de libérer des quantités considérables de méthane dans l'atmosphère. Un dégagement d’hydrates de méthane causé par exemple par une augmentation d’un ou deux degrés centigrades de la température des océans peut produire une augmentation exponentielle des gaz atmosphériques à effet de serre, et provoquer un phénomène auto-entretenu d’accélération du réchauffement de la planète. L'Arctique se réchauffe désormais au rythme accéléré de deux degrés par décennie. Sur cette même période de temps, durant les mois d'été, la banquise se rétracte de dix pour cent supplémentaires. Au plus fort de l'hiver, elle s'est réduite de quarante pour cent. Le réchauffement intense provoque également le dégel de pans entiers du permafrost dans les région gravitant autour des pôles (Scandinavie, Sibérie, Canada, Alaska). Ouvrons les yeux ! 50% du pôle Nord a fondu, d’immenses réserves de méthane menacent de se répandre dans l’atmosphère du fait de l’augmentation de la pression des océans provoquée elle-même par une augmentation de la température globale. C’est ce que des études associant plusieurs scientifiques de nombreux domaines (climatologues, physiciens, biologistes, astronomes), ont désigné sous l’appellation « d’hypothèse d’accélération du réchauffement global ». Un article du Guardian du 22 février 2004 a révélé l’existence d’un rapport de la CIA qui appelle le regard du Président sur la menace à la sécurité américaine que constitue le réchauffement de la planète. A cela, les entreprises pétrolières répondent ouvertement « que l’accroissement de la vitesse de montée des eaux ne présente pas une menace puisque des Nations telles que les Pays-Bas ont su conquérir des eaux grâce à leurs polders ». Ce raisonnement ne vaut que si l’on est prêt à mettre des moyens titanesques, pour contrer la montée des eaux au niveau mondial, ce qui est autre chose que la seule surface des polders néerlandais.
Le diagnostic est aussi saisissant concernant les arbres : En un siècle, la vitesse de croissance des arbres a triplé. Cela est dû au réchauffement, mais aussi à l'augmentation du CO2. Des chercheurs agronomes de premier plan affirment que nous devrions développer de nouvelles cultures de façon à nous préparer à un climat de pays sec ! D’autres théories soulèvent le grave problème de la déforestation qui élimine ce que l’on appelle les « puits de carbone », comme l’est la forêt amazonienne. La déforestation accélère donc l’accroissement de la densité de carbone dans l’atmosphère.
Il existe par conséquent deux voies parallèles de déstabilisation du système de régulation climatique mondial, les hydrates de méthane et la déforestation, qui concourent à accroître exponentiellement le risque de réalisation du scénario de l’accélération subite du réchauffement planétaire. C’est pourquoi la lutte contre les causes de ce risque environnemental majeur doit être une priorité.
Et encore, nous n’abordons pas l’immense problème de l’atteinte grave que le réchauffement de la planète fait peser sur la biodiversité. Des millions d’espèces sont menacées par la montée des eaux…à commencer, malheureusement et malgré toute notre puissance et nos certitudes, par l’espèce humaine.
Pourquoi continuer à fermer nos oreilles, à faire comme si notre mode de vie pouvait sans changements qualitatifs continuer à tourner immuablement à neuf milliards d’humains vivant à l’Américaine ?
La prise en compte des grands risques environnementaux n’est plus qu’un idéal de vie, ou un futur coût économique, mais bien une question de sécurité internationale.
Le développement durable est donc une préoccupation aussi importante que les Droits de l'Homme, auxquels figure notamment la sûreté. Une société consciente ne peut se passer de prévenir les atteintes irréversibles que le système économique fait subir à son environnement. Il nous faut presque intégrer les préoccupations environnementales aux Droits de l'Homme, car à travers la défense de l'environnement, c'est l'humanité, présente et future que nous voulons préserver.
Et de même que les Droits de l'Homme n'ont de sens que dans leur universalité, le développement durable ne peut être pensé qu'au niveau global. Dans ce domaine, la France, dans sa tradition de modèle d'universalisme, doit donner l'exemple et proposer des politiques environnementales vigoureuses.
