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Les Etats-Unis face au monde : la politique extérieure des USA - Relations internationales - Geopolitique - Les politiuqes extérieures des Etats

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Les Etats-Unis face au monde : la politique extérieure des USA

 

Certains (la majorité) estiment que la structure des relations internationales est unipolaire depuis 1991, suite à la désintégration de l'URSS. D'autres (minoritaires mais non négligeables) comme Samuel Huntington, estiment que bien que les Etats-Unis soient, et de loin, la plus grande puissance mondiale, ils n'ont pas la maîtrise du monde comme en témoigne leur impuissance à résoudre les problèmes qui leur tiennent à coeur comme le conflit du proche-orient, le trafic de drogue, la non-prolifération des armes nucléaires etc, et qualifient le monde actuel de "monde uni-multipolaire".

 

La place des Etats-Unis dans les relations internationales aujourd'hui est à la fois évidente et controversée. En France, on fait souvent référence, à la suite de M. Védrine, au concept d'"hyperpuissance" : le monde ne s'organise plus autour de deux superpuissances, mais autour d'une seule, plus puissante que jamais, dont la force est pratiquement supérieure en nature et pas seulement en degré à celle de toutes les autres "puissances". Le concept d'"hyperpuissance" est cependant considéré comme offensant, notamment aux Etats-Unis où on le considère comme une accusation d'"hégémonie" ou d'"impérialisme" (le concept d'"hégémonie" est  couramment employé par la Chine, dans un contexte non favorable aux Etats-Unis on s'en doute).

 

Les Américains eux-mêmes sont divisés sur la place qu'ils occupent sur la scène internationale. Certes, nul Américain ne doute que son pays soit la première puissance mondiale, mais certains pensent qu'il est en déclin (et la perte du sentiment d'invulnérabilité depuis les attentats du 11 septembre dernier renforcera sans doute ce sentiment). Les Etats-Unis ont besoin de se protéger. De manière significative cependant, la tendance ne semble pas être de se protéger en recourant à des alliances, mais en se repliant sur la "forteresse Amérique", rendue invulnérable, par exemple par un bouclier antimissiles qu'on voudrait absolument étanche. Dans le même temps, le rôle de l'Amérique dans le monde fait l'objet de controverses : doit-on s'engager davantage pour étendre le règne du droit, de la démocratie et de l'économie de marché, qui sont considérés outre-atlantique comme étant en eux-mêmes créateurs d'un climat de paix et de prospérité pour tous, doit-on au contraire laisser le reste du monde à son chaos en cherchant seulement à s'en protéger ?

 

                Avec son incohérence, avec son opacité, la politique extérieure américaine demeure le noeud de la politique mondiale aujourd'hui, Les Etats-Unis y jouent en effet une place centrale. Le système international actuel présente en effet quatre caractéristiques :

 

                1- le caractère central des Etats-Unis sur la plupart des dossiers régionaux, et sur tous les dossiers d'importance mondiale, en particulier dans le domaine stratégique

                2- l'importance disproportionnée des déterminants intérieurs de la politique américaine sur les affaires internationales

                3- l'importance cruciale des relations bilatérales entre les Etats-Unis et les autres puissances (les Etats-Unis sont en mesure d'exercer une pression efficace sur presque la totalité des autres Etats pris un par un).

                4- l'instrumentalisation et la marginalisation récurrente des organisations internationales et du droit international positif par Washington au profit des relations bilatérales, de pratiques multilatérales dégradées et pragmatiques voire d'actions unilatérales ponctuelles, et la tentation permanente de projeter des règles de raisonnement et de fonctionnement américaines sur le monde comme manière de régler les problèmes internationaux.

 

II - Tendances à long terme de la politique extérieure américaine

 

Le débat mentionné plus haut renvoie aux deux tendances principales qui ont toujours été présentes dans le débat de politique extérieure américaine et que l'on décrit parfois par l'alternative "Missionary/Monastery"

 

                - le "Monastery", c'est la vision de l'Amérique comme nouvelle Jérusalem, la "cité sur la colline", le Nouveau Monde qui se construirait en évitant les erreurs de l'Ancien, l'Europe vouée aux démons de la volonté de puissance, de l'autoritarisme  et du militarisme. Face à cet ancien monde irréformable ou peu s'en faut, l'Amérique aurait pour vocation d'édifier une société de paix, de liberté de démocratie où "la poursuite du bonheur", expressément mentionnée dans la déclaration d'Indépendance, serait la préoccupation principale. Mais la construction de cette société idéale ne serait possible qu'en se gardant de la corruption du monde extérieur. C'était la vision des puritains de Nouvelle Angleterre, les "pères pèlerins" du Mayflower. On la retrouve explicitement ou implicitement dans le discours d'adieux de Washington ou dans la doctrine de Monroe qui avait deux aspects : d'un côté on prétendait interdire toute ingérence européenne en Amérique, mais de l'autre on affirmait hautement que l'Amérique entendait ne pas se mêler des affaires du reste du monde.

