DOSSIER : L'IRAN

 

Si au Moyen-Orient, on cherche à voir un peu plus loin que la situation présente, il convient de regarder du côté de l¹Iran. La donne stratégique a changé dans le voisinage immédiat de cet état qui est central au Moyen-Orient. Et la République Islamique est au même titre que l¹Irak et la Corée du Nord, rangée par Washington parmi les pays de l¹axe du mal.

Sur le plan des affaires intérieures, la victoire des réformateurs aux élections législatives de février 2000 marque-t-elle une rupture depuis la révolution islamique de 1979, la voie vers "une démocratie islamique" ?

 

► dialectique des enjeux internes / externes : quelles intrications ?

 

 

I. L’Iran, entre tradition assumée et modernité forcé ?

 

L’Iran, carrefour de plusieurs mondes et couloir vers l’Asie :


L'Iran, c'est l'ancienne Perse, qui connu son apogée autour de 500 avant notre ère, sous le règne de Darius durant l’Empire Achéménide. "Iran" signifie en sanskrit “pays des Aryens”, des nobles. Les Aryens, populations indo-européennes ancêtres des Perses, sont venus s'établir sur le plateau iranien vers le deuxième millénaire avant JC.

 

Au sud du continent eurasiatique, ce monde perse fait jonction entre le monde arabe, le monde turc, et le monde indien. Cette fonction de lien se retrouve dans la composition de la population.

 

L’Iran forme un couloir entre les chaînes du Zagros, les monts Elbourz et les massifs afghans qui a longtemps permis le passage entre la Méditerranée et la Chine. C’est d'ailleurs là que passait l'une des Routes de la Soie.

 

Le Golfe au centre du commerce iranien

 

Dans la région du Golfe, Dubaï, avec son importante diaspora iranienne est au centre du commerce des biens de consommation avec l'Iran. 40% des biens importés par Dubaï sont réexportés vers l'Iran, en grande partie clandestinement. C'est là que transitent les produits américains, pour contourner l'embargo, et que s'approvisionnent les marchands du bazar de Téhéran.

 

Un pays multi-ethnique :

 

Sur ces 67 millions d’habitants, près de la moitié sont des Perses . Ils vivent autour des déserts centraux et dans le sud. Quant aux minorités, Azéris, Turkmènes, Kurdes, Baloutches, Arabes et Baktiars, elles vivent plutôt en périphérie.

 

Une population jeune, alphabétisée, demandeuse de démocratisation (manifestations récurrentes d’étudiants).

 

 

 

Le persan et le chiisme, deux éléments d’unité du pays :           


Ce qui fait l'unité de ce pays, c’est la culture persane : le Persan est langue nationale, qui est parlée par 85% de la population du pays.

 

La quasi-totalité des Iraniens sont musulmans shiites. C’est un liant de la nation. L¹Iran regroupe, à lui seul près de la moitié des Shiites dans le monde. Mais 90% des musulmans dans le monde sont sunnites.

 

c’est quoi le chiisme ?

 

.Le chiisme est né au 7ème siècle de notre ère, après la mort du Prophète, d'une contestation qui porte sur la désignation du guide des Musulmans. Les Chiites affirment que ce rôle revient à Ali, le gendre de Mahomet, et à sa descendance, alors que les sunnites pensent que le chef de la communauté musulmane doit être désigné parmi les fidèles.

.Dans les années 70, pour s'opposer au pouvoir du Shah, les Iraniens se tournent de nouveau vers le chiisme, incarné alors par Khomeyni. Il cristallise le rejet, par la société iranienne, de ce modèle politique répressif et l’aspiration à une plus grande liberté, une plus grande dignité et une plus grande justice sociale. En 1978, des émeutes ont lieu à Tabriz, Qom et Téhéran, des troubles ont lieu dans les universités et des grèves dans les secteurs vitaux de l'économie.

 

L’Iran est un "grand" pays : c’est une ancienne civilisation majeure, un vieil Etat, une vraie nation.

 

II. L’Iran et les nouvelles républiques d’Asie centrale

 

 

Pour l’Iran, immense pays de 1,6 million de km2 (soit plus de quatre fois l’Allemagne), le contexte géopolitique a totalement changé en quelques années. Au nord, le pays voit, avec la fin de l’URSS, l¹apparition d’Etats indépendants dans le Caucase et en Asie centrale.

 

Ces nouveaux Etats indépendants du Caucase et d¹Asie Centrale sont dotés de grandes ressources en hydrocarbure : pour Téhéran, ce sont des nouvelles routes d¹évacuation et des enjeux majeurs.

 

 

 

Une économie traditionnelle mais d¹importantes ressources énergétiques :

 

L’Iran est un pays d'élevage, surtout des ovins, à cause de la laine. C’est en effet un grand exportateur de tapis. C’est aussi un pays agricole : au nord, les provinces bordant la Caspienne fournissent le quart de la production agricole, qui sont surtout des céréales.