Réitérant deux siècles après Kant dans les maximes de morale universelle, Hans Jonas énonce en 1979 le Principe responsabilité : « Agis de sorte que la maxime de ton action préserve en même temps et toujours l'humanité présente et future ». Il intègre alors le champ de l’éthique la préservation de l’environnement et des générations futures. Mais cette morale n’aura de matérialisation qu‘économique et sociale, si elle veut se rendre crédible et s’inscrire dans le domaine du possible.
Les économistes rangent la pollution dans la notion "d'externalité". Une externalité est un coût qui n’est pas pris en compte pas celui qui bénéficie de l'avantage associé à ce coût.
Pour produire, certaines entreprises ont besoin de polluer. Mais ces coûts occasionnés sur l'environnement sont "externalisés" du marché et sont donc à la charge des pouvoirs publics. Et parce que le coût social de la pollution n'est pas pris en compte par les agents économiques, les entreprises ou les consommateurs ne sont pas incités à diminuer leur quantité produite de pollution. Le sentiment de rareté nécessaire à la bonne marche du système économique n'existe pas dans la production de pollution. Il faut donc reproduire la rareté dans un système qui ne la reconnaît pas, en responsabilisant les agents économiques pollueurs par des taxes ou des émissions de droits à polluer.
Deux principes sous-tendent la mise en place de taxes écologiques.
Le principe du pollueur-payeur tout d’abord, qui permet de justifier "l'internalisation" de ce coût dans le marché pour créer un sentiment de rareté nécessaire de la pollution. « L'internalisation », c'est le fait de réintégrer ce coût dans le marché, à la charge de celui qui produit la pollution. Une taxe permettrait de rendre la pollution coûteuse pour les entreprises et les consommateurs, et permettrait de les inciter à substituer leurs habitudes anciennes et polluantes par des habitudes plus propres. Internaliser le coût de la pollution dans le marché est une étape primordiale dans la responsabilisation des acteurs économiques.
Outre une simple taxe sur la pollution, il existe également les permis de polluer. Ces permis sont des titres qui seraient émis chaque année par rapport à la quantité de pollution constatée la première année. Chaque année, le niveau des émissions de droits à polluer serait diminué ce qui obligerait tous les acteurs économiques à restreindre progressivement la pollution occasionnée par la production. Ces droits seraient vendus aux enchères pour tirer leurs prix vers le haut et dissuader le plus d'entreprises d’user de moyens de productions polluant.
Mais si ces droits sont mis aux enchères, leur accès serait pratiquement impossible pour les pays en développement. C'est pourquoi nous devons proposer également la mise en place de droits de polluer « spéciaux », en surplus des droits de base, et qui seraient offerts à certains pays du Tiers-Monde. Ils pourraient alors en revendre une partie aux pays du Nord et financer leur développement. Cette proposition à pour mérite de lier de manière originale développement et écologie. C'est une proposition forte qu’à formulée Dominique Strauss-Kahn et qui va dans le sens d'une aide au développement active, réaliste et efficace, aussi éloignée de l'angélisme que de l'arrogance. Il s’agit là de l’action sur les quantités. Elle est prioritaire, se met lentement en place, mais reste insuffisante.
Car les prix et les quantités ne sont pas les seuls moyens de freiner la pollution. Des actions plus qualitatives sont nécessaires. Etant donné la multiplicité des vecteurs et des cibles de la pollution, il s'agit de proposer une politique globale sur le sujet mais précise dans ses objectifs et priorités.
B. La priorité à la lutte contre l’effet de serre.
L’un des problèmes auquel est confrontée l’action écologique, c’est qu’elle a actuellement affaire à une telle multiplicité d’atteintes environnementales que ce combat perd en lisibilité et en efficacité. Les dissensions internes chez les verts en est la plus frappante illustration. Face aux contempteurs du nucléaire, il faut répondre que c’est l’effet de serre qui représente la première menace écologique, et qu’en sortir rapidement, c’est aggraver les rejets de gaz à effet de serre. Même le fondateur de Greenpeace l’a affirmé il y a peu. Certes il existe des déchets nucléaires difficilement stockables en toute sécurité, mais la fonte des glaces, elle nous assure de ses conséquences, alors que celles de l’utilisation du nucléaires sont improbables.