               

                - le "Missionary" est en fait le complément en même temps que la contradiction du "Monastery". Selon cette vision, la "destinée manifeste" des Etats-Unis serait d'étendre au monde entier les valeurs dont ils sont porteurs : liberté, démocratie, recherche du bonheur devraient être les normes pour le monde entier et pas seulement pour l'Amérique. Dans cette perspective on soutiendra que la poursuite par l'Amérique de ces valeurs n'est en fait possible qu'à la condition que le reste du monde les poursuive aussi car comme l'a démontré le XXème siècle il n'est pas possible de demeurer à l'écart.

 

                Ces deux courants de pensée ont donné lieu à la naissance non pas de deux mais de quatre écoles en matière de relations internationales

               

                1- le premier courant est celui qui sous-tend ce qu'on appelle l'isolationnisme américain, thème que l'on rapproche généralement du slogan "America First" qui fut celui des années 1930. Il n'est plus très influent aujourd'hui en tant que tel : une personnalité comme Pat Buchanan[1], par exemple n'a qu'une très faible audience. Le thème isolationniste est néanmoins porteur au sein du Parti Républicain en particulier (surtout dans sa frange ultraconservatrice, voire xénophobe). A l'inverse se situe à la gauche de l’échiquier politique une autre fraction isolationniste : que l'Amérique se contente de faire du commerce et de défendre le modèle américain sur son sol, elle n'a pas besoin de s'occuper d'autre chose.

 

                2- la seconde école est celle du wilsonisme, ou "internationalisme libéral", plutôt liée intellectuellement  au parti démocrate. Selon cette école, l'Amérique a vocation a étendre ses valeurs (libertés politiques, démocratie, libre-échange, liberté des mers, coopération entre nations). Sauf sous Woodrow Wilson, cette idéologie n'a jamais connu de mise en oeuvre que teintée d'un fort réalisme (FD Roosevelt, Harry Truman). Le premier Bill Clinton jusqu'en 1993 (avant d'être douché par l'affaire somalienne, les désillusions sur l'évolution de la Russie et les difficultés de la situation en ex-Yougoslavie; la basculement de la majorité du Congrès côté républicain en 1994 n'a pas arrangé les choses) appartenait à cette école. Le parti démocrate est en effet écartelé entre des convictions internationalistes et une base électorale (syndicats en particulier : AFL-CIO a un poids très important sur l'appareil militant et financier du parti démocrate) très protectionniste et peu intéressée par les questions internationales.

 

                3- la troisième école est celle du réalisme traditionnel : équilibre des puissances, défense de l'intérêt national, accroissement de la puissance et de la sécurité du pays : Théodore Roosevelt, Nixon, et bien entendu Kissinger. Le parti républicain y adhère facilement.

 

                4- la quatrième école emprunte au trois précédentes; on peut l'appeler "hégémoniste" ou "néoconservatrice". Son fond est réaliste mais elle emprunte aux wilsoniens sa croyance en la mission de l'Amérique d'éclairer le monde (fut-ce par la force des armes si nécessaire) et elle partage avec les isolationnistes l'idée que les engagements internationaux pourraient amener l'Amérique à compromettre ses principes. L'unilatéralisme est un mode d'action qui lui convient assez : Reagan, Bush père, et apparemment Bush fils se situent dans cette mouvance qui est celle du parti républicain.

 

                Il ne faudrait pas déduire de ce qui précède que les Démocrates seraient plus pacifistes que les Républicains, ou moins enclins qu’eux à recourir par exemple aux sanctions : «Au cours de ses mandats, Bill Clinton a imposé ou menacer d’imposer des représailles commerciales soixante trois fois à l’encontre de trente-cinq pays qui rasssemblent à eux seuls 45% de la population de la planète » a noté l’historien américain James Schlesinger. En fait les Etats-Unis ont été engagés dans les conflits majeurs par des démocrates (Wilson pour le premier conflit mondial, FD Roosevelt pour le second, Kennedy pour la guerre du Vietnam). Mais en approximation on peut dire que les isolationnistes sont généralement républicains et les internationalistes généralement démocrates; mais paradoxalement, si trois des quatre écoles mentionnées sont dans la mouvance du parti républicain, c'est parce que les démocrates s'intéressent peu en principe aux questions internationales (ils s'intéressent surtout aux questions sociales, donc intérieures) alors que les Républicains, liés à l'élite intellectuelle et surtout au monde des affaires, ont plus conscience de la nécessité pour les Etats-Unis de défendre activement leurs intérêts sur la scène mondiale.