 

Les villes de Téhéran, Mashhad, Chiraz, Tabriz, Ispahan, et de Qom sont les principaux sites industriels du pays. Au sud-ouest, se trouvent les gisements de gaz et de pétrole, les raffineries, et les ports pour l'exportation du pétrole brut.

 

L’Iran est donc un pays très riche en hydrocarbures :

 

·        9 % des réserves mondiales prouvées en pétrole ;

·        14 % des réserves en gaz.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Iran sous le joug des occidentaux


L'Iran est au centre d'une vaste lutte d'influence, dans l'après deuxième guerre mondiale. Pour les occidentaux, l'enjeu est double : tout d’abord, il y a le pétrole, exploité en commun par les Anglais et les Iraniens (la nationalisation des pétroles iraniens en 1953 est d’ailleurs remise en cause par un coup d'Etat organisé par la CIA et le Royaume-Uni). Et puis ensuite, pendant la guerre froide, l'Iran devient un allié majeur de Washington, avec une forte présence américaine dans le pays.

 

L’enjeu géopolitique autour des hydrocarbures :

 

La position géographique de l’Iran, lui offre la possibilité de tenir un rôle de premier plan dans l’évacuation des hydrocarbures, venant de la partie Est de la mer Caspienne et du Turkménistan. Le pays offre une route alternative à la Russie pour désenclaver justement ces pays d’Asie Centrale.

 

 

Mais la progression de ces nouvelles routes commerciales - routes, voies ferrées, gazoducs, oléoducs - doivent être suivies attentivement, car elles ne sont pas que des routes économiques et énergétiques : ce sont des routes «politiques». Jusqu'à présent, le projet iranien de devenir le «corridor» principal pour l’exportation du gaz et du pétrole de la Caspienne est bloqué par les Etats-Unis.

 

 

 

Méched, nouveau carrefour régional

 

Au Nord-Est, la ville de Méched redevient un carrefour régional, entre Iran et Asie centrale. Grâce au raccordement du réseau ferré iranien au Turkménistan, l'Iran sert de port d'exportation pour toute cette région d'Asie centrale, via Bandar Abbas, sur le Golfe.

 

 

v     La politique étrangère des ayatollahs et les réactions américaines :

 

Depuis la révolution shiite de 1979, conduite par l’Imam Khomeiny, l’Iran a fondé une part de sa politique étrangère sur l'intimidation : prises d’otages, notamment américains, terrorisme, soutien au Hezbollah, au Liban, ou fatwa lancée contre l’écrivain Salman Rushdie.

 

CIJ, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, 1980

 

« Dans la conduite des relations entre Etats, il n’est pas d’exigence plus fondamentale que celle de l’inviolabilité des diplomates et des ambassades ».

 

En 1996, une loi du Congrès américain, dite loi d’Amato, a interdit aux compagnies étrangères, tout investissement en Iran au delà de 40 millions de dollars, sous peine de sanction américaine. Depuis la révolution islamique et la prise d'otages sanglante en 1979 du personnel de l'ambassade américaine à Téhéran, les relations entre les deux pays ne sont toujours pas revenues à la normale.

 

Les positions américaines dans la région

 

Depuis novembre 2001, avec la traque des réseaux Al Qaida, le pays constate l’installation de facilités militaires américaines au Tadjikistan, Kirghizistan, et en Ouzbékistan. Celles-ci viennent compléter, au sud, les bases américaines dans le Golfe. A l’Est, en Afghanistan, l’Iran est maintenant débarrassé du régime Taliban qu’il a toujours combattu. Mais, ce pays est toujours aussi pauvre et instable. De plus, à Kaboul est institué un gouvernement central mis en place par les Etats-Unis. Au Sud-Est, le Pakistan, également instable, est totalement écartelé entre les choix de politique extérieure du gouvernement apparemment pro-américain, et les adhésions profondes de la société Pakistanaise, musulmane et anti-américaine. Enfin, à l’Ouest, l’Irak où certes, la fin de la dictature de Saddam Hussein cesse d’être menaçante pour l¹Iran, mais où il s’installe un régime favorable aux intérêts américains. L’Iran est donc encerclé par des pays désormais proches des intérêts américains.

 

 

III. Quel avenir ?

 

Vers une normalisation avec les Etats-Unis ? L’Europe et l’Asie, des alternatives ? :

 

Aujourd’hui, le pouvoir iranien est peut-être à un tournant, car Téhéran envoie des signaux d’une grande modération lors de la guerre en Irak de mars 2003. Tout cela pourrait conduire à une normalisation des relations américano-iraniennes.

 

L'Europe est aujourd'hui le premier partenaire commercial de l'Iran avec 46% de ses échanges extérieurs. En 1996, la France a décidé d'ignorer les sanctions de Washington et un consortium dirigé par Total a signé un contrat de 2 milliards de $ pour exploiter du gaz à South Pars dans les eaux du Golfe.

