Les lois d’extra-territorialité (Helms-Burton ; d’Amato-Kennedy)

 

En 1996, le Congrès américain a approuvé à peu d’intervalle les lois Helms-burton et d’Amato-Kennedy. Ces deux lois ont la particularité d’être extra-territoriales c'est-à-dire qu’elles n’incriminent ni des comportements qui se sont déroulés sur le territoire américain, ni des actes dont des ressortissants américains sont les auteurs 

 

Elles prescrivent au contraire un comportement aux entreprises ressortissantes d’Etats tiers en faisant peser sur elles la menace de sanctions si elles ne se plient pas aux injonctions du législateur américain.

 

Les causes immédiates de ces deux lois

 

Les deux lois d’extra-territorialité répondent à une volonté politique.

En Mars 1996, Bill Clinton signe la loi Helms-Burton en réponse à la destruction de deux aéronefs appartenant à une organisation anti-castriste par des avions de chasses cubains.

                L’objectif déclaré de cette loi est la chute du gouvernement cubain et l’instauration d’un gouvernement démocratique. Les sections 205 et 206 de la loi détermine avec précision ce qui peut être considéré comme un gouvernement de transition vers la démocratie avec une économie de marché. De plus, y est mentionnée la restitution des biens américains nationalisés par le régime actuel. 

 

En Août 1996 : est voté par le Congrès la loi d’Amato-Kennedy suite aux attentats de Lockerbie en 1988.

                Cette loi vise à protéger la sécurité et les intérêts américains en privant l’Iran et la Libye, considérés comme des soutiens principaux au terrorisme dans le monde, des fonds nécessaires pour financer les organisations terroristes.

 

Les mesures adoptées

 

 Dans le cadre des lois Helms-Burton et D’Amato-Kennedy, les Etats-Unis ont adopté des lois régissant des activités qui se passent en dehors de leur territoire sous prétexte que ces activités ont des effets sur son propre territoire ; en d’autres termes, ils ont mis en place un « boycott secondaire »[1].

La loi Helms-Burton interdit à toute personne de dans le monde de « trafiquer » avec des biens qui ont ou ont eu rapport (caractère rétroactif) avec les possessions américains qui ont jadis été nationalisés. Cette définition très large peut inclure par exemple l’achat de sucre produit sur des terres qui appartenaient à des américains avant leur nationalisation.

 

Des sanctions y sont assorties.

- titre III : les ressortissants américains actuels dont les biens ont été nationalisés entre 1959 et 1961 ont la possibilité de poursuivre devant les tribunaux américains toute personne dans le monde se livrant à un trafic sur les anciens biens.

- Titre IV : toute personne qui se livre à ce genre de trafic peut se voir interdire l’accès au territoire américain. 

 

Quelques exemples de condamnations :

- des interdictions d’entrée sur le territoire américain ont été prononcées contre le groupe canadien Sheritt international pour l’exploitation d’une mine. 

- même sanction pour la société mexicaine Grupo Domos qui possède une partie du capital des télécoms cubains ayant appartenu à ITT.

 

La loi d’Amato-Kennedy, contrairement à la loi Helms-Burton, ne comporte pas de caractère rétroactif. Elle interdit tout investissement futur de plus de 40 millions de dollars par an pour le développement du secteur pétrolier ou gazier en Iran et en Libye. Elle ne pénalise pas non plus directement les importations de pétrole de pétrole venant de ces deux pays.

 En ce qui concerne la Libye, cette loi impose également l’interdiction d’exporter des biens et des services  ou des technologies dès lors que de tels exports pourraient avoir un effet significatif sur le développement des secteurs gazier et pétroliers ainsi que sur le développement des capacités d’armement ou les capacités aéronautiques. En ceci, la loi D’Amato-Kennedy reprend les sanctions imposées par le Conseil de sécurité de l’ONU (résolutions 746 et 748) à la Libye en 1992.

 

Six sanctions sont proposées pour assurer l’application de cette loi.

- l’interdiction de toute aide financière pour l’exportation ou l’importation bancaire.

- interdiction d’émettre toute licence d’exportation de technologie au profit des personnes sanctionnées.

- l’interdiction de l’octroi de crédit de plus de 10 millions de dollars par une institution financière américaine.

- l’interdiction pour toute société américaine sanctionnée de participer au système bancaire américain ou de recevoir des fonds gouvernementaux.

- le gouvernement fédéral n’achètera aucun biens ou services à une personne sanctionnée.

- aucun bien produit par la personne sanctionnée ne sera importer sur le territoire américain.