 

                "Isolationnisme" est généralement conçu comme un terme péjoratif pour décrire une tendance de la politique étrangère américaine. Un autre terme péjoratif est "impérialisme", tendance qui se pare généralement (comme le colonialisme le fit en Europe) du thème de la "croisade" ou la lutte pour la civilisation (en Europe c'était le thème du "fardeau de l'homme blanc" développé par Kipling). De toutes façons il y a eu un grand tournant dans la politique extérieure américaine juste après 1945, quand a été brisé le tabou institué par Washington selon lequel le pays ne devrait pas s'engager dans des alliances permanentes, en Europe qui plus est. Les Etats-Unis ont été obligés alors de mettre ce qu'ils ressentaient comme leur vocation propre en accord avec la réalité de leur puissance mondiale, et en fait impériale. encore l'ont-ils fait en réaction à la menace soviétique et non pas "motu proprio". Les Etats-Unis ont d'ailleurs toujours une grande réticence à s'engager à l'extérieur, réticence renouvelée après leur échec au Vietnam : ils ont ainsi mis plusieurs années avant de se décider à intervenir en Bosnie. La doctrine actuellement en vigueur pour les interventions à l'extérieur est la "doctrine Weinberger" selon laquelle avant de s'engager à l'extérieur il faut 1) savoir pourquoi on intervient 2) être sûr que le peuple américain veut que son gouvernement intervienne 3) savoir quand il faudra s'en aller. Elle recoupe en cela la "doctrine Powell" en matière d'interventions militaires : 1) avoir un objectif politique clair 2) intervenir avec une force massive et surclassant décisivement l'adversaire 3) avoir une stratégie de sortie de crise ("the day after"). Le point 2 est en particulier servi par une politique constante depuis la fin des années 1980 d'installations de bases militaires sur l'ensemble de la planète (derniers pays envisagés : Pakistan, Ouzbékistan -les travaux sont en cours- et vraisemblablement Afghanistan), et l'acquisition d'une supériorité qualitative (technologique) et quantitative dans toutes les gammes d'armements (la "full spectrum dominance" dans le langage du Pentagone). Cette doctrine est cependant désormais complétée par la « Doctrine Bush »[2] sur la nécessité de l’ »action préventive » : il s’agit de réagir non plus au « clear and present danger » mais à la « clear and present threat of danger »

 

                Plutôt que  d'impérialisme, on préfère parler parfois d'unilatéralisme tant il est vrai que les Etats-Unis n'ont jamais cherché  collectivement et consciemement à constituer un empire colonial : leur véritable expansion territoriale au XIXème siècle a porté sur l'extension du territoire des Etats-Unis jusqu'au Pacifique, sur un mode d'ailleurs clairement pionnier et colonisateur, mais dans une vision claire de colonie de peuplement et non de colonie d'exploitation, les territoires nouvellement conquis -sur le Mexique, sur les Indiens- ou rachetés -à l'Espagne, à la France, à la Russie- ayant pour vocation à devenir des Etats à égalité avec les 13 premiers Etats fondateurs, à la différence du pacte colonial européen qui était fondamentalement inégalitaire). Les Américains se voient d'ailleurs, non sans légitimité, comme fondamentalement anti-colonialistes (leur pays est d'ailleurs une ancienne colonie qui s'est libérée par une guerre d'indépendance), ils sont sans doute moins fondés à prétendre qu'ils ne sont pas impérialistes : l'impérialisme ne se réduit en effet pas seulement au colonialisme. Bien qu’ayant eux-mêmes acquis des colonies (les Philippines et Porto-Rico à la suite de la défaite de l’Espagne en 1898 ; les possessions allemandes du Pacifique à la suite de la défaite de l’Allemagne en 1918), les Américains continuent à se voir comme anticolonialistes.

 

Il faut en outre mentionner ici un effet pervers de la Constitution américaine, relevé par un diplomate italien en ces termes : "Cette constitution du XVIIIème siècle, inventée par les Philosophes du Nouveau Monde, et ce gouvernement exercé conjointement par deux pouvoirs "souverains" ont fortement influé sur la politique extérieure des Etats-Unis. L'isolationnisme (mieux, l'unilatéralisme) ne fut pas seulement le résultat d'une forte défiance  morale evers la politique étrangère du vieux continent. Ce fut aussi la conséquence des handicaps constitutionnels avec lesquels les Etats-Unis s'étaient condamnés à agir sur la scène internationale. Les ingrédients nécessaires à toute politique extérieure -rapidité, secret, ambigüité, réticence, duplicité- sont difficilement compatibles avec un pays où le Congrès prétend soumettre les futurs ambassadeurs à un scrutin public et peu empêcher leur nomination".[3]

 

La différence entre l'Europe d'hier et les Etats-Unis d'aujourd'hui est que, sauf exceptions, la projection de puissance ne prend pas les formes de la domination politique comme dans le colonialisme, mais de la domination économique et/ou culturelle. Ce n'est en effet que marginalement que les Etats-Unis ont assis leur domination politique sur des territoires étrangers : les Philippines, la Micronésie, Porto-Rico, l'Alaska, sont surtout des accidents de l'histoire, ils n'ont pas été acquis en fonction d'un plan délibéré d'expansion. En revanche la domination économique plus ou moins indirecte, en particulier sur ce qu'on appelle aux Etats-Unis l'"hémisphère occidental" (une vision du  monde impérialiste en elle-même) est la règle : Cuba avant Fidel Castro, le Panama, la plupart des pays d'Amérique centrale voire aujourd'hui le Mexique par le moyen de l'ALENA en sont de bons exemples. Sous couleur de coopération et de libre-échange entre des partenaires fondamentalement inégaux en puissance, c'est bien la satellisation des Etats voisins des Etats-Unis qui se met en place. L'ALENA, par exemple, force à l'évidence le Mexique a aligner son régime économique et même politique sur celui des Etats-Unis.

