Les sanctions internationales

 

L’actualité nous rappelle régulièrement le rôle central des sanctions dans les relations internationales : sanctions contre la France dans le cadre de la violation des règles du PSC, levée des sanctions contre l’Irak par l’ONU, sanctions commerciales dans le cadre des conflits commerciaux à l’OMC…

De manière générale, la sanction désigne la réponse à la violation d’une règle. Comme en droit interne, l’effectivité du droit international passe par l’existence de sanctions.

Cependant, les sanctions recouvrent des réalités très différentes ce  qui empêche de les traiter de manière globale. Nous nous concentrerons ici sur les sanctions prononcées dans le cadre des Nations Unies, ce qui nous conduit notamment à écarter les cas particuliers des sanctions en droit commercial international et en droit communautaire.

Ainsi précisé, le concept de sanction n’en demeure pas moins très flou dans la mesure où les sanctions n’ont pas un contour juridique très précis. On distingue néanmoins généralement en droit public international les sanctions des « contre mesures ».

La jurisprudence (sentence arbitrale, 1978, F/USA) définit les « contre mesures » comme des réactions étatiques unilatérales dirigées contre un ou des Etats, émanant d’un Etat qui considère leurs comportements comme inamical ou contraire à leurs engagements internationaux.  Les sanctions correspondent a contrario aux actions menées au niveau de l’ONU suite à la violation par un (ou des) Etat(s) d’un droit objectif de la communauté internationale. Le droit objectif principal de la communauté international est celui du droit au maintien de la paix. Par conséquent, nous entendrons dans le suite de notre exposé les sanctions comme les actions menées par la communauté internationale lorsqu’un Etat menace le maintien de la paix. 

S’interroger sur les sanctions conduit alors nécessairement à se demander dans quelles mesures les sanctions  parviennent elles à atteindre l’objectif de maintien de la paix.

 

L’ONU dispose en effet d’un cadre juridique lui permettant de mettre en œuvre des sanctions variées en vue de maintenir la paix (I) . Cependant, l’efficacité du régime des sanctions est remise en cause (II) .

 

 

I – L’ONU dispose d’un cadre juridique lui permettant de mettre en œuvre une grande variété de sanctions en vue de préserver la paix.

 

 

Le droit international reconnaît au Conseil de sécurité la possibilité de mettre en œuvre toute une gamme de sanctions afin d’assurer son objectif du maintien de la paix.

 

A – Le droit international prévoit l’usage de sanctions pour garantir le maintien de la paix

 

Comme en droit interne, le droit international doit prévoir un régime de sanctions si il ne veut pas rester au stade des déclarations de bonnes intentions.

 

On trouve le fondement juridique des sanctions dans le chapitre VII de la Charte des Nations Unies. L’article 39 de la Charte prévoit que le

 

Plus précisément, l’article 39 de la Charte des Nations Unies prévoit que le Conseil de sécurité dispose de toute une gamme de mesures pour « maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales ».

 

L’article 39 envisage trois cas de figure pour autoriser le Conseil de sécurité à mettre en œuvre des sanctions  :

- menace contre la paix

- rupture de la paix

- acte d’agression

 

Le Conseil de sécurité a utilisé pour la première fois son pouvoir de sanctions à l’encontre de la Rhodésie en 1966 et à l’encontre de l’Afrique du Sud en 1977.

 

Le pouvoir de sanctions du Conseil de sécurité porte à l’encontre des Etats qui menaceraient la paix mais pas seulement. Il porte également à l’encontre des groupes infra étatiques comme les factions, comme l’illustre le cas de la résolution 864 (1993) à l’encontre du groupe UNITA en Angola, mais aussi les résolutions à l’encontre des Talibans en Afghanistan ou des Serbes de Bosnie.

 

La pratique des sanctions s’est progressivement ancrée dans le droit international. Elle s’est même institutionnalisée avec la création en 1990, par le Conseil de sécurité, de comités des sanction qui sont chargés de veiller aux respect des sanctions prises par la communauté internationale.

 

B – Le Conseil de sécurité dispose d’une gamme étendue de sanctions

 

De manière générale, on peut classer les sanctions décidées par le Conseil de sécurité en deux grandes catégories : les sanctions non coercitives et les sanctions coercitives. 