 

Deux lois qui violent le droit international

 

Pour Justifier ces deux lois, Les Etats-Unis ont invoqués la théorie des effets ; celle-ci permet d’appréhender les actes qui se déroulent sur le territoire d’un pays tiers mais qui sont susceptibles d’affecter l’ordre économique et juridique d’un autre état. Ceci implique donc une conception très large de l’application extra-territoriale du droit.

Or cela n’est pas en accord avec les principes gouvernant l’extraterritorialité du droit, notamment avec la Résolution du Conseil de sécurité des Nations-Unies 748 du 31 mars 1992.  Conformément au droit international, tout Etat est seulement compétent pour adopter des lois réglementant ce qui se passe sur son territoire (principe de territorialité)  ou bien pour  légiférer à l’égard de ses nationaux, ce qui implique nécessairement une dimension extra-territoriale lorsque le national se trouve à l’étranger. Les lois extraterritoriales étant souvent réservées à la lutte contre des pratiques anti-concurrentielles.

Par ces deux lois contraires au Droit international, les Etats-Unis semble se réclamer de compétences qui ne lui appartiennent pas et qui s’apparentent davantage à des compétences onusiennes 

 

De plus, ces deux lois violent de nombreux autres principes du droit international :

- l’interdiction d’accès au territoire n’est possible que lorsqu’elle est justifiée par une question de sécurité publique ou alors de santé publique.

- les lois Helms-Burton et d’Amato-Kennedy enfreignent également les règles de la responsabilité internationale. Par exemple, si les Etats-Unis considèrent que le gouvernement cubain, en nationalisant les biens américains a violé le droit international, ils peuvent intenter une procédure contre le gouvernement cubain mais en aucun cas contre des personnes à qui ne peuvent être juridiquement imputés les agissements du gouvernement cubain

 

Elles violent également des engagements internationaux pris par les Etats-Unis :

- les règles de l’OMC : le GATT et le GATS

- l’ALENA : principe de libre circulation des hommes d’affaires (art 1603) à l’égard des mexicains et des canadiens

- la charte des OI dans son article 104 (b) car si un prêt ou toute autre aide financière est accordée par une institution financière internationale qui s’oppose à la volonté des Etats-Unis, ceux-ci s’autorise la possibilité de bloquer le paiement d’une somme équivalente à l’institution financière en question.

 

Pour la loi Helms-Burton, le non-respect des règles internationales est encore plus flagrant.

- la description du seul gouvernement possible et acceptable pour Cuba est totalement contraire aux principes de souveraineté et de non-intervention dans les affaires intérieures d’un Etat (résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations-Unies).

- autoriser les ressortissants cubains sur le territoire américain à déposer des plaintes revient à nier la légalité d’une nationalisation lorsqu’elle ne touche pas un étranger.

Les réactions de la communauté internationales face à ces deux lois

 

La condamnation de ces deux lois par la communauté internationale a été quasi immédiate. L’Union Européenne a réagi particulièrement vivement.

Elle a tout d’abord déposé une plainte à l’ORD le 16 octobre 1996 en invoquant les dommages créés pour l’UE ainsi que la violation des accords du GATT et aussi du GATS. Cette plainte ayant été refusée par les Etats-Unis, l’UE a réitéré sa demande qui a ainsi pris un caractère obligatoire. Toutefois cette procédure a été interrompue par l’UE qui a retiré sa plainte.

De plus, le conseil de UE a immédiatement pris le règlement 2271/96 instaurant un « blocking statute »  c’est-à-dire des mesures de protection pour les personnes de la Communauté européenne  contre les effets de l’application extraterritoriale d’une législation adoptée par un pays tiers ainsi que des actions fondées sur elle ou en découlant.  Ce règlement instaure également une clause de Claw back qui permet aux entreprises européennes de récupérer les sommes qui leur sont réclamées en application d’une loi extra-territoriale. Ce remboursement se fera sur les biens des entreprises américaines ou de leurs filiales situées dans l’espace communautaire.

- L’OEA a également réagi en août 1996 en déclarant la Lois Helms-Burton contraire au droit international.

 

L’effectivité de ces lois

 

Malgré les réponses très vives de la communauté internationale, ces lois ont tout de même eu un certain impact. Deux exemples en témoignent :

- la compagnie mexicaine CEMEX s’est retirée de Cuba pour préserver les intérêts de ses nombreux investissements aux Etats-Unis.

-La société australienne Broken Hill proprietary a abandonné son projet de construction d’un gazoduc entre l’Iran et le Pakistan.

Toutefois si la mobilisation de la communauté internationale n’a pas abouti à l’abrogation de ces deux lois ; elle a tout de même permis la suspension de l’application du titre III de la loi Helms-Burton.

 

 


 

[1] Il est intéressant de noter qu’en d’autres circonstances les Etats-Unis avaient condamnés le boycott secondaire que les pays arabes avaient mis en place contre Israël.

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