C’est pourquoi il faut proposer un recentrage de l’action écologique sur une priorité numéro un, à savoir, la fin progressive de l’utilisation des hydrocarbures émettant des gaz à effet de serre, et notamment du pétrole, dans le système de transports, que ceux-ci soient publics ou privés. Cela est possible si tous les acteurs qui concourent à cette filière économique, les consommateurs, les producteurs pétroliers, les constructeurs automobiles sont incités à aller dans ce sens, et prennent leur responsabilité dans la transformation des modes de transport.
La voiture à pile à combustion doit à terme remplacer la voiture à essence. Il en va de l’avenir de la planète que nous le réalisions d’abord en France, de manière économiquement viable, pour que les autres pays suivent notre exemple. Oui, il faudra en France, donner l’exemple et oublier notre bonne vieille voiture à essence pour des raisons de sécurité environnementale mondiale.
1. Par la négociation et le contrat avec l’Etat, il faudra énergiquement inciter par tous les moyens possibles le passage progressif à un système de transports, de voitures propres. L’Etat devra mettre les moyens d’insuffler, chez tous ceux qui participent de l’effet de serre et du réchauffement de la planète, la possibilité et le désir de ne plus utiliser de voitures polluantes. La voiture électrique existe, la pile à combustion, le GPL aussi. Il manque une volonté collective de sortir de la facilité de pomper du pétrole, ou du diesel, et de continuer, comme si de rien n’était, au réchauffement de la planète. Les socialistes, avec toute la gauche réunie, doivent être le vecteur de cette volonté et de cette responsabilité.
2. Il faut également multiplier les actions qui vont dans le sens de l’augmentation quantitative et qualitative des transports publics propres. L’investissement dans le domaine des transports doit représenter au minimum vingt cinq pour cent des budgets locaux.
3. L’Agence De l'Environnement et de la Maîtrise de l'Energie (l’ADEME), verra ses crédits augmenter de 15%, pour qu’elle puisse lancer de nouveaux projets locaux et mettre en place des infrastructures de logements et de transports propres, dans le cadre de contrats Etat-Région. L’ADEME sera dotée de moyens adéquats de contrôle pour faire respecter de nouvelles normes en matière d’efficacité d’utilisation énergétique.
C. Une diversification massive des sources énergétiques françaises
1. Il faudra mettre en place, tant au plan local que national, une politique énergétique rénovée, dans laquelle la dissuasion du « tout voiture » sera une priorité et permettra une sortie progressive du pétrole. Pour sortir du tout voiture, il s'agit évidemment de mettre en place une logique de priorité des transports en commun et de passage aux voitures électriques ou à hydrogène. Bertrand Delanoé, en même temps qu’il donne une place prépondérante aux transports publics, roule en voiture électrique ; c’est un bon exemple à suivre pour tous les Français.
2. Si nous sortions du nucléaire, nous lui substituerions mécaniquement le pétrole, qui nous coûte si cher, nous rend si dépendant de régimes peu démocratiques, constitue le vecteur principal de pollution et même…de guerre. La sortie du nucléaire n’est pas convaincante. Il faudra cependant, c’est certain, améliorer la sécurité des installations.
Il n’empêche qu’il faut viser en tout cas à diversifier notre arsenal énergétique en se tournant vers les énergies nouvelles, éolienne, solaire, géothermique. Ainsi, EDF pourrait mettre en place des tarifs préférentiels pour ces moyens non-polluant de production d'énergie (panneaux solaires sur les toits, instruments de captation de la chaleur terrestre…), ce qui permettrait de progressivement les généraliser, en tout cas d’atteindre trente pour cent du parc énergétique constitué d‘énergies renouvelables en cinq ans.
3. Mais également des politiques technologiques par lesquelles, l'Europe et les Etats promouvraient par des subventions et des projets scientifiques l'apparition d'une nouvelle révolution industrielle des technologies écologiques. Si cela ne se décrète pas, on peut en favoriser l'émergence par une action volontaire en termes de moyens apportés à la recherche et de subventions à la modification qualitative des produits et des méthodes de productions. Le diagnostic est connu ; les techniques existent, il faut les améliorer et surtout les promouvoir de toutes nos forces par des incitations, des négociations et des baisses de prix sur ces marchés propres par accroissement de leur échelle.