 

En Asie, Téhéran a trouvé une nette convergence d'intérêt avec la Chine. La Chine voudrait faire transiter la production du gisement qu’elle a acheté au Kazachstan, par un oléoduc au Turkménistan et en Iran, pour le transporter alors par tanker vers la Chine.

 

Les ministres français, britannique et allemand des affaires étrangères ont obtenu, mardi 21 octobre 2003, du régime de Téhéran qu'il s'engage à coopérer totalement avec l'AIEA. L'Iran promet de suspendre l'enrichissement d'uranium et d'accepter des visites surprises de ses installations. Le 18 décembre 2003, l'Iran rejoint le camp des 74 Etats signataires du protocole additionnel au traité de non-prolifération.

 

Installations et inquiétudes nucléaires :

 

L'Iran est signataire du Traité de Non-prolifération Nucléaire, ratifié en 1971, ce qui engage ce pays à ne pas développer de nucléaire militaire et à ouvrir ses installations aux inspections de l’Agence de l’Energie Atomique de Vienne. L’Iran a acheté une centrale nucléaire à la Russie, qui est en construction à Bushehr, le pays est dans son droit. Mais deux autres sites inquiètent toutefois les experts. En décembre 2002, une photo satellite du site de Natanz montre que l’usine produira de l’uranium enrichi, destiné à servir de combustible aux centrales nucléaires. Elle assurera donc l¹indépendance énergétique de la centrale de Bushehr.

 

La menace nucléaire: un nouvel obstacle à la normalisation :

 

Beaucoup d’interrogations :

 

- pourquoi plusieurs bâtiments ont-ils été construits en souterrain? ;

 

- pourquoi l’usine de Natanz a-t-elle de si gigantesques proportions ? pour produire plus d’uranium enrichi, et rendre ainsi plus facile les détournements à des fins militaires ? ;

 

- et pourquoi la construction de cette usine a-t-elle commencé en secret ?.

 

Ces questions sont renforcées par la découverte d’un deuxième site préoccupant, celui d’Arak, à 150 Km au sud de Téhéran. Il produit de l’eau lourde (c'est-à-dire de l’eau ordinaire enrichie en isotope deutérium de l’hydrogène) utilisée comme modérateur dans certains réacteurs nucléaires, ou bien dans le cycle de fabrication des bombes. Alors pourquoi une usine de production d’eau lourde, alors que l¹usine de Bushehr n’en a pas besoin ? A quoi l’usine d’Arak doit-elle servir ?

uranium enrichi, eau lourde = technologies à double usage : civil ou militaire. Tout cela freine la normalisation des relations américano-iraniennes.

 

 

On ne pouvait que s’étonner du fait que l’Iran ait refusé de signer le protocole autorisant les visites impromptues. Pourquoi Téhéran refusait-t-il ces visites ? Pourquoi un pays si riche en pétrole veut-il se doter d’une industrie nucléaire ? Est-ce pour élargir encore son autonomie énergétique et à terme avoir une plus grande autonomie de défense ?

 

En tout cas, l’Iran cherche probablement à se doter d’une plus grande marge de manoeuvre face aux Etats-Unis, une marge qui s’ajouterait à son appui aux minorités shiites, sa rivalité avec l¹Arabie Saoudite, sa politique anti-israélienne. Le gouvernement de Téhéran redoute, à la fois l’encerclement, et la perspective d’avoir un Irak voisin qui devienne une puissance régionale pro-américaine. Et aussi le retour du producteur irakien sur le marché pétrolier. Les exportations de pétrole de l¹Iran représentent 50% des recettes du budget de cet état.

 

 Evidemment, il reste à vérifier les intentions de l’Iran dans le domaine nucléaire. Mais ce régime, dans la logique de Washington, peut combiner à terme un pays à régime musulman, anti-américain et producteur, peut-être, d’armes de destruction massive. On l’a compris, les Etats-Unis et l’Iran sont à nouveau en concurrence frontale sur de nombreux dossiers. Alors, l’Iran prochaine cible américaine ?

 

Sûrement pas militairement, on n’entre pas en Iran comme on entre en Afghanistan, ni même en Irak. D’une part il y a 60 millions d’habitants, ensuite l’Iran a une longue histoire et une cohésion en tant que nation. Ce qui n’est pas le cas pour l’Afghanistan, ni même pour l’Irak. Pour les Etats-Unis, la force, là, n’est pas une option.

 

C’est d’autant plus vrai, que depuis le séisme dévastateur de Bam en Iran (décembre 2003), les ennemis américains et iraniens se décernent mutuellement des bons points (envoi d’aide humanitaire américaine, Colin Powell a noté "une nouvelle attitude" de la République islamique, suspension provisoire et partielle des sanctions imposées à l'Iran, certains observateurs parlent déjà d’une “earthquake diplomacy”), avec toute la prudence requise, mais continuent à réclamer l'un de l'autre des actes probants pour éventuellement penser à une reprise du dialogue.

Sources :             - Le dessous des cartes : www.arte-tv.com

                             - Ramsès 2004, éditions DUNOD

                             - www.webencyclo.com

 

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