La guerre de l’eau est-elle possible au Moyen Orient ?

 

L’approvisionnement en eau du MO est une question majeure et l’un des points les plus difficiles des relations entre les pays de la région. L’eau est une nécessité absolue, pour la consommation domestique, et surtout pour l’irrigation de l’agriculture, dont les besoins ne cessent d’augmenter, parallèlement à la population.

 

Ce n’est pas une région très étendue, mais la répartition en eau est très inégale entre des pays qui compte déjà de nombreux sujets de discorde. De plus, même si l’accroissement des importations de produits nécessitant beaucoup d’eau à la production (le commerce de l’eau virtuelle), a permis de diminuer légèrement les tensions, celles-ci sont néanmoins toujours présentes et non négligeable au MO.

Quand on pense à un conflit au MO, on pense surtout à l’opposition entre Israël et les Palestiniens, et les autres pays arabes, mais ce ne sont pas les seules tensions existantes. Les tensions sont également très fortes entre la Turquie, la Syrie et l’Irak, notamment.

Le contrôle de l’eau est un facteur clé de la puissance dans une région où l’équilibre est déjà très fragile et où chacun doute de ses voisins et cherche à se protéger d’eux en assurant son indépendance ou sa domination.

Il apparaît clair que l’eau est un facteur important de cette indépendance et que l’on ne peut accroître ses réserves en eau en faisant la guerre à ses voisins à moins de contrôler en totalité leurs bassins hydrographiques et de les vider des habitants. La guerre de l’eau n’est donc pas une solution viable à long terme.

Ainsi une guerre basée uniquement sur l’eau est assez improbable, mais par contre, en se greffant à d’autres tensions, de par son importance, peut se révéler un facteur déclenchant ou aggravant d’un conflit dans la zone.

Nous verrons ainsi dans un premier temps la situation inquiétante dans laquelle se trouve le MO et les rapports de forces qui se sont créés autour de cette situation, puis nous verrons que malgré de timides tentatives, les perspectives d’apaisement ne sont pas véritablement évidentes.

 

1. Une situation problématique pour une grande partie des pays du Moyen Orient qui crée d’importants rapports de force :

 

A. La répartition en eau est inégale, entre des pays dont la situation est dramatique et d’autres pour lesquels la elle ne l’est pas autant :

           

On peut distinguer trois catégories de pays dans la région du MO :

            • Les pays et régions dont la situation est dramatique, comme Israël, la Jordanie, la Cisjordanie et Gaza. L’Etat hébreu et la Jordanie utilisent déjà 100% de leurs ressources propres, ce qui pose le problème de leur renouvellement, et les territoires palestiniens ont un déficit permanent en eau de plus de 30%.

            • Les pays qui disposent de quantités d’eau relativement suffisantes mais qui dépendent surtout des ressources renouvelables externes provenant des pays voisins, c’est le cas de l’Egypte, pour laquelle la situation n’est pas encore trop problématique, la Syrie et l’Iraq qui elles dépendent relativement du bon vouloir de la Turquie.

            • Enfin, les pays qui disposent de ressources renouvelables et peuvent subvenir aux besoins de leur développement économique sont la Turquie et le Liban.

 

B. Cette situation provoque nécessairement des tensions importantes entre des pays qui n’ont pas une grande tradition d’entente et de coopération :

 

            Les tensions les plus importantes et les plus visibles sont évidemment celles qui existent entre Israël et ses voisins arabes : que ce soient les Palestiniens, les Syriens ou les Jordaniens. Dès 1953, des tensions apparaissent entre la Jordanie et Israël quand Israël a commencé à construire un canal sur la zone démilitarisée pour détourner les eaux du Jourdain pour irriguer ses terres agricoles. En réponse, la Ligue Arabe supporte des projets visant à détourner le Jourdain à sa source par le Liban et la Syrie. Israël bombarde les installations obligeant les deux pays à abandonner les travaux. Aujourd’hui, un traité a été signé entre Israël et la Jordanie, mais la question reste toujours en suspens avec la Syrie et les Palestiniens alors même que la Syrie et la Jordanie sont dans l’incapacité de s’accorder sur l’utilisation des ressources du Yarmouk.

La question du retrait du plateau du Golan reste elle aussi problématique parce que cela constitue une ressource d’eau importante pour Israël. Il en va de même pour la Cisjordanie, actuellement une partie minime de l’eau disponible revient aux Palestiniens et tout le reste à Israël et cela constitue une raison importante pour Israël de ne pas vouloir laisser la maîtrise de ce territoire aux Palestiniens. Parce qu’Israël deviendrait encore plus dépendant de ses voisins arabes pour la fourniture d’eau.

 

            La seconde principale source de tensions vient de la politique de la Turquie de canaliser les eaux du Tigre et de l’Euphrate par la construction de divers barrages pour retenir l’eau nécessaire à son développement agricole et économique. Cela crée des tensions parce que la Syrie et l’Iraq accusent la Turquie de ne pas laisser un débit suffisamment important sur les deux fleuves et de polluer sensiblement les eaux qui arrivent en Syrie, les rendant difficilement utilisables. De fait, on considère que les barrages turcs pourraient priver la Syrie d’un an de ressources hydriques.  Même si la Turquie n’a jamais montré l’intention de se servir ainsi de ses barrages, la question de l’eau est tellement primordiale que la Syrie et l’Irak d’Hussein ne peuvent s’empêcher d’être critiques par rapport à ces barrages.