 

Il existe en effet un point de contact entre impérialisme et unilatéralisme. Ils partagent le substrat d'expansion ou de projection de la puissance sur le monde extérieur. Unilatéralisme et isolationnisme sont les deux faces d'une même monnaie : derrière ces deux attitudes se situe le refus de se compromettre avec le monde extérieur, jugé "impur". L'isolationnisme consiste à ne pas se soucier de son existence, l'unilatéralisme consiste, dans la mesure où on ne peut pas nier son existence, à lui imposer des solutions unilatéralement sans chercher à négocier avec lui. L'unilatéralisme est profondément ancré dans la manière qu'ont les Etats-Unis de faire de la politique : ce pays n'a jamais eu que quatre voisins : l'océan Pacifique, l'océan Atlantique, le Mexique et le Canada. Les deux premiers sont plutôt une barrière isolante et protectrice qu'une source de problème. Le troisième a été amputé de près d'un tiers de son territoire au profit des Etats-Unis au terme de la guerre de 1845 et n'a jamais été depuis une menace pour les Etats-Unis. Le dernier n'a jamais pu, depuis 1812 constituer une menace pour les Etats-Unis. Aucune négociation mettant en jeu l'avenir de la Nation américaine n'a jamais été nécessaire avec ses voisins depuis plus d'un siècle et demi. Quant au reste du monde, avec lequel les Etats-Unis ont été obligés d'entrer en relations suivies depuis la première guerre mondiale, ils ont toujours été en mesure de lui imposer leurs solutions, en sorte que la tradition proprement diplomatique de cette puissance est réduite au strict minimum. Au cours des dernière décennies, les Etats-Unis ont d'ailleurs considérablement restreint les moyens de leur diplomatie : le budget des Affaires Internationales a diminué de moitié en termes réels entre 1980 et 2000. En revanche le budget militaire, c'est-à-dire celui de l'action unilatérale par excellence, a considérablement augmenté et ce n'est pas le MDS (Missile Defense System, ex -"National Missile Defence") qui le fera diminuer : les Etats-Unis dépensent aujourd'hui pour ce secteur plus que les 9 pays suivants réunis (Japon, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Russie, Chine, Corée et Arabie Saoudite). Le Département d'Etat dispose d'environ 5 milliards de dollars alors que le Département de la Défense a près de 400 milliards de dollars de budget (Madame Allbright notait dans un article de « Foreign Policy » d’octobre 2003 que le budget annuel de l’ONU à New York, Genève Nairobi, Vienne et ses quatre commissions régionales représente à peu près 32 heures de dépenses du Pentagone) ce qui lui donne les moyens d'une véritable politique extérieure y compris indépendamment du Département d'Etat parfois (cf le cas du système de défenses antimissiles; les relations avec certains Etats comme le Pakistan donnent l'impression d'être beaucoup plus pilotées par la Défense que par les Affaires étrangères). Pourtant l'instrument militaire américain n'est pas d'un usage facile : sauf quand des questions vitales pour les Etats-Unis sont en jeu, l'opinion américaine exige le "zéro mort" (américain s'entend). L'écrasante puissance militaire américaine est ainsi un outil utilisé comme s'il était fragile, vulnérable, et de toutes façons il est inefficace contre des menaces comme le terrorisme. Une autre source du courant unilatéraliste est le "souverainisme" : s'engager par des traités, c'est se lier les mains, or l'Amérique est assez puissante pour obtenir (imposer) ce qu'elle veut sans en passer par des accords internationaux. C'est en particulier l'attitude de politiciens comme Jesse Helms ou Newt Gingrich (aile droite du parti républicain, où ils rejoignent les isolationnistes de type Buchanan).

 

                Finalement, unilatéralisme, impérialisme, isolationnisme, libéralisme, sont surtout des références intellectuelles qui traversent tant le parti républicain que  le parti démocrate, et dont le poids relatif varie selon les circonstances, notamment intérieure, du pays. Ce qui fait le plus défaut aux Etats-Unis, c'est la définition d'un "intérêt général"  à la Rousseau. La politique extérieure est la résultante d'intérêts particuliers dont la force varie d'un moment à l'autre de l'histoire américaine.