 

- Les sanctions non coercitives :

 

On trouve leur fondement dans l’article 41 de la Charte des Nations Unies. Cet article stipule: « Le Conseil de sécurité peut décider quelles mesures  n’impliquant pas la force armée doivent être prises pour donner effet à ses décisions  et peut inviter les membres des Nations Unies à appliquer ces mesures ».

 

Parmi ces sanctions non coercitives, sont envisageables : 

 

- des sanctions diplomatiques .

Il s’agit de mesures d’ordre symbolique qui ont essentiellement pour objectif d’utiliser le pouvoir d’influence de l’opinion publique internationale pour inciter l’Etat concerné au retour à une situation normale. Exemples :

a) Stigmatisation d’un pays avec condamnation morale (ex : Durant l’Apartheid, l’Afrique du Sud n’ a pas été exclue des Nations Unies mais a fait l’objet de plusieurs condamnations morales ou symboliques).

b) Rupture des relations diplomatiques (ex : Iran à la suite de la prise d’otages de diplomates en 1978/1979).

c) Rupture des relations sportives ( ex : Serbie Monténégro en 1992)

 

- Des sanctions économiques :

 

Les sanctions économiques consiste à isoler économiquement un pays et forcer ainsi ses dirigeants  à se conformer au droit international.

Ces mesures doivent en principe être d’autant plus efficace que le pays est ouvert économiquement sur l’extérieur.

Il y a à l’intérieur même des sanctions économiques toute une gamme de sanctions envisageables :

 

a) Embargo avec rupture des relations commerciales (ex : embargo sur le pétrole dans le cas de la Rhodésie et de l’Afrique du Sud ; embargo sur les armes en Yougoslavie en 1991 –1992)

b) Gel des avoirs financiers détenus à l’extérieur du pays

c) Blocus généralisé (ex : Irak par la résolution 661 du 6 août 1990).

 

 

- D’autres mesures encore : rupture des relations aériennes (ex : la résolution  731 adoptée le 21 janvier 92 par le conseil de sécurité à la suite du refus de la Libye d’extrader des agents libyens soupçonnés d’être les auteurs de l’attentat de Lockerbie de 1988, prévoit la suspension des liaisons), rupture des relations téléphoniques,…

 

 

- Les sanctions coercitives :

 

 

Ces sanctions sont des sanctions en dernier ressort pour le Conseil de sécurité. En effet, cela conduit la Communauté internationale à contrevenir à un de ses principes fondateurs, prévu à l’article 2 de la Charte, à savoir celui d’interdiction du recours à la force.

 

Lorsque les mesures non coercitives sont insuffisantes pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales », l’article 42 de la Charte prévoit la possibilité de mesures coercitives. Il y a bien l’idée que le recours à des mesures coercitives ne doit être envisagé qu’après épuisement des autres sanctions.

 

Le cas de sanctions militaires sont très rares. Il n’y a en fait que deux exemples dans l’histoire de l’ONU ; lors de l’invasion de la Corée du Sud par la Corée du Nord en 1950 et lors de l’invasion du Koweit par l’Irak en 1990.

 

II – Néanmoins, l’efficacité du régime des sanctions est contestée 

 

La remise en cause de l’efficacité du régime de sanctions repose sur deux arguments.

D’une part, le choix d’un régime de sanctions centré sur les mesures économiques est aujourd’hui contesté. D’autre part,  les difficultés de mise en œuvre des sanctions sont de nature à en limiter la portée.

 

A – Le choix d’un régime de sanctions centré sur les mesures économiques est aujourd’hui remis en cause

 

- Le Conseil de sécurité privilégie l’usage des sanctions économiques.  .

En effet, ces sanctions sont appréciées dans la mesures ou elles n’ont  pas de coût en vie humaines comme les interventions armées et évite tout risque d’enlisement dans un conflit.

Wilson, dès 1919, avait bien compris l’avantage des sanctions économiques « Une nation qui fait l’objet d’un boycott est une nation en passe de se rendre. Appliquez ce remède économique, pacifique et silencieux et mortel, et le recours à la force sera inutile ».

Son usage intensif repose bien sur l’idée que les sanctions économiques peuvent efficacement se substituer aux sanctions militaires.

 

- Cependant, ces sanctions se sont avérées peu efficaces.