 

Ce sont ici les principales tensions remarquables autour des questions hydriques au MO, la situation est très complexe. Cela a pour principale conséquence que des accords sont très difficiles à conclure, de par leur caractère généralement bilatéral qui rend suspicieux tous les pays voisins non inclus dans l’accord.

 

 

2. Une situation qui malgré des embryons d’accords n’a pas de solution aisée :

 

A. La situation dans la région est maintenue plus ou moins stable par le respect d’accords :

 

Depuis l’entre-deux-guerres, la Turquie, la Syrie et l’Iraq possèdent une série d’accord concernant les débits du Tigre et de l’Euphrate renouvelés en 1987. Selon ces accords, les deux fleuves sont mis en commun entre les trois pays et la Turquie doit assurer un débit minimum de l’Euphrate de 500m3 à la seconde à la frontière avec la Syrie, un quart au moins de ce débit doit être conservé entre la Syrie et l’Iraq.

De même, en 1995 Israël et la Jordanie ont réussi à signer un accord sur l’utilisation du Jourdain et donc un partage de son débit. Cet accord contient une répartition des eaux du Jourdain et du Yarmouk ainsi que de certaines nappes souterraines. De plus les deux pays ont accepté les principes d’une coordination des efforts de rationalisation de la consommation d’eau, même si c’est à relativiser car subordonné à la bonne volonté relative des deux pays.

Plus récemment, IsraËl a conclu un accord avec la Turquie pour la fourniture de 50 millions de m3 annuels pendant 20 ans, mais à un prix extrêmement élevé et en sachant que ça ne correspond qu’à 3% de la consommation israélienne.  

Le problème, on le voit ici, c’est que ces accords portent la plupart du temps sur des quantités minimes d’eau pour les consommations de ces pays et pour un temps limité. D’autant plus limité que la croissance démographique importante de la région augmente chaque année les besoins en eau et donc les tensions.

 

B. Les tensions au sujet de l’eau restent tout de même très fortes et réapparaissent à chaque nouvelle occasion :

 

Pour ce qui est de la Turquie, de la Syrie et de l’Iraq, le problème est loin d’être réglé. Surtout depuis la mise en service des derniers barrages turcs, à moins de 50 Km de la frontière syrienne ce qui aurait nécessité un nouvel accord mais la Turquie a préféré s’en tenir à l’accord de 1987 qu’elle jugeait satisfaisant. Mais le problème s’est encore envenimé avec la dénonciation par la Syrie de la pollution importante de l’eau. Toutefois, au-delà de ça, la querelle de l’eau est prétexte à d’autres querelles politiques, Ankara accusant régulièrement Damas de soutenir le PKK et Saddam Hussein espérant, à l’époque où il dirigeait encore l’Iraq, utiliser son opposition à Ankara sur ce sujet pour se rapprocher de Damas, mais sans succès. Aujourd’hui la situation étant ce qu’elle est en Iraq, il d’autant plus difficile de prévoir l’évolution des relation entre ces trois pays.

Evidemment le problème majeur reste celui de la répartition entre les Palestiniens et les Israéliens. Le problème a pris toute son ampleur en réalité avec le transfert à l’autorité palestinienne de la responsabilité de l’agriculture. Aujourd’hui Israël tire plus du tiers de sa consommation d’eau dans les territoires occupés. 650 millions de m3 y sont puisés par an mais seulement 130 millions de m3 vont aux Palestiniens actuellement. Et Israël n’est pas prêt à négocier sur ce point, les nappes dans lesquelles ils puisent s’étendent également sous leur sol.  La seule avancée faite a été d’accorder 90 millions de m3 supplémentaires aux Palestiniens, le problème restant que 60% des Palestiniens vivent de l’agriculture contre 10% des Israéliens. Et si l’on considère que même avec cette répartition  inégale en sa faveur, Israël est loin d’être autosuffisant en eau et cette question va rester un des points majeur de désaccord dans le conflit israélo-palestinien et qui sera certainement un des plus difficiles à régler dans la résolution du conflit.

 

En conclusion, j’insisterais sur le fait qu’une guerre uniquement ou principalement basée sur les ressources en eau est peu probable mais que les tensions générées par cette question, se greffant sur une situation déjà tendue, rendent la résolution du problème extrêmement délicate. Il faut bien voir ici, qu’il ne s’agit pas d’un problème opposant uniquement Israël et les autres pays arabes de la région, mais qui mine réellement les relations diplomatiques de tous ces pays les uns avec les autres.

De plus, c’est un problème dont l’importance ne cesse de croître, avec l’accroissement important de la population et qui donc n’a aucune chance de se régler de lui-même. Une solution ne pourrait éventuellement venir que d’une gestion concertée des besoins d’eau dans la région qui pour l’instant fait largement défaut.

 

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