 

                Certains soutiennent que les Etats-Unis ont les moyens de cet unilatéralisme du fait de leur immense puissance militaire, la plus grande qui ait jamais été rassemblée depuis que l'histoire humaine ait commencé. Mais en sens inverse on peut faire valoir que  cette vision sous-estime la complexité du système international actuel dans lequel si le monde est sans doute unipolaire sur le plan militaire ("hard power"), il est incontestablement multipolaire sur le plan économique ("soft power"), et ce dans un contexte où le "soft power" est au moins aussi important que le "hard power".

 

                En fait le véritable concept qui permet de rendre compte de la politique extérieure américaine, et qui permet de dépasser l'opposition factice entre impérialisme et isolationnisme, libéralisme et unilatéralisme, est celui d'exceptionnalisme[4]. Les Etats-Unis se voient comme un pays d'exception, une catégorie à part dont la "destinée manifeste" (terme consacré depuis 1845 dans la tradition politique américaine) serait d'apporter au monde l'exemple de la défense intransigeante de la vertu (tradition puritaine du XVIIème siècle) et de la liberté (tradition politique de la révolution de 1776 et tradition économique forgée à la fin du XIXème siècle). Parce que les Etats-Unis se seraient forgés loin de la "corruption" européenne, ils seraient  "the house of the free and the land of the brave" (hymne national), oints d'une sorte d'innocence naturelle et ne sauraient donc ni se mélanger vraiment au reste du monde (isolationnisme), ni être soumis aux mêmes lois que lui (unilatéralisme, distanciation par rapport au droit international), mais au contraire avoir un droit à étendre le règne des valeurs américaines qui seraient en fait universelles parce que bonnes  (impérialisme). Cette vision peut être naïve, elle n'en est pas moins sincèrement partagée tant par la population que par une partie des dirigeants américains, comme on en a eu l'illustration par cette question qui fut celle de l'Amérique (et nommément du président Bush) le 12 septembre 2001 : "Comment peut-on nous haïr alors que nous sommes bons ?". Si le terrorisme paraissait "logique" vis-à-vis du monde corrompu, il était inexplicable qu'il frappât le havre de paix et de liberté construit depuis deux siècles au-delà des océans.

 

 

III - Sur les modes de définition de la politique extérieure américaine

 

                La politique extérieure occupe une place très réduite dans le débat intérieur aux Etats-Unis : seuls 10% des citoyens américains possèdent un passeport. Le Président George W. Bush n'avait pas voyagé à l'étranger 5 fois avant d'accéder à la présidence de son pays (y compris ses déplacements au Mexique et au Canada).  Le monde extérieur est largement inconnu de l'électorat américain qui ne s'y intéresse pas. Seul l'"establishment" a une conscience de la nécessité et de l'importance des liens avec le reste du monde. Divers "lobbies" s'activent pour influencer la politique extérieure américaine, dont le plus influent est sans doute l'AIPAC (American-Israeli Public Affairs Committee) qui est en mesure de modeler très largement la politique américaine de soutien systématique à Israël. D'autres "lobbies" très importants en politique extérieure sont celui des "Hispaniques" (surtout depuis 20 ans, et en particulier le lobby cubain, qui explique l'anachronique blocage des relations avec Cuba : la CANF, Cuban-American National Foundation est de ce point de vue un clone de l'AIPAC), celui des Noirs (surtout à l'époque de la lutte contre l'apartheid sud-africain), ou celui des Irlandais, sans lequel on ne s'expliquerait pas les positions et surtout l'engagement américain dans la résolution du conflit en Irlande du Nord, ou même celui des Arméniens qui a réussi a inspirer en 1992 une politique très défavorable à l'Azerbaïdjan dans le conflit du Haut-Karabakh. Il n'est pas jusqu'aux Indiens et aux Pakistanais qui ne s'organisent en lobbies parfois avec un certain succès. Au XIXème siècle les anglo-américains et les germano-américains pesaient d'un grand poids. Demain il est possible que se crée un lobby arabo/islamo/américain, sans parler des lobbies non-ethniques comme le complexe militaro-industriel dénoncé par Eisenhower, mais qui n'a pas cessé d'exister pour autant, ou même du lobby de l'information : CNN est une des données à partir desquelles se forme la politique extérieure américaine, car celle-ci, surtout quand il s'agit du Congrès, est souvent plus "réactive" qu'active on a souligné -et contesté- son rôle dans l'historique de l'engagement puis du retrait américain en Somalie en 1992). Dans la perspective démocratique américaine, on trouve normal que les groupes de pression s'organisent pour influencer la politique du gouvernement. Le lobbying est une pratique admise et réglementée depuis longtemps (lois de 1946 et 1995 sur le financement des campagnes électorales par des groupes privés) L'inconvénient de cette manière de faire est qu'on trouve généralement plus pratique de donner satisfaction à une communauté influente que de régler les problèmes au fond : il est assez clair que la politique moyen-orientale des Etats-Unis est plus faite pour satisfaire la communauté juive-américaine (mais aussi les "Bible-christians" et autre fondamentalistes protestants qui sont très favorable à Israël en tant que peuple de l'Ancien Testament) que pour résoudre le problème israélo-palestinien. De la multiplicité de l'action des différents lobbies on peut se demander s'il émerge un véritable "intérêt national" américain, d'autant que le débat partisan en matière de politique étrangère s'est beaucoup renforcé avec la fin de la guerre froide, dés lors qu'il n'y a plus de menace "communiste" pouvant unir républicains et démocrates dans un consensus de politique extérieure. Mais c'est d'un autre côté ce qui assure une réelle participation du peuple américain (dont de toutes façons la moitié s'abstient volontairement de participer aux élections) à la définition de la politique du pays. L'Exécutif américain s'implique généralement peu dans la politique étrangère : il le fait souvent en deuxième partie de mandat, après avoir mis en oeuvre au cours de la première partie son programme de politique intérieure, qui est prioritaire. Au demeurant, avoir eu une politique étrangère couronnée de succès est de peu d'utilité en vue de la réélection ainsi que l'a clairement démontré l'échec de George Bush (père) qui malgré un parcours pratiquement sans faute en politique internationale (réunification de l'Allemagne et son maintien dans l'OTAN, guerre contre l'Iraq etc.) a été vaincu par Clinton  (et avec 12% d'avance) essentiellement sur des questions de politique intérieure.