Si les voitures électriques sont si chères, c’est parce qu’il n’y a pas de marché suffisamment développé. L’Etat peut aider à accroître la part des marchés durables pour leur faire atteindre une taille critique qui fera diminuer leurs prix et incitera de très nombreux citoyens à se tourner vers les voitures propres.
Prenons un exemple concret de stratégie pour l’action écologique à travers l’exemple du marché des taxis. On pourrait faire des taxis un noyau dur de véhicules roulant grâce à ses modes alternatifs de combustion émettant peu ou pas de gaz à effet de serre, comme cela se fait à Tokyo. Ils constitueraient une demande sûre pour les vendeurs de GPL ou de voitures propres en tout genre, qui se lanceraient pour leur part sur ce marché durable avec moins de risques. C’est par la multiplication de ces initiatives que pourra se mettre en place la généralisation de ce système de transports plus propres.
D. Un parc de voitures propres, mis en place dans l’incitation et non dans la contrainte.
1. Du côté de l’offre, des négociations devront être menées auprès des constructeurs automobiles pour leur offrir une aide à la reconversion des moteurs, qui devra s’orienter sur la recherche en moteurs propres. Des subventions de recherches seront données à certaines entreprises de constructeurs automobiles ; celles-ci auront pour fonction d’obliger les constructeurs automobiles français à être les plus compétitifs sur ce marché d’avenir. Ce qu’il sera important, c’est de mettre tout le monde autour d’une table et de trouver un accord national historique sur cette question. La stratégie à suivre devra jusqu’au bout prendre le chemin de l’incitation et de la négociation.
2. L’Etat devra également négocier avec des annonceurs, de grandes campagnes de promotion du renouvellement propre du parc automobile ; des subventions à la promotion des nouveaux modèles de voitures propres seront déterminées sur la base des négociations qui seront menées. Et pour commencer, les voitures de la fonction publique seront progressivement remplacées par des voitures propres.
3. Il faudra d’autre part aider les stations essences à se reconvertir en stations GPL, électriques, ou à combustible propre. Un crédit à la reconversion des stations services sera déterminé sur la base des possibilités budgétaires.
4. Pour responsabiliser les acteurs dans ce domaine, l’Etat devra mettre la main à la patte. C’est pourquoi, comme on l’a remarqué à maintes reprises, il devra maîtriser les dépenses publiques (cf. Chapitre I), accroître si possible les recettes budgétaires (Chapitre II), et devra faire par ailleurs du ministère de l’écologie le sixième budget français.
5. Du côté de la demande, L’Etat devra lancer une prime importante à la voiture propre dans le but de promouvoir un renouvellement du parc automobile, par la reprise de l’ancienne voiture à pétrole et l’achat d’un nouveau modèle à pile combustible, électricité ou GPL. Cette prime pourra s’élever à hauteur de mille cinq cent euros par voiture. Les détaxations devront par ailleurs se multiplier sur les installations de chaufferies d’intérieur non polluantes
6. Pour rendre plus avantageux en ville l’utilisation des transports publics ou des véhicules propres il faut par exemple augmenter le prix du stationnement payant et créer des places de parking spécialement conçues pour les véhicules propres.
7. Outre le principe du pollueur payeur, le principe de la citoyenneté écologique doit intervenir pour responsabiliser les individus et les inciter en amont, dès l’enfance, à agir dans le sens d'une réduction de la pollution. L'Ecole Républicaine en sera le vecteur primordial de diffusion. Les élèves des écoles seront informés très jeunes des multiples risques environnementaux et des solutions qui peuvent exister, de la responsabilité individuelle aux mutations technologiques. Au collège, les sciences de l’environnement seront introduites à titre d’option. Au lycée, cette discipline doit constituer au moins une matière des sections littéraires, économiques et scientifiques, en surplus des horaires existant.
Les gestes simples de l’efficacité écologique, éteindre sa lumière des pièces vides, fermer son robinet inutilisé, etc… devront également être enseigné dans des cours d’initiation pratiques. Il faudra enseigner aux jeunes que ne pas éteindre la lumière quand on sort d’une chambre met en péril la biodiversité et l’avenir de notre planète.
