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Cours d'économie - Economie européenne - A quelles conditions l’élargissement de l’Union Européenne sera-t-il économiquement profitable ?

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A quelles conditions l’élargissement de l’Union Européenne sera-t-il économiquement profitable ?

 

L’Union Européenne s’apprête à connaître le plus grand élargissement de son histoire. Les conséquences économiques à attendre de cet élargissement sont très importantes. En effet, l’élargissement peut se comprendre, en termes économiques, comme l’élargissement d’un marché unique et intégré dans lequel toutes les marchandises et tous les facteurs de production peuvent circuler librement.

A cela s’ajoutent les possibilités de rattrapage accéléré offertes aux économies des Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO), et un certain nombre de facteurs institutionnels, tels que les gains en terme de crédibilité des politiques économiques des nouveaux Etats de l’Union. La théorie économique enseigne que tous ces facteurs sont susceptibles d’accroître le bien-être général.

Cependant, l’originalité de cette expérience économique doit être prise en compte : la confrontation entre deux économies aussi différentes en termes de poids et de structures peut également être analysée comme un choc majeur, pour les économies des PECO comme pour celles de l’UE occidentale. En particulier, il existe un très fort risque de gains asymétriques, c’est-à-dire inéquitablement partagés, qui induisent un risque très fort, à la fois politique et économique. Si l’on veut que cet élargissement soit économiquement profitable, trois questions successives doivent trouver une réponse : comment éviter un effet récessif à court terme de l’élargissement ? Comment optimiser le gain de croissance à attendre d’un élargissement ? Et surtout, comment arriver à ce que cette croissance se fasse de la manière la moins asymétrique possible et crée effectivement les conditions d’un rattrapage par les économies de l’est ?




La théorie économique laisse donc attendre des gains de l’élargissement, même si ils sont difficiles à prévoir précisément (I). Afin d’optimiser ces gains économiques, une coopération est-ouest intense est nécessaire, ainsi que d’importantes évolutions institutionnelles à l’est (II).

La théorie économique moderne a depuis son origine insisté sur les gains que l’on pouvait attendre du développement du commerce mondial et de la spécialisation internationale qui l’accompagne. Deux modèles concurrents, celui de Ricardo et le modèle dit HOS, expliquent cela. Le premier insiste sur les différences de productivité qui existent entre les pays. Le second se focalise sur les différences de dotation en facteurs. La théorie contemporaine a retiré des enseignements de ces deux modèles et les a replacés dans une perspective dynamique. Cinq canaux de transmission peuvent expliquer les gains économiques à attendre de l’élargissement.

Le premier est celui du développement du commerce, du à l’abaissement des barrières douanières, qui permet une diminution des produits importés, et donc une création de trafic. Cet accroissement assure une plus grande concurrence entre produits, et donc une tendance à la spécialisation de chaque pays dans les domaines pour lesquels son avantage comparatif (qu’il soit en dotation de facteurs ou en productivité) est le meilleur. Cependant, le fait que l’UE ait très têt abaissé ses barrières douanières à l’égard des PECO relativise les gains à attendre de ce phénomène, qui ont sans doute déjà eu lieu en grande partie, sauf dans certains domaines considérés comme « sensibles » et menacés par la concurrence par les Etats de l’ouest : textile, agriculture, acier.

Cet effet devrait cependant être relayé par un deuxième, qui est celui du marché unique. Selon la typologie de Balassa de 1961, zones de libre échange et marché unique se distinguent par le fait que le deuxième permet une mobilité de tous les facteurs, et pas seulement des produits. Cela permettra donc des économies d’échelle (du fait de l’augmentation de la taille des marchés) et une augmentation de la concurrence par les prix. Celle-ci sera renforcée du fait de la participation des PECO au système monétaire européen, qui garantira une certaine stabilité des changes. Cet élargissement de la zone de changes fixes peut être considéré comme un troisième facteur de développement économique (avec toutefois des réserves, dans la mesure où la politique de change des PECO devra tenir compte de l’augmentation progressive de leur Parité de Pouvoir d’Achat, cf. infra)

Le quatrième effet est celui du mouvement des facteurs. Les mouvements qu’on anticipe sont une émigration massive de travailleurs qualifiés vers l’ouest (on anticipe un mouvement de 335 000 personnes dès l’ouverture des frontières), et un afflux de capitaux et de dépenses de technologie à l’est. Cela correspond à une relocalisation des facteurs là où leur rémunération marginale est le plus élevée, et correspond donc à une meilleure allocation des ressources. Des mouvements d’une telle ampleur ne sont cependant pas sans risque, et l’ampleur des mouvements de capitaux dépendra largement du degré de baisse des taux d’intérêt dans les PECO.

On peut assimiler à cet effet les transferts budgétaires massifs de l’UE vers les PECO, qui auront cependant la spécificité d’être orientés vers les dépenses de biens publics les plus susceptibles de créer des externalités positives.