 

                La puissance et les intérêts américains sont tels aujourd'hui, que la politique extérieure américaine est nécessairement incohérente : avoir des intérêts partout interdit en pratique d'avoir des amis et des ennemis, et oblige à des arbitrages pratiquement impossibles entre des intérêts divergents, comme on le voit aujourd'hui à propos de l'Inde et du Pakistan. Les intérêts américains sont tellement divers qu'ils s'opposent entre eux : les Etats-Unis doivent-ils considérer la Chine comme un "pays voyou" ou comme un partenaire politique ? l'Union Européenne, le Japon, qui sont des alliés politiques sont des adversaires commerciaux : comment les traiter ? Objectifs économiques et stratégiques d'une part, objectifs régionaux divergents d'autre part tirent la politique américaine à hue et à dia. Les compagnies américaines sont aujourd'hui tellement mondialisées que leurs intérêts ne sont plus, dans bien des cas, essentiellement américains. En ce sens elles peuvent avoir des objectifs différents de ceux de leur propre gouvernement (notamment en matière de sanctions économiques, qui leur interdisent de faire des affaires avec certains pays, les handicapant par rapport aux autres, d'où la tentation d'essayer de leur imposer les mêmes restrictions avec des lois du type Helms-Burton ou d'Amato-Kennedy). D'autre part, les Etats-Unis s'étant constitués dans l'idée de rompre avec la tradition européenne fondée sur la volonté de puissance (la "gloire des princes" de l'époque), le domaine de la politique extérieure n'a jamais été laissé à la seule appréciation du pouvoir exécutif : on a renforcé les pouvoirs du Sénat à cet égard (en matière de ratification des traités, à la majorité des 2/3, ce qui signifie que 34 sénateurs, qui peuvent dans certaines configurations ne représenter que 5% de la population, peuvent bloquer un traité; nomination des acteurs de cette politique, notamment les ambassadeurs). Plus récemment le Congrès a encore restreint les pouvoirs du Président ("War Powers Act" voté à la suite de la guerre du Vietnam pour empêcher le Président d'engager les Etats-Unis dans une guerre sans l'approbation du Congrès), ou essayé de forcer l'exécutif à des actes de politique étrangère qu'il ne souhaitait pas (le transfert de l'ambassade US en Israël à Jérusalem par exemple). Le but de la Constitution américaine n'est pas d'établir le gouvernement le plus efficace possible, mais le minimum de gouvernement nécessaire pour préserver le maximum de libertés civiles.

 

                D'autre part les moyens de la puissance américaine paraissent surdimensionnés par rapport aux objectifs (à quoi sert une écrasante puissance nucléaire qu'on ne peut pas utiliser en pratique ?) ou bien malcommodes : la capacité de projection massive de forces (les Etats-Unis ont en permanence près de 300.000 hommes de troupe stationnés à l'étranger, dans des bases ou sur leurs flottes) ne permet pas de résoudre tous les problèmes, notamment ceux liés au trafic de drogue et au terrorisme qui sont sans doute aujourd'hui les principales menaces pesant sur l'Amérique. La question iraquienne, et vraisemblablement la question afghane n'ont pas été et ne seront pas résolues par ces moyens.