Aucune voie n’est à laisser de côté pour atteindre cet objectif.
1. La diplomatie prend tout son sens dans l’action écologique, car dans la mesure où les enjeux environnementaux sont mondiaux, nous devrons convaincre les autres nations qu’il n’y a pas d’autre voie possible. Et sur ce point, l’on ne persuadera celles-ci que si nous agissons nous même façon économiquement viable. Et pour commencer, les discussions sur les accords de Kyoto avec les Américains doivent continuer sans faillir.
2. Il faudra enduite promouvoir à l’étranger nos entrepreneurs durables et montrer, à travers eux, qu’écologie et économie sont loin d’être opposés. L’Europe et les Nations Unies seront des vecteurs de propagation et de lobbying pour une économie propre. On peut-être sûr que d’ici une quinzaine d’année, tous les peuples exigeront que leurs décideurs prennent des mesures dans ce domaine.
Il est d’autre part tout à fait certains que de nombreuses entreprises écologiques vont naître dans le monde. L’objectif est par conséquent, dans ce domaine d’être les premiers et d’obtenir un avantage comparatif sur ces Nouvelles Technologies Environnementales. Cette politique et la diplomatie commerciale qui ira avec seront des vecteurs de revenus pour la France, et d’économies, puisque par exemple en réduisant fortement notre consommation d’essence, nous réduiront notre dépendance énergétique et notre facture pétrolière.
Il faudra ainsi, dans toute négociation commerciale internationale promouvoir les innovations écologiques françaises et résolument inscrire la France dans la dynamique du marché durable pour se positionner comme leader mondial.
3. Il faut également aider les pays en voie de développement à investir en équipements propres. C’est ainsi que l’on doit mettre en place un plan Marshall européen pour l’équipement public Africain. Plutôt que d’utiliser la coopération pétrolière et l’aide en armement aux Etats du Tiers-Monde on devrait orienter l’aide publique au développement (0,27% du PIB de la France à l’heure actuelle) vers l’équipement de ces pays en infrastructures de transports propres, d’éducation et de soins. Cette aide doit s’élever à minimum 0,7% du budget européen et si possible atteindre 1%.
Ce sont en effet ces pays qui, réunis, seront les plus gros pollueurs de demain. Ils n’ont pas cependant les moyens d’investir dans les équipements propres. L’Union européenne agirait alors de manière exemplaire dans ce domaine, en permettant au Tiers-Monde, par un soutien technique et financier, de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, sans obérer leur développement.
Dans cette aide, des moyens doivent être donnés à l’Afrique dans le cadre de la lutte internationale contre le SIDA. Les millions de personnes séro-positive en Afrique appellent une aide à laquelle nous ne pouvons nous retrancher. Des transferts de médicaments, vendus moins chers à des pays du tiers monde sous l’égide des Etats et de l’ONU sont une mesure envisageable, que l’on peut encore étendre à une plus grande échelle. L’accompagnement des malades par des Organisations Non Gouvernementales spécialisées est également nécessaire. Tout cela, naturellement demande des moyens financiers que seuls les grands Etats, à l’image de ce que pourrait être l’Union européenne, peuvent se permettre.
Naturellement, dans ce domaine, Médecins du Monde, La Croix Rouge, ATD, Action contre la Faim, et d’autres organisations non-gouvernementales humanitaires doivent être aidées plus qu’elles ne le sont actuellement, et mieux associées aux initiatives de lutte contre la misère et la maladie. Contre la malnutrition et la famine. Contre les maladies que nous pouvons vaincre mais aussi, car c’est essentiel en ce domaine, contre la solitude des malades.
F. Lutter contre les patrons voyous ou les entreprises excessivement polluantes.
1. Le code pénal doit tout d’abord être plus sévère à l’égard des patrons pollueurs. Un Tribunal Ecologique Spécial sera doté des moyens nécessaires pour mener une action ferme et dissuasive.
2. Les services de renseignements et l’armée doivent se voir attribuer les moyens de rechercher à l’étranger cette canaille internationale, « les polluards » comme l’ancien patron de Metaleurope, ou les propriétaires de bateaux poubelles comme le « Prestige ».
