Le Timor Oriental

 

Issu d’une longue colonisation portugaise, le Timor-Est a connu les tourments d’une décolonisation ratée, suivie de la violente occupation de l’île par l’Indonésie, alors vue comme l’un des leaders des pays en voie de développement.

        Les évènements récents au Timor oriental permettent de mettre en lumière le résumé que constitue ce petit territoire de 14 500 km2 au regard de l’histoire du droit international.

        L’oubli dans lequel le Timor oriental est tombé est à la mesure du réveil brutal de la question timoraise, qui place l’ONU sur le devant de la scène internationale jusqu’au processus d’autodétermination puis d’indépendance, qui ne va pas sans poser de nouveaux problèmes.

 

I. Le Timor oriental : un Etat récent, résumé de l’histoire du droit international

 

1. le problème timorais, sujet de droit international

 

        Découvert au XVIème siècle, le Timor est partagé au XIXème siècle entre le Potugal (qui reçoit la partie orientale) et les Pays-Bas (la partie occidentale est rattachée aux Indes néerlandaises). En 1950, le Timor occidental accède à l’indépendance au sein de l’Indonésie. A partir de 1974, le Portugal se retire de ses colonies dans des conditions précipitées. Il était initialement prévu que l’administration portugaise cesserait en 1978 ; entre temps, en 1976, une Assemblée populaire timoraise devait être élue afin de définir le nouveau statut politiques du territoire. En novembre 1975 cependant, l’Indonésie envahit la partie occidentale de l’île, annexée en mai 1976. Les réactions de la communauté internationale sont diverses :

              -les Etats-Unis restent bienveillants envers l’Indonésie anticommuniste du général Suharto

              -l’Australie, soucieuse de rester en bons termes avec son puissanr voisin indonésien, reconnaît officiellement l’annexion ; les deux pays se partagent les gisements off-shore de gaz et de pétrole du plateau continental timorais

              -le Portugal, inquiet pour son ancienne colonie, forme une requête devant la Cour internationale de Justice, sans résultats (Arrêt CIJ du 30 juin 1995, Portugal contre Australie)

              -la Communauté européenne appelle au règlement pacifique du différend et décide un embargo sur les armes à destination de l’Indonésie

              -les pays du Sud sont mal à l’aise vis-à-vis de l’Indonésie ; si la Conférence des pays non-alignés, dont l’Indonésie fut pourtant l’un des fondateurs, condamne la politique indonésienne (Belgrade, 1978), l’ASEAN tempère ses critiques, l’Indonésie étant un Etat influent dans la région

              -le Conseil de sécurité de l’ONU condamne l’invasion, puis l’annexion (résolutions 384 du 22 décembre 1975 et 389 du 22 avril 1976), demandant le retrait de l’Indonésie et proclamant le droit du peuple timorais à l’autodétermination, sans qu’une suite ne soit donnée à cette protestation feutrée

 

        Pendant vingt ans, le Timor oriental, occupé par l’armée de Djakarta, est pillé économiquement. Très majoritairement catholique (90%) alors que le pays est musulman, la population (650 000 habitants en 1975), brimée par les milices proindonésiennes, est décimée d’un tiers. Les considérations d’ordre économique, politique ou géostratégique prennent le pas sur la question de la légalité internationale. Cependant, plusieurs facteurs sortent l’affaire timoraise de l’oubli :

              -les organisations non gouvernementales jouent un rôle acif, notamment Amnesty International et le Comité international de la Croix Rouge

              -les exactions, notamment le massacre de Dili (1991) sont largement révélées par les media occidentaux

              -le Prix Nobel de la Paix est remis en 1992 aux Timorais J. R. Horta (ancien leader de la guerilla) et à l’évêque de Dili, Carlos Belo

              -suite aux problèmes économiques qui touchent durement l’Indonésie, le Président Suharto est remplacé par Habibie, plus enclin au compromis

 

        Sous les auspices du Secrétaire général des Nations Unies, un accord est signé à New York entre l’Indonésie, le Portugal, et les chefs des divers factions timoraises (5 mai 1998), complété par deux accords (Djakarta, octobre 1998, et Vienne, décembre 1998) qui prévoient « une consultation libre qui permettra de déterminer la véritable volonté de la population » tout en en garantissant le bon déroulement. La résolution 1236 du Conseil de sécurité (11 juin 1999) entérine ce processus : la présence de l’ONU sera nécéssaire jusqu’à la mise en oeuvre de l’une des deux options,  « à savoir l’ autonomie au sein de l’ Indonésie ou l’indépendance ».

 

2. bilan de l’action inédite de l’ONU au Timor oriental

 

        Sur proposition du Secrétaire général, la Mission des Nations Unies au Timor oriental (MINUTO / UNAMET) est mise en place par la résolution 1246 du Conseil de sécurité (11 juin 1999), afin d’organiser la consultation populaire. Celle-ci a finalement lieu le 30 août : 78,5% des votants (pour une participation de 98,5% des électeurs) ayant rejeté le statut d’autonomie, la population a exprimé son désir  « d’entrer dans un processus de transition vers l’indépendance ».

 

        Simultanément, une vague de violence (y compris contre le personnel de l’ONU) est déclenchée par les milices soutenues par la police et l’armée indonésiennes. De plus en plus acculée sur le plan international, au bord de la faillite économique (la crise étant aggravée par l’instabilité), l’Indonésie accepte l’envoi d’une force de maintien de la paix. La résolution 1264 du Conseil de sécurité du 15 septembre 1999 prévoit l’envoi d’une force internationale (INTERFET) sous commandement australien, qui doit rétablir la paix et la sécurité, protéger la MINUTO et faciliter l’aide humanitaire1. Le nouveau Président indonésien, A. Wahid, organise l’évacuation du Timor oriental par l’armée, laissant l’INTERFET seule responsable de la paix civile.