De nombreuses inconnues subsistent donc. Les différents rapports prospectifs qui tentent d’évaluer les gains économiques à attendre restent d’ailleurs prudents : les gains économiques attendus pour les pays occidentaux de l’UE fluctuent entre 0,2 et 0,7% de PIB. Pour les PECO, ils fluctuent entre 1,5 et 18% de PIB, selon une étude de Baldwin, qui fait de la baisse des taux d’intérêt le principal facteur susceptible d’influencer ces gains. Cette difficulté de prévision s’explique par le fait que les économies est et ouest européennes sont très différentes. Quelques chiffres suffisent à le montrer : le revenu par tête en PPA des PECO est le tiers de celui de l’UE actuel. Les salaires hongrois (les plus élevés des PECO) sont 10 fois moins élevés que ceux de l’Allemagne. Le poids économique des PECO représente 5% de celui de l'actuel UE. Enfin, si les PECO réalisent 70% de leurs échanges avec l’UE, celle-ci ne réalise que 12% de ses échanges avec eux.

Les indicateurs chiffrés ne suffisent pas : les structures économiques sont très différentes, toutes les conséquences structurelles de la période soviétique n’ayant pas disparu. Elle s’est caractérisée par des distorsions très fortes dans l’allocation des ressources, conduisant à des spécialisations dans des secteurs pourtant peu productifs : l’industrie lourde est surreprésentée, l’agriculture très peu productive, le système bancaire, très récent, est fragile. Surtout, les sociétés des pays d’Europe orientale n’ont pas sécrété les institutions et habitudes qui constituent le substrat d’une économie de marché.

Ces différences très fortes expliquent qu’il existe un risque de gain très asymétrique. Asymétrique entre est et ouest d’abord : l’élargissement pourrait avoir comme conséquence économique une « division européenne du travail » très inégalitaire. Les avantages comparatifs des PECO reposent en effet pour l’instant dans les industries intenses en capital et en travail peu qualifié, alors que ceux de l’Europe de l’ouest reposent dans les activités denses en technologie et en travail qualifié. Or, du fait des différences de rémunération des facteurs, il existe un risque que cette opposition se renforce. La théorie économique standard s’est peu intéressée aux conséquences de la mobilité des facteurs, ce qui lui a permis de conclure à l’égalisation du coût des facteurs dans tous les pays (cas du modèle HOS, qui fait l’hypothèse d’une fixité des facteurs). Or il existe un risque en Europe que la main d’œuvre qualifiée ne soit massivement attirée vers l’ouest, du fait des salaires réels plus élevés, ainsi que les investissements en technologie, attirés par les fortes externalités positives. Symétriquement, les capitaux spéculatifs seraient attirés par les fortes primes de risque servies à l’est, ainsi que les industries demandeuses de main d’œuvre peu qualifiée et pourvoyeuses de produits de basse qualité.

Outre l’évidente iniquité qui en résulterait, ce résultat serait économiquement inefficace : R.G. Lipsey a dégagé, en 1960, les conditions d’efficacité d’une union douanière. Parmi elles se trouve le critère de concurrence : plus les structures de production nationales sont concurrentes, plus de nouvelles spécialisations ont de chance d’apparaître, et donc plus l’union économique sera efficace (la théorie moderne des échanges internationaux insiste sur le fait que les spécialisations sont conséquence plutôt que cause du développement du commerce international). Par ailleurs, il insiste sur la nécessité d’abaisser les coûts de transport. Il importe donc de limiter ce développement asymétrique, d’aller au contraire vers une convergence des économies européennes susceptible de développer le commerce intra-branche plutôt que de créer une « division européenne du travail ».

Enfin, le risque de gain asymétrique existe également entre PECO (la Hongrie, la Pologne et la République tchèque ont d’ores et déjà décroché par rapport aux autres PECO, du fait d’une aide plus précoce et intensive de la part de l’UE) et entre pays de l’UE (l’Allemagne sera probablement beaucoup plus gagnante que ses partenaires ; certains risquent même d’être perdants, à l’image du Portugal, qui se verra en plus privé d’une bonne part des fonds structurels). C’est également un des enjeux de la réussite économique de l’élargissement.

Les principaux points à traiter afin de rendre l’élargissement de l’Union « économiquement profitable » sont donc les suivants :

- Faciliter l’adaptation institutionnelle des PECO à l’économie de marché, et en particulier de leur système bancaire et juridique.

- S’assurer qu’une division asymétrique du travail ne se mettra pas en place en Europe, en particulier en encourageant une allocation homogène des facteurs.

Ces deux objectifs ne relèvent pas des mêmes logiques politiques : si les Etats de l’actuelle UE portent une grande responsabilité dans la réalisation du second, le premier nécessitera un important investissement des gouvernements des PECO eux-mêmes. Ces deux points seront abordés successivement.

L’actuelle Union Européenne doit en effet mener un certain nombre de politiques volontaristes et accepter certaines concessions. La première de celles-ci est la généralisation des mesures de libre concurrence aux champs qui sont pour l’instant restés protégés : agriculture, industrie lourde. Ces domaines sont en effet ceux où les économies de l’est auraient les avantages comparatifs les meilleurs, mais où les politiques de soutien des prix et de maintien de barrières tarifaires n’ont pas été abandonnées. Le choc social que constituerait l’abandon de ces politiques (disparition probablement rapide des industries lourdes ouest européennes) a justifié de telles distorsions de concurrence. Il serait sans doute souhaitable de les remplacer par des politiques soutenues de développement et de reconversion régionales.

Le second enjeu est lié à la gestion des fonds structurels. En effet, ils constituent un moyen privilégié de contrôle de l’allocation des ressources, mais en même temps un risque de déstabilisation macroéconomique pour les économies des PECO.