Occasionnant des marées noires catastrophiques, faute d’investissements d’entretiens, ou effectuant au large des déballastages sauvages, des nettoyages de cales et des déversements de substances hautement toxiques, les capitaines et les propriétaires de cargos peu scrupuleux qui font vivre dans la terreur de la marrée noire des populations vivant sur les littoraux doivent être poursuivis. Il faudra les traduire devant un procès régulier, sans qu’ils puissent se dérober à la Justice.
3. La Cour Pénale Internationale sera la Cour devant lesquelles la France traduira les responsables de ces motifs de culpabilité internationale. Il faudra pour cela améliorer au niveau international les procédures de comparution pour crimes environnementaux.
Conclusion
C’est ici que s’achève le fil de ces propositions. Il s’agira toujours d’un travail incomplet car il ne prendra vie qu’au travers du dialogue, du débat, de la contradiction, puis de l’action. Sa remise en cause exigera toujours un effort d’explication et de persuasion, auprès de celles et ceux qui ont encore un peu l’espoir que le Peuple peut décider de son monde et de celui de demain.
Parce que derrière chaque idée, des hommes participent de son application, et que chaque homme est une voix, une série d’intérêts, c’est rarement la raison et le seul intérêt général qui guide les choix politiques. C’est pourquoi les gouvernants se laissent entraîner par les sirènes des revendications catégorielles, des petits cadeaux faits aux grognes corporatistes dans une finalité électoraliste. Le système est ainsi fait que le pouvoir est lié à des lobbies. L’homme politique contemporain voit ainsi son engagement originel pour la Raison en permanence confronté au poids de l’intérêt particulier, avec lequel il doit en permanence entrer en transaction. Le problème, c’est qu’à ce jeu il est plus facilement porté à se laisser bercer par les groupes les plus riches et les plus influents. Et lorsqu’il oublie les principes premiers devant guider son action, il se fait « représentant des intérêts de la classe supérieure », comme aux Etats-Unis, où le financement des campagnes politiques est ouvertement fondé sur le lobbysme des entreprises ; le communisme a beau être en voie de disparition, certaines observations de Marx n’en demeurent pas moins d’actualité…
Pour changer l’Etat, cet « échiquier de forteresses », pour modifier le système de transport basé sur le pétrole, ce Mammon des temps modernes, il faudra de la volonté politique. Pour relancer la machine économique, redéployer les moyens de l’action publique vers ses taches légitimes, pour optimiser le fonctionnement de l’administration et baisser les impôts les moins justes, il faudra de la volonté politique. Pour créer une impulsion politique forte en matière de recherche en France, par la promotion de la science et des scientifiques, l’amélioration de leur statut et de leur salaire, et en remettant ce ministère et ses services de recherche dans les cinq premiers budgets français, il faudra de la volonté politique. Si nous voulons sortir progressivement des systèmes de combustions émettant des gaz à effet de serre il faudra donner des gages à ceux qui en sont tributaires, qui en sont économiquement bénéficiaires. Mais il faudra le faire parce que l’intérêt général, la raison écologique et la raison économique appellent une modification rapide de nos habitudes sans bouleversement de l’évolution économique. Pour, enfin, relancer des projets industriels français ou européens, il faudra une volonté politique forte, accompagnant la recherche scientifique.
Rien de cela ne sera facile au vu des rigidités françaises face aux réformes, du poids des habitudes et des groupes de pression. Mais il faut refuser l’immobilisme si cher aux politiques contemporains, si étouffés qu’ils sont -- va-t-on les plaindre ? -- par le pouvoir médiatique et les différents corps intermédiaires. Pressés qu’ils sont par toute cette masse d’yeux braqués sur eux, les politiques ont été obligés de mettre en place une carapace : la communication. Et parce que celle-ci n’égale pas l ‘authenticité de l’Homme, qui livre les idées à la seule aune de la Raison et non de quelconque idéologie ou revendication catégorielle, la communication, le signal, les annonces ne peuvent valoir comme politique. Evidence qui semble être oubliée par le pouvoir en place, emprisonné qu’il est dans l’immédiateté et l’enchaînement incontrôlé des événements contemporains.