 

                Ainsi il y a une contradiction fondamentale : les Etats-Unis sont ou ont le sentiment d'être tout-puissants. Et le fait est qu'ils sont les seuls à disposer de toutes les composantes de la puissance tant en "hard power" (puissance militaire et politique) qu'en "soft power" (puissance financière, économique, technologique, culturelle), ce qu'aucune puissance n'avait réussi à cumuler depuis l'Empire romain. Ils ont en outre une masse territoriale et démographique qui les met à l'abri d'un déclin comme ont pu en connaître des puissances comme la Hollande, l'Espagne, la France, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, dont les compétiteurs étaient à peu près de même taille. Pourtant, simultanément, les Américains ont le sentiment parfois justifié de n'avoir pas véritablement de prise sur les affaires du monde. Le fait est que le monde globalisé d'aujourd'hui est aux antipodes de ce qu'étaient les objectifs américains en 1945 : les Etats-Unis espéraient alors sauvegarder leur suprématie économique et partager dans le cadre de l'ONU et de son conseil de sécurité la charge du maintien de l'ordre et de la paix internationales. Or la situation est inverse : les Etats-Unis sont la première puissance économique mondiale certes, mais non hégémonique, et leur primauté leur est sans cesse contestée. En revanche ils doivent supporter seuls le fardeau du maintien de la paix et de la sécurité internationales, ou peu s'en faut. Pour essayer de partager ce poids, les Etats-Unis développent couramment le thème du "leadership" : ils seraient en quelque chose les chefs d'une équipe dans laquelle chacun aurait sa place légitime en fonction de ses moyens et des intérêts. Cette réthorique bute cependant sur deux réalités : la logique de l'"équipe" ne peut fonctionner que s'il y a une équipe adverse, ce qui n'est plus le cas depuis l'Union Soviétique (et ni l'Iraq en 1991, ni bin Laden en 2001 ne sont des successeurs crédibles) et surtout il ne peut pas y avoir de "leadership" sans "partnership", or les Etats-Unis entendent bien conserver jalousement leur indépendance nationale, et refusent de plus en plus de s'engager dans des arrangements multilatéraux sauf quand ils les dominent totalement comme l'OTAN. Le fait est que les Etats-Unis ne sont partie à aucune des grandes conventions internationales signées au cours des dix dernières années[5]. La crédibilité de l'aspiration des Etats-Unis au "leadership" se trouve ainsi minée par les coups de boutoir unilatéralistes dans tous les domaines, et particulièrement dans le domaine commercial, qui est le plus universellement partagé.

 

                Dans le même temps il est plus difficile pour le gouvernement américain de mobiliser une opinion publique interne peu intéressée par le reste du monde, aux nécessités d'une politique extérieure. La "défense du monde libre" n'est plus d'actualité. La "défense de la civilisation" (thème utilisé contre l'Iraq ou contre la Yougoslavie dans l'affaire du Kosovo) ne convainc pas tout le monde. C'est sans doute pourquoi on voit reparaître le thème de l'"intérêt national" qui évoque pourtant un égoïsme dont les Américains se croyaient sincèrement dépourvus, en tant que promoteurs et défenseurs de valeurs universelles (la paix, la liberté, la poursuite du bonheur) : la mondialisation est sans doute la fin de l'innocence des Etats-Unis qui découvrent qu'ils doivent finalement agir comme les puissances européennes d'autrefois. En fait les questions de politique extérieure qui intéressent les Américains sont celles dont ils voient les répercussions en matière intérieure à très court terme (c'est en particulier le cas du "Missile Defense" comme auparavant de l'"Initiative de Défense Stratégique" du président Reagan, deux projets qui renouaient avec l'idée d'une Amérique-forteresse, indépendante et séparée du reste du monde).

 

IV - Où va la politique américaine ?

 

Il n'est pas certain qu'on puisse apporter une réponse à cette question à l'heure actuelle.

 

Depuis 1971, les Etats-Unis sont en déficit commercial, et la chose s'est aggravée depuis à un point qu'elle est devenue désormais insoutenable, et de constituer une menace pour la stabilité financière de l'économie américaine pour ne pas dire de l'économie mondiale. La gravité de la situation est encore masquée par le fait que les Etats-Unis se trouvent dans la situation exceptionnelle d'avoir une monnaie qui est la monnaie universelle : certains n'hésitent d'ailleurs pas à dire que le problème du déficit commercial américain n'est pas leur problème mais celui des autres pays, étant donné le degré d'endettement des Etats-Unis qui approche les 2000 milliards USD et l'usage qui est fait de cette monnaie dans les transactions internationales. Cela n'est pas tout à fait inexact mais implique que s'il y avait une crise de confiance dans le dollar ou simplement si une autre monnaie gagée sur une économie aussi puissante que celle des Etats-Unis apparaissait (l'euro pour la zone économique européenne ?) la situation deviendrait explosive pour les Etats-Unis[6]. Les Etats-Unis mènent actuellement une politique commerciale visant à centrer la globalisation de l'économie mondiale sur les standards de leur propre économie, qui est fondée sur le libre-échange et la fluidité. Pour cela les Etats-Unis favorisent les accords multilatéraux au sein de l'OMC et se servent de leur régionalisme propre (ALENA, voire plus tard ZLEA, dont le modèle serait comme une alternative à celui de l'Union Européenne, qui n'est fondé sur le libre-échange pur, mais inclut des standards de production "sociaux") comme d'un levier pour y imposer les standards de l'organisation économique à l'américaine. Ils n'en demeure pas moins qu'ils ne sont partie qu'à deux accords de libre-échange (ALENA et Israël, un autre étant en cours de négociation avec la Jordanie).