En effet, elles empêchent rarement le recours à la force. Par exemple, la Yougoslavie ou l’Irak ont fait l’objet de sanctions économiques avant le recours à la force armée. Le début de l’embargo contre l’Irak à été décidé en 1990 ; en 1991 avait lieu l’intervention militaire américaine.

De même, la multiplication des sanctions à l’encontre de pays africains dans les années 90 (Angola 1993, Rwanda 1994, Liberia 1995, Sierra Leone 1998, …)ne s’est pas traduite par des résultats politiques très probants.

 

- De plus, les effets pervers des mesures économiques sont nombreux :

 

a) Elles peuvent renforcer le dirigeant en place. 

b) Elles affectent principalement la population civile. Les effets désastreux des sanctions économiques du point de vue humanitaires ont été régulièrement dénoncés au sein même des Nations Unies, notamment par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels.

c) Les sanctions économiques favorisent l’éclosion de marchés noirs au profit des mafias en pénalisant doublement les populations civiles.

d) Les sanctions économiques peuvent affecter de façon très importantes les pays voisins qui sont en relations économiques avec lui.

 

- Le conseil de sécurité a mis en place en avril 2000 un groupe de travail sur les questions générales des sanctions qui s’oriente vers l’application de sanctions intelligentes , plus ciblées sur l’élite du pays concerné : gels des avoirs personnels, interdiction de voyager, …

 

 

 

 

 

B- La mise en œuvre des sanctions par le Conseil de sécurité se heurte à de nombreuses difficultés 

 

La procédure de décision de sanctions se heurte au problème du droit de veto. L’existence d’un droit de veto peut empêcher la mise en œuvre d’une procédure de sanction quand bien même il y aurait une menace pour le maintien de la paix.

 

En outre, les sanctions décidées par le Conseil de sécurité peuvent être instrumentalisées par les Etats au profit de jeux de pouvoirs. Les Etats utilise alors le régime des sanctions du Conseil comme un instrument au service de leur puissance. Par exemple, dans le cas du Kosovo, un veto probable de la Russie à une intervention militaire a conduit à une intervention de l’OTAN en dehors du cadre des Nations Unies. Comme le système des sanctions est instrumentalisé, il n’est pas toujours utilisé pour garantir effectivement le maintien de la paix. (ex : pas de sanction de la Russie par rapport à sa politique Tchétchène).

 

En dehors du problème de la prise de décision, les sanctions coercitives se heurtent à une difficulté propre qui est l’absence en propre de forces armées par le Conseil de sécurité.

En effet, l’article 47 sur le comité d’Etat major est resté lettre morte.

Par conséquent, le Conseil utilise des moyens détournés comme les autorisations ou les habilitations. Exemple : en 1950, lors de l’invasion du territoire de la Corée du Sud par les troupes communistes de la Corée du Nord, le Conseil a autorisé la riposte américaine. Il n’a pas conduit lui même une sanction coercitive.  De même lors de l’invasion du Koweït par l’Irak en guerre en 1991 ( la résolution 678 ne fait « qu’autoriser l’utilisation de tous les moyens nécessaires »). Le Conseil de sécurité donne une sorte de feu vert aux Etats sans engager les Nations Unies en tant que tel dans les opérations militaires. Cette procédure de sous-traitance des sanctions coercitives aux Etats a des conséquences importantes. D’une part, les sanctions coercitives se trouvent alors dépendantes  du bon vouloir des pays, et notamment des plus puissants d’entre eux. D’autre part, cela introduit un facteur d’inégalités entre les Etats dans la mesure où les petits pays n’ont pas les moyens de lancer des actions coercitives lorsqu’ils sont victimes d’une violation du droit international.

Conscient de ce problème, K.Annan a proposé dans le cadre de son Agenda pour la paix la création de forces d’imposition de la paix pour mettre en œuvre des mesures coercitives. Le Conseil n’ a pas fait suite à ses  propositions.

 

 

 

Conclusion 

Si le Conseil dispose d’un cadre juridique permettant de mettre en œuvre des mesures visant à garantir le maintien de la paix, le régime actuel des sanctions se révèle insuffisant pour atteindre cet objectif.

Aujourd’hui, nous nous trouvons dans une situation paradoxale où les initiatives, multilatérales ou unilatérales, menées en dehors du cadre des Nations Unies semblent plus capables de mener des actions de maintien de la paix comme l’illustrent l’exemple du Kosovo ou de l’Afghanistan.

 

 

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