L’opposition doit servir à prendre le recul nécessaire pour se ressourcer vers la réflexion et la production d’idées concrètes pour transformer la société. Discuter, travailler avec les syndicats, les entreprises, travailler en rapport avec les associations sont des choses dont le politique moderne ne peut se passer car l’Etat ne peut donner tête de toutes parts en restant efficace, et ces corps intermédiaires participent de l’action d’intérêt général. Mais lorsqu’il s’agit d’agir, l’Etat ne doit pas être tenté par l’électoralisme, l’action à courte vue, les petits cadeaux faits à des catégories particulières. Il doit agir dans le sens de l’intérêt de tous les citoyens. C’est tout le sens du socialisme. Transformer la société par le moyen de la science, de la Raison, dans le sens de l’intérêt du plus grand nombre.
Ces idées demandent, appellent, exigent un débat démocratique qui vienne toujours questionner, approfondir et accompagner leur application. La critique sera nécessaire pour mettre en lumière les obstacles qui se poseront sur le chemin de cette Raison, pour autant que toujours nous gardions en tête l’essence de cet opuscule, l’espérance de remettre la France en tête, et de rendre aux français le mieux-être auquel ils aspirent. Ses moyens premiers d’exécution seront l’action et la volonté politique forte. Ces objectifs s’accompliront à travers les nécessités de réformer l’administration pour la rapprocher drastiquement du terrain (Chapitre I), de relancer l’économie par les baisses d’impôts, l’investissement, l’emploi, et la recherche (Chapitre II), de faire une grande école de la citoyenneté, une vraie décentralisation sociale dans l’enseignement supérieur, de créer une couverture logement universelle, d’intégrer les Français issus de l’immigration au moyen de procédures de sélections progressistes, les handicapés au moyen d’investissements en équipements de mobilité (Chapitre III), de faire une Grande Europe quasi fédérale (Chapitre IV), et enfin, plus que tout, de faire de la France l’un des pays les plus propres du monde, et qui puisse, après une réduction drastique mais économiquement efficace des émissions de gaz à effet de serre et par transformation progressive du système automobile, convaincre le monde que l’on surmonter le principal risque planétaire du moment : le réchauffement de la planète, pour que nos civilisation puissent se perpétuer dans leur mode de vie (Chapitre V). Sur ce point, Dominique Strauss-Kahn, qui reste médiatiquement discret, au moment où tous les regards se tournent vers la surenchère médiatique sarkosiste, réalise un travail essentiel de production de propositions, sur la mondialisation (qui nécessitent au moins cent quarante cinq propositions supplémentaires), l’Europe, le socialisme de production, le développement durable du Tiers-Monde, se constituant par-là même en moteur intellectuel du socialisme moderne... C’est bien dans cette optique et non dans la scénarisation du politique, que l’on pourra réhabiliter la participation politique.
A l’heure où ce recueil s’achève, la droite est comme prévu battue aux régionales, et le Président décide de rester sourd à la lourde sanction des urnes en reconduisant Jean-pierre Raffarin. Il va donc continuer sa politique qui, jusqu’à présent s’est avérée injuste et inefficace. Il s’avère par conséquent urgent de proposer aux citoyens un projet de société alternatif qui concurrencera point par point cette politique guidée par la composante radicale du MEDEF.
La Constitution européenne, après le départ de José Maria Aznar, est de nouveau sur les rails. Il faudra qu’elle soit la plus démocratique, la plus claire, la plus efficace possible. La promouvoir, dans la perspective d’un référendum, est une mission que chacun d’entre nous doit entreprendre, car elle sera un saut qualitatif de l’Europe, vers l’unification fédérale qui présidera à l’unification des Peuples.
Le politique du XXIème siècle ne peut plus agir avec les recettes du passé, les discours lénifiants, la flatterie du peuple, les coups tordus médiatiques, contrairement à ce que prônent les si puissants conseillers en communication, les « spin-doctors » -- comprenez docteurs en manipulation -- et autres as du marketing politique. Il ne doit plus non plus penser à courte vue, mais au contraire tracer des voies vers l’avenir de notre France, sur laquelle espérons-le, les Français pourront encore avoir prise.
Achevé en juin 2004, à Londres, par Grégory Chidiac,