 

Depuis 1987  les Etats-Unis ont perdu leur position de créancier net face à l'étranger qui était le leur depuis 1917, et sont même aujourd'hui le premier débiteur mondial. Leur part dans l'économie mondiale est revenue à ce qu'elle a été pratiquement durant tout le XXème siècle (après 1914) soit d'environ un quart du Produit Brut Mondial (mais en 1945, c'était un peu plus de la moitié !). En sens inverse, ils sont les premiers à être entrés de plain-pied dans l'économie post-industrielle (celle des technologies de l'information) et se trouvent donc de ce point de vue avec un avantage comparable à celui de la Grande-Bretagne qui au XIXème siècle avait été le premier pays à entrer dans l'ère industrielle. La puissance américaine a donc encore de beaux jours devant elle, cependant il faut souligner que la surdétermination stratégique qui avait été la sienne à l'époque de la guerre froide devrait laisser place à présent à une surdétermination économique. Finalement, la capacité des Etats-Unis à protéger leur leadership dans les affaires économiques internationales repose, à un premier niveau, sur leur capacité à avoir une économie forte, en croissance, et compétitive.

 

Il n'y a plus d'adversaire politique aux Etats-Unis, mais la compétition avec l'Europe (désormais dotée d'une  monnaie unique) et avec le Japon sera d'autant plus forte que les Etats-Unis ne disposent plus de leur "protection" militaire comme d'un moyen de pression sur eux pour les amener le cas échéant à des concessions. Il est cependant possible, surtout depuis le 11 septembre, que la détermination politique des choix de la diplomatie américaine soit renforcée par la perception de "nouvelles menaces" (terrorisme pour l'heure).

 

                L'isolationnisme n'est  plus une option pour les Etats-Unis, même s'il n'y a plus de menace soviétique pour les obliger à s'impliquer dans les affaires du monde extérieur. La globalité de leur puissance rend nécessaire une implication active dans les affaires du monde. Dans les années 1960, encore le total combiné des importations et des exportations américaines ne représentait que 10% de leur PNB, alors que c'est le quart aujourd'hui.

 

                Devant les mutations actuelles de la politique américaine, les perceptions de cette politique sont également en train d'évoluer : pour la Chine et la Russie, on a l'impression que les Etats-Unis deviennent une menace. L'Europe, sans aller jusque là car elle demeure fondamentalement alliée des Américains, ressent la nécessité de se doter des moyens de son autonomie en termes de politique étrangère. D'autres pays pensent que la relation aux Etats-Unis n'est pas fondamentale pour s'affirmer sur la scène internationale, même si on ne peut pas s'affirmer directement contre eux : la possession de l'arme nucléaire devrait suffire (Inde, Pakistan, peut-être Iran).

 

                La politique américaine semble prête à suivre les chemins les plus opposés : repli sur elle-même (la "forteresse Amérique" derrière une barrière anti-missile étanche comme hier derrière un océan Atlantique et un océan Pacifique la préservant du reste du monde), intervention militaire massive à l'étranger dés que ses intérêts sont en cause (type Afghanistan), extension de son influence sur les puissances en déclin (type extension de l'OTAN), désengagement de la scène internationale au profit d'un "superbe isolement" à la britannique (refus de recourir à des alliés pour autre chose que la légitimation politique de ses actions unilatérales comme dans l'opération contre les Talibans). On voit que ces options ne sont pas toutes exclusives les unes des autres. Peu de pays auront eu dans l'histoire autant d'options que les Etats-Unis en ont aujourd'hui pour définir leur politique étrangère. C'est précisément ce qui la rend aussi imprévisible, même pour ses dirigeants.

 


 

[1] Dont le slogan est « America first, and second, and third and fourth » (sic)

[2] cf la fiche sur ce thème.

[3] "Sergio Romano "Le grand désordre mondial 1989-2201" Paris 2002 - Editions des Syrtes, pp 220-221

[4] on lira avec intérêt l'article "La politique étrangère américaine" par William Pfaff, in "Commentaire" n)98, été 2002, pp 293 sq

[5] voir liste non exhaustive dans la fiche sur l’unilatéralisme américain

[6] Les économistes notent que si le dollar continue à baisser face à l’euro alors que l’économie américaine est plus dynamique que l’économie européenne en termes de croissance, ce qui devrait au contraire attirer les investissements étrangers aux Etats-Unis et faire se porter des capitaux sur le dollar, c’est sans doute moins du fait de la politique monétaire américaine que du fait des doutes croissants sur la capacité des Etats-Unis à financer leur énorme déficit des paiements courants (ils doivent emprunter 2 milliards de dollars par jour au reste du monde). Et quel est l’intérêt de changer ses euros pour un investissement en dollars aux Etats-Unis qui rapporte 10% en une année, si au cours de la même année le dollars baisse de plus de 10% par rapport à l’euro ?

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