 

        La dernière phase du processus onusien va voir la mise en place d’un véritable Etat de droit : toujours sur la base du chapitre VII et en vertu d’une menace à la paix et à la sécurité, la résolution 1272 du Conseil de sécurité du 25 octobre 1999 crée une Administration transitoire des Nations-Unies au Timor oriental (ATNUTO / UNTAET). Cette vaste mission est épaulée par des casques bleus autorisé à prendre « toutes les mesures nécessaires ». L’ONU, en quelques années, a réussi a construire un Etat viable.

 

II. Quel avenir pour le Timor oriental ?

 

1. difficultés et succès de l’ONU en matière de maintien de la paix et d’action humanitaire

 

        L’ONU a fait l’objet de vives critiques, souvent infondées ou exagérées. Il est vrai que l’affaire du Timor-Est a été relativement oubliée dans les années 80, ce qui révèle un dysfonctionnement de certaines instances onusiennes, notamment du HCR qui a longtemps gardé le silence sur les déplacements forcé de population. Aux Nations-Unies, seul le Portugal, en tant que puissance adminstrative de jure, continua de se préoccuper du problème. Le 18 septembre 1985, l’Assemblée générale refusa d’examiner la question du Timor. En 1989, celle-ci fut même retirée de l’ordre du jour. De plus, le droit d’ingérence a été évoqué à la fin des années 90, alors que l’Indonésie connaissait de graves problèmes politiques et économiques; l’ONU aurait-elle été aussi audacieuse, si l’Indonésie n’avait pas été affaiblie ? Cette critique est cependant récurrente en droit international, et n’est pas propre à la crise timoraise.

 

        Après le référendum d’autodétermination, il est certes regrettable que le Conseil de sécurité n’ait pas su prévenir l’explosion de violence consécutive au scrutin. L’intervention trop tardive de l’INTERFET n’a pu empêcher le déplacement forcé de dizaines de milliers d’habitants vers le Timor occidental. On a déploré plus de 10 000 victimes lors des combats2.

 

        Cependant, il faut souligner les succès de l’ATNUTO, qui a su mettre en place un Etat de droit doté d’institutions fonctionnelles et démocratiques. Jamais auparavant l’ONU n’avait pleinement assumé un ensemble aussi vaste de compétences3, qui plus est de cette nature si particulière, normalement unique apanage des Etats souverains. L’ATNUTO a su concilier les impératifs de la rapidité et les exigences de la consultation, et a répondu aux attentes des Timorais.

 

2. quel avenir pour la région ?        

 

        Principale perdante de la crise, l’Indonésie devra faire des concessions pour éviter l’implosion de son territoire, menacé par divers mouvements indépendantistes (Irian, Moluques…). Cependant, son attitude plus conciliante lui permet de renouer avec l’aide économique internationale.

 

        Au Timor oriental, la réconciliation nationale sera indissociable d’une sanction contre les auteurs de crimes. Dans sa résolution 1264 créant l’INTEFET, le Conseil de sécurité a demandé « que les responsables des actes commis soient traduits en justice ». Pour l’instant, l’Indonésie refuse de reconnaître l’implication globale de la police et de l’armée dans ces exactions et rejette l’idée d’un tribunal pénal international.

 

        La MANUTO, qui a pris le relai de l’ATNUTO (résolution 1410 du Conseil de sécurité, 17 mai 2002), accentue la « timorisation » en transférant des responsabilités croissantes aux autorités locales, formées au respect « des principes des droits de l’Homme internationalement acceptés ».

 

 

        Le Timor oriental, héritage de l’époque coloniale, a subi les contradictions et divisions des pays du Nord comme ceux du Sud. L’action de l’ONU, multiforme et efficace malgré les impairs, a permis le retour à la paix et la reconstruction d’un nouvel Etat, devenu en 2002 le 191ème membre des Nations Unies. Mais d’autres questions, telles que la nécessaire réconciliation avec l’Indonésie et le retour des réfugiés, devront encore être résolues.

Notes

 

1 Pour accomplir leur mission, le Conseil « autorise les Etats participant à la force internationale à prendre toutes les mesures pour exécuter ce mandat »; on retrouve la phrase devenue habituelle depuis l’invasion du Koweït par l’Irak, et dont l’absence avait causé l’inefficacité dramatique de la FORPRONU en ex-Yougoslavie.

 

2 A titre de comparaison, on a dénombré 2000 morts au Kosovo, bilan pourtant ressenti comme insupportable et véritable déclencheur de l’intervention de l’OTAN contre la modeste Serbie. Pourtant, le Kosovo faisait de jure partie partie du territoire de la République fédérative de Yougoslavie, tandis que l’occupation et l’annexion du Timor oriental n’avait aucun fondement de droit international. Alors que la Serbie a été massivement bomabardée, l’intervention au Timor (sans débordement hors du territoire est-timorais) a été consentie et limitée. D’où l’interrogation du Président algérien à la tribune de l’ONU : « L’ingérence est-elle légitime pour les seuls Etats faibles ? »

 

3 On compare souvent le rôle joué par l’ATNUTO au Timor-Est avec celui de la MINUK, Mission des Nations Unies au Kosovo. Ce rapprochement n’est qu’en partie justifié, puisque, au Kosovo, la mission militaire est confiée à la KFOR, où l’OTAN occupe une place primordiale.

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